Des camionneurs de confession sikhe, qui portent le turban, ont contesté la politique les obligeant à porter un casque protecteur à l’occasion de leurs déplacements à l’extérieur de leur camion sur le terrain des terminaux utilisés par des entreprises privées qui font de la manutention de conteneurs.

Cet automne, la Cour d’appel du Québec a rendu la décision Montréal Gateway Terminals Partnership, déclarant que ces employés ne sont pas exemptés, pour des motifs religieux, de l’obligation de porter un casque protecteur lorsque, dans l’exercice de leur emploi de chauffeur de camion, ils circulent hors de leur véhicule dans les terminaux exploités par l’une de ces entreprises.

Devant la Cour d’appel, personne ne contestait que la politique adoptée par les entreprises visées portait atteinte aux droits fondamentaux garantis aux articles 10 (discrimination) et 3 (liberté de religion) de la Charte des droits et libertés de la personne. Toutefois, cette atteinte a été considérée comme justifiée au sens de l’article 9.1 de la charte pour les raisons qui suivent.

Objectif de la politique : la sécurité

L’objectif de la politique, soit d’assurer la sécurité des personnes circulant sur le terrain des terminaux, était urgent et réel : il n’y a point de désaccord là-dessus.

Lien entre la politique d’exiger un casque protecteur et la sécurité

La Cour d’appel a confirmé la conclusion du juge de première instance sur l’existence d’un lien rationnel entre la politique et cet objectif. La preuve d’expert présentée faisait ressortir la survenance de blessures bien réelles, notamment à la tête et au front, soit des régions que protège le casque. Les statistiques démontrent que ce risque n’est pas purement théorique.

Atteinte minimale aux droits à l’égalité et à la liberté de religion

Enfin, la politique constituait une atteinte minimale aux droits des camionneurs sikhs.

Voici pourquoi :

  • Le port du casque protecteur est exigé uniquement lorsque les camionneurs sortent de leur camion et il est établi que la durée de ces déplacements est brève.
  • La politique ne les contraint pas à retirer leur turban, mais seulement à porter le casque protecteur.
  • Selon la preuve, personne ne sera exclu de la religion sikhe pour avoir porté un casque par-dessus son turban.
  • Il faut tenir compte des risques propres à l’environnement industriel et des obligations légales des entreprises en matière de prévention des dangers liés au travail.
  • Les affirmations des camionneurs sikhs selon lesquelles le turban est permis dans d’autres ports canadiens ou d’autres environnements comportant des risques sont générales; elles n’affaiblissent pas la preuve présentée.
  • Les entreprises visées ont tenté d’accommoder les camionneurs de confession sikhe, mais cette mesure d’accommodement s’est révélée insatisfaisante pour les 2 parties. Aucune solution de rechange n’a été proposée par les camionneurs. Or, l’obligation d’accommodement exige de la collaboration de la part des 2 parties

Mise en balance des effets préjudiciables et bénéfiques

Enfin, dans la mise en balance des effets préjudiciables et bénéfiques, l’objectif de sécurité des milieux de travail prime les effets préjudiciables temporaires à la liberté de religion des camionneurs.

Ainsi, en concluant que l’effet global de la politique est proportionnel et que l’atteinte à la liberté de religion se justifie au regard de l’article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, le juge de première instance n’a commis aucune erreur révisable.

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