Le 3 décembre dernier, le gouvernement du Québec dévoilait son «Plan d’action spécifique pour prévenir les situations de violence conjugale à haut risque de dangerosité et accroître la sécurité des victimes».

Le document rappelle que «[d]ifférents événements tragiques en matière de violence conjugale, survenus sur une courte période de temps à l’automne 2019, ont démontré une fois de plus que les filets de sécurité à la disposition des victimes ne sont pas suffisants pour protéger leur vie et celle de leurs enfants» (p. 4).

En sus des acteurs visés par le plan d’action gouvernemental, le milieu de travail peut-il contribuer à la protection d’une victime de violence conjugale? Un article du Projet de loi 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (PL59), présenté le 27 octobre dernier par le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale du Québec, concerne précisément cette question.

Violence conjugale: proposition d’une obligation explicite pour l’employeur

L’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoit que «[l]’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur». Le PL59 (art. 143) propose d’ajouter aux obligations énoncées dans cet article celle d’assurer la protection d’un travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale ou familiale : 

«[…]

«16° prendre les mesures pour assurer la protection du travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale ou familiale.

Aux fins du paragraphe 16° du premier alinéa, dans le cas d’une situation de violence conjugale ou familiale, l’employeur est tenu de prendre les mesures lorsqu’il sait ou devrait raisonnablement savoir que le travailleur est exposé à cette violence.»

Un problème qui dépasse la sphère privée

Le rôle que le milieu de travail peut jouer dans la protection des victimes de violence conjugale ne s’impose peut-être pas d’emblée à l’esprit dans la mesure où la situation est perçue comme relevant de la sphère privée.

Cependant, comme on peut le lire sur le site du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, la violence conjugale a souvent des répercussions dans le milieu de travail lui-même :

«[…] Lorsque la violence familiale suit une victime au travail, la situation devient un problème dans ce milieu. Un agresseur peut représenter un risque pour la victime ou pour les gens de son lieu de travail. Selon une étude sur la violence familiale au Canada et sur ses répercussions dans le milieu de travail, plus d’un tiers des travailleurs de tout le pays ont vécu de la violence familiale au cours de leur vie, et dans plus de la moitié de ces cas, la violence a suivi les victimes au travail.

Vous avez probablement déjà entendu des gens dire, par exemple: «la violence familiale est un problème personnel», «ce n’est pas de mes affaires» ou «c’est entre un mari et sa femme». Ces attitudes aggravent l’isolement des gens qui subissent de la violence familiale et créent une barrière entre la victime et ceux qui sont en mesure de lui fournir de l’appui et de l’aide grandement nécessaires. Le milieu de travail peut occuper un rôle important, car les victimes de toute sorte de violence peuvent y trouver des ressources pour obtenir l’aide nécessaire.»

Une avancée attendue

Certes, comme le souligne l’auteure d’un rapport de recherche sur la reconnaissance d’une obligation explicite de l’employeur en matière de violence conjugale au Québec, selon une interprétation large et libérale de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, l’article 51 «imposerait déjà à l’employeur de gérer les manifestations de la violence conjugale au travail ou à proximité» (p. 11).

Toutefois, «[…] la reconnaissance explicite d’une obligation pour l’employeur en matière de violence conjugale […] faciliterait des actions concertées pour prévenir la violence conjugale au travail, notamment en octroyant un mandat clair à la CNESST de soutenir les employeurs et les syndicats dans la gestion des risques liés à la violence conjugale au travail ou à proximité» (p. 24).

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