Voici une brève présentation de 3 décisions portant sur le devoir d’assistance d’un conseil de discipline auprès d’un professionnel non représenté, l’excès de compétence et le pouvoir du Président en chef du Bureau des présidents de conseils de discipline de dessaisir l’un d’eux.

Devoir d’assistance: professionnel non représenté par un avocat 

Le Tribunal des professions s’est penché sur la question de savoir si le Conseil de discipline de l’Ordre des dentistes du Québec avait satisfait aux exigences de son devoir d’assistance envers un professionnel non représenté par un avocat. Il a d’abord mentionné qu’il était «essentiel que la personne non représentée puisse comprendre adéquatement et saisir les enjeux de la procédure dans laquelle elle s’engage» (paragr. 23). Il a retenu que, dans cette affaire:

  • le Conseil n’avait pas informé adéquatement l’appelant des avantages de consulter un avocat.
  • le Conseil ne lui avait pas expliqué clairement, en termes simples, où se situait véritablement le débat, ni la différence entre un témoin ordinaire et un témoin expert, ni les conséquences pour lui de ne pas contester adéquatement la preuve d’expert alors que l’enjeu principal du débat était la norme scientifique généralement reconnue pour les diagnostics ou les traitements apportés.

Pour le Tribunal, le fait d’informer adéquatement ce professionnel de la nature des chefs, des enjeux au niveau de la preuve et des règles à ce sujet ne consistait pas à intervenir dans la preuve «mais à offrir l’assistance exigée par la Cour d’appel».

Il a tenu à rappeler que «le devoir d’assistance appartient à l’instance décisionnelle, en l’espèce le Conseil, et non à la partie plaignante. C’est au Conseil que revient la tâche d’évaluer, selon les circonstances, l’ampleur de l’assistance à apporter» (paragr. 52). Après avoir souligné que, dans le contexte particulier du dossier, les efforts déployés par le Conseil, quoiqu’ils aient été louables, étaient insuffisants, il a conclu «que l’appelant n’a[vait] pas eu droit à une audience juste et équitable, affectant ainsi son droit à une défense pleine et entière» (paragr. 53). La décision sur culpabilité a en conséquence été annulée et la décision sur sanction a été déclarée sans objet. Il est à noter que cette décision fait l’objet d’un pourvoi en contrôle judiciaire.

Excès de compétence: nomination d’un nouveau président au stade du délibéré

Dans une autre décision, le Tribunal des professions, qui était saisi de l’appel d’une décision sur sanction rendue par le Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, s’est questionné sur la légalité de la formation du Conseil en vertu de l’article 118.5 du Code des professions (C.prof.). Dans cette affaire, le président du conseil initialement saisi de la plainte avait démissionné sans rendre de décision sur la sanction et les parties avaient consenti à ce qu’un nouveau président nommé par le Bureau des présidents puisse rendre une décision sur la sanction en se basant sur l’enregistrement de l’audience et la preuve contenue au dossier.

Après avoir exposé l’historique législatif et souligné le caractère impératif des dispositions attributives de compétence, le Tribunal s’est penché sur la notion de «poursuivre l’instruction d’une plainte» et sur celle du «délibéré». Il a retenu que «la phase de l’instruction comprend donc l’administration de la preuve et les plaidoiries des parties, alors que la phase du délibéré est celle lors de laquelle, après l’instruction, le Conseil apprécie la preuve à la lumière des règles de droit applicables et rend la décision» (paragr. 51). Il en est par la suite venu au constat suivant lequel la nomination d’une nouvelle présidente au stade du délibéré ne faisait pas partie des scénarios envisagés aux deuxième et troisième alinéas de l’article 118.5 C.prof. Le Tribunal en a conclu qu’il y avait eu «excès de compétence lorsque le nouveau Conseil, notamment formé de la nouvelle présidente, a[vait] repris le délibéré du Conseil initial» (paragr. 69). La décision sur sanction a été cassée et annulée.

Pouvoir de dessaisir un président de conseil de discipline

Enfin, la Cour supérieure a rendu une décision dans un rare cas de contestation du pouvoir d’un président de tribunal administratif de dessaisir l’un des décideurs administratifs d’une affaire qu’il a entendue et pour laquelle il est en délibéré. Après avoir rappelé que le principe général veut que ce décideur rende la décision, elle a indiqué qu’il arrivait «qu’exceptionnellement ce principe doive céder le pas pour assurer, d’une part, la célérité du processus décisionnel, qui est au cœur de l’accessibilité à la justice et, d’autre part, le respect des règles de justice naturelle» (paragr. 141).

Elle a conclu que la présidente en chef du Bureau des présidents des conseils de discipline du Québec possédait le pouvoir de dessaisir, pour des raisons de manque de célérité, l’un de ses présidents de conseil de certains dossiers au stade du délibéré, et ce, en vertu de l’article 115.7 paragraphe 2 C.prof. Elle a également indiqué que ce pouvoir devait être exercé avec beaucoup de circonspection, «de façon raisonnable, dans le respect de l’indépendance dont jouissent les présidents des conseils de discipline, ainsi que dans l’intérêt supérieur de la justice et des parties» (paragr. 2).

La Cour d’appel a refusé d’accorder la permission d’interjeter appel de ce jugement. Elle a notamment mentionné que «la question de la “compétence” de l’intimée de dessaisir la requérante de ces dossiers doit être analysée sous la lentille de la décision raisonnable, et il m’apparaît que l’approche adoptée par la juge cadre très bien avec celle proposée par la Cour suprême dans Vavilov» (paragr. 12).

Alors qu’elle avait précisé que de nouvelles audiences sur sanction avaient dû être reprises à la suite de la décision rendue dans Bégin (mentionnée plus haut dans ce billet), la Cour a tenu à rappeler que, puisque «les justiciables dans les cinq dossiers touchés par la procédure judiciaire sont en attente de leur sanction depuis jusqu’à plus de 600 jours […], accorder la permission d’appeler ne ferait qu’accroître le préjudice à l’égard de ces personnes, parmi lesquelles aucune ne s’était objectée au dessaisissement de la requérante et à la nomination d’un nouveau président du conseil de discipline» (paragr. 15).

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