Avant qu’un projet-pilote du gouvernement du Québec n’autorise les chauffeurs d’Uber à faire du transport rémunéré de personnes en utilisant l’application mobile UberX, des centaines de constats d’infraction ont été distribués pour avoir enfreint la Loi concernant les services de transport par taxi. On reprochait aux chauffeurs d’avoir offert un transport rémunéré de personnes à l’aide d’une automobile sans être titulaires d’un permis de propriétaire de taxi.

Dans une « cause phare » connexe à environ 1 000 autres dossiers, de ces chauffeurs ont présenté une requête en exclusion de la preuve fondée sur les articles 8, 9, 10 a) et 10 b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Voici comment le juge Serge Simon a tranché la question et a rejeté la requête.

Les chauffeurs d’UberX n’ont pas d’expectative raisonnable de vie privée

UberX est un espace public qui sert à mettre en relation un chauffeur avec un client potentiel. En utilisant cette plate-forme, les chauffeurs ont expressément autorisé Uber à divulguer aux clients potentiels les quelques informations qui les concernent. Ils ont donc implicitement renoncé à la protection de leur vie privée à l’égard de ces informations. De toute façon, la nature des renseignements communiqués (soit le prénom du chauffeur, sa photo, son numéro de plaque d’immatriculation ainsi que la marque et le modèle de sa voiture) ne touche pas leur vie personnelle. De plus, en décidant de s’engager dans l’activité économique du transport de personnes, les chauffeurs n’utilisent plus un simple véhicule de promenade mais plutôt un « véhicule commercial », diminuant ainsi toute expectative de vie privée.

L’obtention d’informations par les contrôleurs via UberX n’est pas une fouille abusive

En utilisant l’application UberX, les contrôleurs agissent à l’intérieur de leurs pouvoirs puisqu’ils s’assurent que le véhicule qu’ils s’apprêtent à faire immobiliser est utilisé pour effectuer un transport de personnes. Ils peuvent par la suite en faire l’inspection et examiner tous documents relatifs à l’application de la loi. La remise de documents qu’une personne est tenue de rendre pour examen ne constitue pas une au sens de l’article 8 de la charte, car il n’existe pas d’attente de vie privée.

L’interpellation des chauffeurs n’est pas une détention arbitraire

La détention, de courte durée, était justifiée par l’article 67 de la loi . Les contrôleurs ont limité leur inspection à ce qui était nécessaire pour vérifier l’application de la loi et les chauffeurs ont rapidement été informés des motifs de leur interpellation par des contrôleurs en uniforme.

Les chauffeurs n’avaient pas droit à l’assistance d’un avocat

Tout contact entre un agent de la paix et un citoyen, même suspect, ne déclenche pas nécessairement l’application du droit garanti par l’article 10 de la charte. En l’espèce, les contrôleurs n’avaient pas l’obligation d’informer les chauffeurs de leur droit à l’avocat ni de leur permettre de s’en prévaloir puisqu’une détention légale en matière de sécurité routière n’entraîne pas l’application de ce droit. La brève inspection autorisée par la loi s’avère incompatible avec l’exercice du droit à l’avocat.

Enfin, même s’il y avait eu atteinte aux droits garantis des chauffeurs, le juge a retenu que la gravité de la conduite attentatoire de l’État, l’incidence de la violation sur les droits des défendeurs ainsi que l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond militaient en faveur de l’inclusion de la preuve obtenue.

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