Le droit de la copropriété divise québécois est en pleine mutation et le régime légal l’encadrant subit, depuis quelques années déjà, d’importantes transformations.

Alors que les copropriétés divises représentent 12 % de toutes les habitations au Québec, que leur âge moyen est d’une trentaine d’années et que plusieurs d’entre elles nécessitent à l’heure actuelle d’importants travaux de rénovation, cette réforme pour en améliorer la gestion était grandement attendue par les experts du milieu.

Par cette réforme graduelle, le législateur québécois a donc notamment vu à augmenter les mesures de protection offertes aux copropriétaires ainsi qu’à assurer, par divers moyens, la longévité de ce type d’habitations.

En débutant avec le projet de loi 141, le législateur a d’abord apporté des changements majeurs touchant les assurances de copropriétés.

Le projet de loi 16 a par la suite été sanctionné, le 11 décembre 2019. Les changements adoptés dans celui-ci visent entre autres choses à permettre la préservation durable de ces immeubles. Les syndicats de copropriétaires devront assurer la tenue d’un carnet d’entretien et faire effectuer, tous les 5 ans, une étude du fonds de prévoyance, soit des mesures qui permettront de mieux prévoir les réparations à apporter à l’immeuble.

Enfin, le 17 mars dernier, le projet de loi 41 a été adopté et sanctionné par l’Assemblée nationale. Ce dernier comporte des dispositions qui touchent la copropriété divise, notamment quant à la description des parties privatives et en matière d’assurance.

Bien qu’il soit encore tôt pour mesurer tous les effets liés à cette réforme, et quoique celle-ci semble répondre positivement aux attentes des principaux acteurs, certains problèmes liés à son application ont déjà fait surface dans la dernière année, particulièrement durant cette période de crise sanitaire que traverse le Québec.

Incertitude créée par l’article 1074.2 du Code civil du Québec (C.C.Q.)

L’article 1074.2 C.C.Q., introduit avec le projet de loi 141, a causé beaucoup d’agitation dans le domaine des assurances de copropriété durant la dernière année.

La première version de cet article se lisait comme suit:

1074.2. Les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci a un intérêt assurable ne peuvent être recouvrées des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute.

Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa.

Plusieurs assureurs de copropriétaires semblent avoir rapidement trouvé une faille dans la rédaction de cette disposition. En se fondant sur la notion de «faute», ils ont commencé à refuser d’indemniser dans le cas de certaines réclamations de copropriétaires lorsqu’un sinistre provenait des parties privatives.

Quelques décisions rendues en droit de la copropriété depuis  l’adoption de cette disposition l’ont aussi interprétée de la sorte; de façon que la preuve de la faute soit nécessaire pour que le syndicat puisse réclamer le montant de la franchise à un copropriétaire en particulier.

Même si cette nouvelle disposition n’était pas applicable aux faits en l’espèce, le tribunal a effectivement conclu, dans Syndicat des copropriétaires Tremblant Les Eaux (Phase 1A), qu’un syndicat de copropriétaires pouvait recouvrer la franchise d’assurance d’un copropriétaire lorsque la faute de celui-ci était démontrée:

[62]        De l’avis du soussigné, l’adoption de l’article 1074.2 vient confirmer que ce n’est que dans le cas de la démonstration d’une faute de la part d’un copropriétaire qu’un syndicat peut réclamer la franchise d’assurance qu’il a dû assumer.

D’autres décisions, Chouinard et Vignoble (Condo), rendues subséquemment ont elles aussi confirmé le principe.

Selon le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec, la situation a rapidement posé problème pour plusieurs copropriétés. Certains syndicats se sont retrouvés avec des sommes importantes non remboursées, lesquelles auraient pu l’être avant l’adoption de l’article 1074.2 C.C.Q.

Afin de tenter de corriger le tir et de rétablir la situation, le projet de loi 41, récemment adopté, prévoit une nouvelle version de la disposition 1074.2 C.C.Q.:

197. L’article 1074.2 de ce code est modifié par l’insertion, à la fin du premier alinéa, de « et, dans les cas prévus au présent code, le préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’il a sous sa garde ».

Cette disposition prévoit les cas où un dommage serait causé par un bien se trouvant dans la partie privative d’un copropriétaire – un tuyau de lave-vaisselle qui coule par exemple – pour ainsi permettre au syndicat de récupérer plus facilement la franchise d’assurance. Les prochains mois nous diront si cette réaction du législateur sera suffisante pour calmer le jeu et clarifier l’incertitude initialement créée par l’adoption de cette disposition.

Description des parties privatives: les syndicats pourront-ils se conformer à temps?

L’article 1070 C.C.Q. a été modifié et prévoit maintenant l’obligation pour les syndicats de copropriétaires de tenir et de mettre à la disposition des copropriétaires une description de toutes les parties privatives.

Conformément à l’article 1073 C.C.Q., le syndicat de copropriété «a un intérêt assurable dans tout l’immeuble, y compris les parties privatives. Il doit souscrire des assurances contre les risques usuels, tels le vol et l’incendie, couvrant la totalité de l’immeuble, à l’exclusion des améliorations apportées par un copropriétaire à sa partie» (nos caractères gras). La description détaillée de chaque partie privative permettra de déterminer clairement les améliorations apportées à la copropriété par rapport à son état initial.

Les copropriétés créées depuis le 13 juin 2018 doivent déjà se conformer à cette obligation. Toutefois, celles créées avant le cette date ont jusqu’au 13 juin 2020 pour décrire chacune des parties privatives standard de la copropriété. Selon l’article 200 du projet de loi 41, adopté tout récemment, les syndicats de copropriété doivent soumettre cette description en assemblée et obtenir l’approbation de celle-ci par les copropriétaires.

Cette procédure sera par contre sans doute plus difficile à orchestrer d’ici la date butoir*, vu la crise liée à la pandémie actuelle et les règles quant à la distanciation sociale en vigueur. Sans une description claire des parties privatives, un flou risque de s’installer entre les assureurs des copropriétés et des copropriétaires, de sorte que, selon le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec, les réclamations d’assurance pourraient bien, en cas de dommage, devenir plus compliquées.

* Au moment de la rédaction de ce billet, l’échéance du 13 juin 2020 initialement prévue était toujours en vigueur et n’avait pas été suspendue ni reportée. Par contre, un communiqué de la ministre de la Justice et procureure générale du Québec, permettant temporairement la tenue à distance d’assemblées, a été diffusé le 27 avril 2020. Ce communiqué vise notamment les syndicats de copropriété et facilitera donc la tenue d’une assemblée en temps de crise. 

La COVID-19 complique la vie quotidienne en copropriété divise

Au même moment où cette importante réforme s’opère, la crise liée à la pandémie de la COVID-19 n’a pas épargné les copropriétés divises et a entraîné, depuis quelques semaines, des répercussions bien réelles sur la vie des copropriétaires: fermeture des aires communes (piscines, spas, salles d’entraînement), restriction d’usage des ascenseurs, augmentation des services d’entretien ménager et report d’assemblées générales. Tandis qu’on prévoyait au début de l’année que les frais de condos seraient à la hausse pour que les copropriétés puissent se conformer au projet de loi 16, ces mesures sanitaires entraîneront sans contredit des coûts supplémentaires, auxquels les copropriétaires devront faire face.

L’année 2020 s’annonce déjà comme une année charnière pour les syndicats de copropriétaires et il y a fort à parier que la situation liée à la COVID-19 ne sera pas sans effet sur l’évolution de la réforme en droit de la copropriété et qu’elle compliquera probablement sa mise en œuvre efficace.

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