Selon le principe général en matière de financement des lésions professionnelles (art. 326 al. 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP)), l’employeur supporte le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail subi par un travailleur alors qu’il était à son emploi. La loi prévoit quelques exceptions à ce principe, notamment lorsque l’employeur démontre que l’imputation du coût à son dossier aurait pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers (art. 326 al. 2 LATMP).

C’est cette exception que l’employeur invoque – avec plus ou moins de succès –, dans les décisions que j’ai retenues pour ce billet.

Les personnes à l’origine des accidents – élève, joueur ou skieur – sont toutes des tiers au sens de l’article 326 LATMP.

Le « bubble soccer »

Un enseignant suppléant en éducation physique est sollicité par un collègue afin de participer à une activité de « bubble soccer » organisée par un élève à l’heure du dîner (Commission scolaire des Découvreurs).

Les joueurs doivent enfiler une bulle qui les protège de la tête aux genoux tout en laissant leurs pieds libres pour manipuler le ballon.

L’enseignant est grièvement blessé lorsqu’il est frappé par-derrière par un élève faisant partie de l’équipe adverse, lequel contrevient alors à la principale règle de sécurité du jeu.

La juge administrative Carole Lessard, du Tribunal administratif du travail (TAT) (le Tribunal administratif du travail (TAT), section Santé et Sécurité du travail a remplacé la Commission des lésions professionnelles (CLP) le 1er janvier 2016), a refusé de désimputer l’employeur.

[26] […] Distinctement des tâches réalisées par les autres enseignants, celles relevant de celui qui donne des cours d’éducation physique font en sorte qu’il est généralement désigné pour participer à des activités sportives avec les élèves, bien qu’organisées en dehors du programme dont il a la responsabilité. De plus, le seul fait de dispenser les cours d’éducation physique l’expose à des risques de subir des lésions musculosquelettiques. Le Tribunal ne peut ignorer, par ailleurs, que la participation des enseignants aux activités sportives favorise leurs relations avec les élèves et contribue à ce qu’ils s’acquittent des tâches principales qui leur sont confiées qui sont d’abord et avant tout vouées à l’enseignement et à l’éducation.

[27]        Le Tribunal conclut donc que l’accident du travail qui est survenu le 28 mai 2014 fait partie des risques inhérents à la nature de l’ensemble des activités exercées par l’employeur.

[Les caractères gras sont ajoutés.]

Le ski

Un professeur d’éducation physique dans un collège accompagne un groupe d’élèves dans un centre de ski (Collège de Montréal).

Il est blessé lorsqu’il se fait couper le chemin par un autre skieur qui sort brusquement d’un boisé.

La juge administrative Demers, de la Commission des lésions professionnelles (CLP), a accueilli la demande de l’employeur et a transféré le coût de la lésion professionnelle à l’ensemble des employeurs.

[30]           En l’espèce, le tribunal est d’avis que l’accident du travail subi par le travailleur se situe à la périphérie, sinon hors des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur. Le travailleur n’enseigne pas lors de cet accident et il n’est pas sur les lieux habituels de son travail. De manière exceptionnelle, il accompagne un groupe d’élèves dans le cadre d’une activité sportive se tenant à l’extérieur des locaux et de l’enceinte du Collège.

[31]           Qui plus est, le tribunal est d’avis que l’accident du travail dont a été victime le travailleur est survenu dans des circonstances anormales et inusitées. L’événement, en soi, est exceptionnel. En effet, les probabilités qu’un semblable accident survienne sont minimes. Les skieurs sillonnent habituellement les pistes de haut en bas et respectent les priorités de passages des autres skieurs se trouvant dans la même piste qu’eux. Or, en l’espèce, le skieur fautif faisait du ski en dehors des pistes et sentiers autorisés et le travailleur ne pouvait pas s’attendre à ce qu’il surgisse du bois et traverse la piste de manière perpendiculaire.

[Les caractères gras sont ajoutés.]

Dans une affaire similaire (Commission scolaire des Affluents), la juge Émilie Lessard, du TAT, a conclu de manière différente.

Une enseignante en éthique et culture religieuse qui accompagne des élèves à l’occasion d’un voyage de ski à Whistler est percutée par un autre skieur.

[18]        Même si ce voyage ne se produit qu’une fois par année et que la travailleuse n’avait pas l’obligation d’y participer, le Tribunal considère qu’il s’agit d’une activité récurrente et organisée par l’employeur faisant partie de l’ensemble des activités qu’il exerce. D’autant que ce voyage fait partie d’un programme régional nommé Action Sport.

[19]        De plus, selon la preuve dont il dispose, le Tribunal retient que ce voyage ne pourrait probablement pas avoir lieu sans la participation des enseignants. En effet, il ressort de la déclaration solennelle de la directrice de l’école que tous les enseignants de l’école sont invités à y participer. Si le nombre d’intéressés est supérieur au nombre requis, la directrice choisit ceux qui y participeront.

[20]        Le Tribunal considère également qu’il n’y a pas de preuve que la chute causée par l’autre skieur puisse constituer un guet-apens, un piège ou une contravention à un règlement. Le Tribunal estime que la chute fait partie des accidents inhérents à la pratique du ski, qu’une collision survienne entre deux skieurs. Il n’y a rien dans la preuve qui permet de conclure au caractère inhabituel ou inusité de cet accident.

[…]

[24]        La soussignée ne partage pas cette vision [énoncée dans Collège de Montréal] puisqu’elle estime que si un employeur offre des activités de sorties sportives pour les étudiants et demande même volontairement à des enseignants de les accompagner, l’employeur se doit d’assumer les risques qui en découlent.

[Les caractères gras sont ajoutés.]

Le hockey

Chaque année, l’école secondaire Le Mistral organise une partie de hockey entre enseignants et élèves (Commission scolaire des Phares).

Un professeur d’éducation physique est blessé lorsqu’il entre en collision avec un élève, après que celui-ci lui eut fait le « coup de la corde à linge ».

Le juge administratif Arseneau, de la CLP, a refusé de désimputer l’employeur.

[31]           Le tribunal n’a pas connaissance d’office que le coup de la corde à linge au hockey est nécessairement considéré comme un geste « malveillant et vicieux ».

[32]           Sur ce, il faut souligner qu’au plan factuel, tout ce que l’employeur a établi, c’est que le coup de la corde à linge au hockey, par définition, vise « à bloquer volontairement et brusquement un adversaire dans sa progression ». D’ailleurs, dans sa description de l’événement, le travailleur ne fait que mentionner que l’élève a effectué la manœuvre volontairement dans le but de l’empêcher de progresser.

[33]           Cela étant, aucun élément de la preuve ne démontre ou ne suggère que l’élève avec lequel le travailleur est entré en collision avait une intention malveillante ou vicieuse ni qu’il ait manifesté une quelconque forme d’agressivité.

[34]           Le simple fait pour l’élève d’avoir écopé d’une punition n’est pas non plus déterminant, les punitions faisant partie intégrante du hockey; elles sont décernées dans de multiples situations, par exemple lorsqu’un joueur retarde la partie, qu’il retient un adversaire ou qu’il ferme la main sur la rondelle.

[…]

[36]           En l’espèce, l’accident du travail résulte d’une collision lors de la pratique d’une activité physique qui, comme le signale le réviseur, implique « certains risques de coups et blessures ». Les circonstances à l’origine de cet accident ne présentent donc pas un caractère extraordinaire, inusité, rare ou exceptionnel.

[Les caractères gras sont ajoutés.]

Le football

Un professeur d’éducation physique dans une école offrant un programme sport-études est également entraîneur-chef de l’équipe de football, qui fait partie d’une ligue de calibre AAA de la Fédération québécoise du sport étudiant (Commission scolaire Marie-Victorin).

À l’occasion d’une demi-finale de la ligue, alors qu’il se trouve dans la partie réservée à l’entraîneur et à l’extérieur de la surface de jeu, 2 joueurs qui courent le long des lignes tombent et percutent son genou.

Le juge administratif Beaudoin, de la CLP, a accueilli la demande de l’employeur et a transféré le coût de la lésion professionnelle subie par le travailleur à l’ensemble des employeurs.

[30]           On ne peut oublier que l’école offre un programme de « sport-études » et que le travailleur est entraîneur chef d’une équipe de football composée d’étudiants. Cela s’inscrit dans le projet éducatif de l’école.

[31]           Cependant, compte tenu des facteurs énumérés dans la décision Ministère des Transports, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que les circonstances dans lesquelles survient l’accident du travail sont inusitées et improbables. En effet, les probabilités qu’un semblable accident survienne sont minimes. L’événement, en soi, est exceptionnel.

[32]           L’employeur a donc démontré que l’accident du travail survenu le 13 novembre 2004 est attribuable à un tiers et qu’il est injuste de lui en faire supporter le coût.

[Les caractères gras sont ajoutés.]

Pour en savoir plus sur les risques liés au sport, vous pouvez consulter les billets de ma collègue Julie Pomerleau Les risques inhérents du hockey, Prudence les lors des activités estivales et Les risques des activités hivernales!

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