Les coiffeuses et les esthéticiennes travaillent à soigner notre image. Nous confions cette délicate mission à leurs mains habiles et passons en mode « relaxation » sans songer aux conséquences que l’exercice de leurs tâches peut avoir sur leur propre corps. On dit souvent qu’il faut « souffrir pour être beau ». Mais qu’en est-il de ceux qui souffrent pour qu’on le soit?

Je vous propose de porter le regard au-delà du miroir. Comment? En vous arrêtant à  3 cas de maladies professionnelles qui ont entraîné une indemnisation en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Risques professionnels

De prime abord, on ne conçoit pas les métiers de la coiffure et des soins esthétiques comme étant « dangereux ». Ils comportent toutefois leur lot de risques pour la santé et la sécurité de ceux qui les exercent.

Un article du magazine Prévention au travail illustre certains des risques présents dans le milieu de la coiffure.

En France, le mensuel Travail et sécurité, publié par l’Institut national de recherche et de sécurité, a récemment consacré un dossier aux métiers de la beauté, « un secteur confronté aux troubles musculosquelettiques et aux risques liés aux produits chimiques ».  

Toujours en Europe, le site de l’Officiel Prévention, santé et sécurité au travail propose des « fiches métiers » qui présentent notamment les principaux risques professionnels chez les coiffeurs et les esthéticiennes.

Les cas qui suivent concernent 3 travailleuses qui ont souffert de troubles musculo-squelettiques reliés à l’exercice de leurs tâches.

Coiffure

Dans Faucher, la travailleuse prétendait que les lésions diagnostiquées chez elle – une épicondylite au coude gauche, une myosite des trapèzes et une bursite à l’épaule gauche – avaient été causées par son travail de coiffeuse. Le tribunal lui a donné raison et a conclu qu’elle avait été victime d’une maladie professionnelle.

Il analyse ainsi les gestes effectués par la travailleuse :

[49]        […] la travailleuse effectue les gestes suivants dans le cadre de son travail, lesquels sollicitent ses muscles épicondyliens gauches :

  • La travailleuse effectue des gestes de préhension soutenus et répétitifs des outils les plus lourds, séchoir à cheveux et fers à friser, de la main gauche. […]
  • Elle effectue également des gestes de dorsiflexion soutenue du poignet gauche qui tient en même temps des outils tels que séchoirs à cheveux et fers à friser;

 [50]        La preuve démontre également que la travailleuse effectue des gestes qui sollicitent ses deux trapèzes et son épaule gauche :

  • Elle travaille généralement avec les deux bras en position d’abduction/flexion antérieure de 60º à 90º, pendant des périodes de 20 minutes à 2 heures pendant lesquelles elle ne prend pas de pauses;
  • La travailleuse mesure 5 pieds et 2 pouces de sorte que, comme elle l’a expliqué à l’audience, elle a, plus souvent qu’autrement, les bras élevés à une amplitude de 90 º et plus pour effectuer ses tâches.

Le tribunal retient que les trapèzes sont constamment sollicités dans l’exécution des tâches de coiffeuse, qui impliquent que la travailleuse maintienne « pendant des périodes de temps prolongées, les deux bras dans une amplitude élevée » (paragr. 51).

Il souligne enfin la présence d’un facteur de risque supplémentaire pour l’épaule gauche :

[52]        […] lorsqu’elle exécute les mouvements nécessitant qu’elle maintienne ses deux bras élevés, ces gestes impliquent, pour le bras gauche, un certain usage de force parce qu’elle soutient le séchoir à cheveux et les fers à friser ou autres […].

Coiffure pour hommes

Dans De Ladurantaye, le tribunal a conclu que la travailleuse avait développé une tendinopathie de la coiffe des rotateurs et une capsulite de l’épaule droite dans l’exercice de ses tâches de coiffeuse pour hommes. Il a reconnu que ces conditions étaient directement reliées aux risques particuliers de son travail et constituaient une maladie professionnelle.

En ce qui a trait aux tâches exercées par la travailleuse, le tribunal a notamment retenu ceci :

[44]        […] la preuve non contredite et crédible démontre que le travail de coiffeuse exige le maintien des bras en élévation au-dessus des épaules, particulièrement le membre supérieur droit, souvent en position statique. La nature particulière de la clientèle que dessert la travailleuse, soit une clientèle masculine, et sa formation à titre de barbier, font en sorte qu’elle doit, dans l’exercice de ses tâches, utiliser plus fréquemment la tondeuse électrique, ce qui implique également la manipulation d’une certaine charge à bout de bras. À cela s’ajoute la petite taille de la travailleuse qui, dès qu’elle reçoit un client mesurant plus de 5 pieds 10 pouces, doit effectuer une partie de ses tâches avec le bras droit à plus de 90 degrés d’élévation.

[…]

 [46]        […] le tendon de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite est mis à contribution sur une base régulière par la travailleuse dans des postures contraignantes sur des quarts de travail de 8 heures par jour, voire même 10 heures le vendredi.

Soins esthétiques

Dans Jolicoeur, la travailleuse occupait un poste d’esthéticienne et de technicienne en électrolyse dans un centre de beauté. Elle travaillait 3 jours consécutifs par semaine, dont 1 journée pendant 10 heures d’affilée. La majeure partie du temps travaillé quotidiennement était consacrée aux traitements d’électrolyse. Le reste du temps de travail servait aux soins par laser et aux autres soins.

Le tribunal a reconnu que la tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche dont la travailleuse souffrait était une maladie professionnelle reliée directement aux risques particuliers de son travail.

Il s’est plus particulièrement arrêté à la posture de travail adoptée par la travailleuse :

[46]        Bien que les structures sollicitées aient pu bénéficier, à certains moments, de pauses compensatoires, […] le maintien prolongé d’une posture contraignante représente un facteur de risque susceptible de causer une tendinite de la coiffe.

[…]

[48]        Le tribunal prend en compte les explications offertes par l’ergothérapeute voulant que le maintien d’une posture statique l’est contre-résistance car il implique une certaine lutte contre la gravité. Ainsi, le déploiement constant d’une certaine force sollicite indûment les structures et constitue un facteur de risques susceptible de causer une tendinite. […]

[…]

[52]        […] le maintien d’une posture contraignante pour prodiguer les soins d’électrolyse à raison de 80 % du temps quotidiennement travaillé représente un facteur de risque susceptible de causer une tendinite à l’épaule gauche.

Conclusion

La prochaine fois que vous vous installerez confortablement au salon de coiffure ou d’esthétique, ne négligez pas d’avoir une pensée pour la personne qui vous « prend en charge ». Mais peut-être le faites-vous déjà? Par de multiples gestes, cette personne contribue à votre bien-être. Et parfois, c’est sa santé qui écope.