Le scénario est archiconnu et vous l’avez sans doute déjà vécu : vous êtes tranquillement assis dans votre salon, en train de lire un article passionnant sur votre tablette ou en pleine préparation de votre souper quand, soudain, on sonne à la porte. Après avoir à contrecœur abandonné votre activité, vous vous retrouvez devant un adolescent qui vous propose d’acheter du chocolat pour financer un voyage, un tournoi sportif ou une quelconque activité parascolaire. N’écoutant que votre grand cœur, vous fouillez dans vos poches et vos fonds de tiroirs pour amasser l’argent nécessaire à l’achat du bien chocolaté convoité. Bien qu’une telle visite ne soit pas toujours souhaitée ou opportune, il n’en demeure pas moins que le travail effectué par ces jeunes requiert une bonne dose de persévérance.
Récemment, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a avisé une entreprise spécialisée dans la vente et la distribution de chocolat, Ado-Boulot inc., que les adolescents qui effectuaient la vente porte-à-porte de ses produits ainsi que les moniteurs engagés pour les encadrer étaient des travailleurs au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).
En conséquence, l’entreprise devait inclure dans sa déclaration de salaires les sommes versées aux moniteurs et aux adolescents. Elle a contesté cette décision devant le Tribunal administratif du travail (TAT), alléguant plutôt que ceux-ci étaient des travailleurs autonomes. Le TAT s’est donc penché sur la question dans la décision Ado-Boulot inc.
L’existence d’un lien de subordination : un élément déterminant
Le juge administratif, après avoir analysé les modalités de recrutement et l’encadrement mis en place par Ado-Boulot auprès des moniteurs et des adolescents, a conclu que ces derniers étaient bel et bien des travailleurs au sens de l’article 2 LATMP.
Ainsi, pour les moniteurs, le juge a souligné que le site Internet de l’entreprise faisait mention des exigences de sélection requises, ce qui démontrait un contrôle dans le choix des employés.
Pour les adolescents, le juge a souligné qu’un formulaire d’autorisation parentale au nom d’Ado-Boulot devait être signé afin de leur permettre de travailler pour l’entreprise. Il a également noté que chacun des adolescents, lorsqu’il effectuait de la vente porte-à-porte, était muni d’une carte prouvant qu’il était encadré et supporté par Ado-Boulot.
La liberté d’aménager son horaire de travail
Bien qu’il ait reconnu que les adolescents pouvaient aménager leur horaire, le juge administratif a cependant apporté une précision à cet égard :
[19] Toutefois, cet aménagement d’horaire est restreint puisque l’avis de recrutement des adolescents précise qu’ils doivent travailler deux soirs par semaine et une journée durant la fin de semaine. Cette autonomie d’horaire s’avère limitée d’autant que, selon la preuve, Ado-Boulot assure le transport des adolescents sur les lieux de travail notamment par l’entremise de ses moniteurs ou en louant des véhicules.
Les obligations des moniteurs
Quant au contrat signé entre les moniteurs et Ado-Boulot, malgré son titre («Convention de services d’un travailleur autonome»), le juge administratif a conclu que les obligations dévolues au moniteur démontraient le rôle majeur que jouait l’entreprise dans l’organisation du travail et dans l’encadrement des tâches de ce dernier. Ainsi, dans ce contrat, le moniteur s’engageait notamment à :
- Utiliser le guide du moniteur fourni par Ado-Boulot comme outil d’entraînement pour lui-même;
- Remettre un rapport hebdomadaire tous les dimanches soir par l’entremise du site Internet Ado-Boulot;
- Payer tous les chocolats commander [sic] sur réception;
- Avoir une attitude qui cadre avec la structure, les attentes ainsi que l’éthique morale et professionnelle de l’entreprise;
- Mettre en application le système de valeurs d’Ado-Boulot à l’égard de tous les adolescents de son équipe;
- Respecter les territoires attribués par Ado-Boulot qui peuvent être sujets à un changement sans préavis, selon les circonstances et à la discrétion d’Ado-Boulot;
- S’approvisionner en exclusivité pour tous les produits de financement auprès d’Ado-Boulot et ne pas vendre de produits de financement (produits de confiserie et chocolat) de tout autre promoteur pour en faire la vente par colportage pendant la durée de la convention et pour une période additionnelle de 2 ans à compter de sa terminaison.
Par ailleurs, le juge administratif a déterminé que l’analyse du mode de rémunération ou de la propriété des outils ou des équipements importait peu puisque les moniteurs et les adolescents suivaient et acceptaient les directives et les modalités d’exercice du travail mises en place par Ado-Boulot. Quant au fait qu’Ado-Boulot n’effectuait aucune retenue à la source, le juge a conclu que cela ne signifiait pas qu’il y avait absence de lien de subordination.
Voilà qui clarifie un point important. Plusieurs entreprises quelque peu suspectes profitent du labour des jeunes pour éviter leurs responsabilités sociales.
Logiquement les deux agences du revenu devraient recevoir des déductions à la source (impôts, régime de rentes, RQAP et assurance-emploi) et des cotisations d’employeur à l’égard de la rémunération versée par Ado-Boulot.
Une jeune vendeuse de chocolat s’est présenté à ma porte qui travaillait poue « AdosActifs »…
Ça semble etre une charité, mais à $10 pour deux palettes de choco, ce n’est qu’un boulot duquel profite les moniteurs.
Exploitation ou boulot?
Mmmmmm…?