Dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, l’Institut national de santé publique du Québec  (INSPQ) a notamment émis des recommandations intérimaires concernant le secteur de la construction. Dans 8653631 Canada inc., la Cour du Québec a conclu que l’omission du maître d’œuvre d’un chantier de construction de respecter les mesures minimales de contrôle du risque prévues dans ces recommandations constituait une contravention à ses obligations en vertu de l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et une infraction à l’article 236 de cette même loi.

Recommandations de l’INSPQ non-respectées 

Au mois de mai 2020, un inspecteur de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail s’était rendu sur le chantier de construction dont 8653631 Canada inc. était le maître d’oeuvre afin de vérifier la mise en application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Lors de ses vérifications, l’inspecteur a observé de nombreuses déficiences dans les mesures sanitaires destinées à protéger les travailleurs dans le contexte de la pandémie de la COVID-19.

La juge Turcot constate que 8653631 Canada inc. a omis de suivre les recommandations intérimaires qui avaient été émises par l’INSPQ. Elle rappelle en quoi consistaient ces recommandations:

[19]        Les recommandations intérimaires concernant le secteur de la construction prévoient qu’afin de protéger la santé de leurs employés, les employeurs sont encouragés à faire la promotion de l’hygiène des mains en mettant à la disposition des travailleurs le matériel nécessaire.

[20]        Quant à la fréquence de la désinfection du bloc sanitaire et de la salle à manger, une désinfection d’au moins deux fois par quart de travail est recommandée. La salle à manger devrait également être nettoyée avant le début des pauses et du lunch pour éviter toute contamination des aires communes.

[21]        Sous le titre salubrité de l’environnement, il est recommandé de désinfecter les installations sanitaires minimalement avant chaque quart de travail et les aires de repas après chaque repas.

[22]        Les surfaces fréquemment touchées telles que les tables, les comptoirs et les poignées de porte doivent être nettoyées minimalement à chaque quart de travail et lorsque visiblement souillées. Dans les lieux publics, le nettoyage doit être effectué au minimum à chaque quart de travail.

Identifier, contrôler et éliminer les risques: portée de l’obligation de l’employeur

C’est plus précisément l’obligation imposée aux employeurs par le paragraphe 5 de l’article 51 LSST qui était en cause dans cette affaire, à savoir l’obligation d’«utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur».

La juge Turcot rappelle la portée de cette obligation, soulignant qu’elle n’est pas limitée au respect d’un règlement mais qu’elle s’étend au respect des normes, du bon sens et des règles de l’art:

[28] Cette disposition impose à l ’employeur de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur. L ’employeur doit utiliser les méthodes et les techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter sa santé et sa sécurité.

[29]        La Cour d’appel dans l’arrêt Domtar énonce que cette obligation implique de faire tout ce qui est humainement logique et raisonnable de faire, et ce, que ce soit prévu ou non dans un règlement, programme ou document.

[30]        La Cour d’appel rappelle également que le devoir d’un employeur ne se limite pas au respect de la réglementation, mais qu’il doit également prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour assurer l’objectif de la Loi.

[31]        Ainsi, le respect et l’observation des différents règlements ne suffisent pas à éliminer à la source les dangers. L’employeur doit également respecter les règles de l’art pour éliminer à la source le danger.

[…]

[33]        En somme, l ’article 51 (5) oblige l’employeur à respecter les normes, le bon sens et les règles de l’art afin d’identifier, contrôler et éliminer le risque d’exposition à la COVID-19.

Règles de l’art en matière de santé publique

L’obligation imposée aux employeurs par le paragraphe 5 de l’article 51 LSST s’étend donc au respect des règles de l’art. À cet égard, la juge Turcot considère que les règles de l’art en matière de santé publique sont établies par l’INSPQ. Les mesures qu’un employeur met en place doivent respecter les recommandations émises par cet organisme de façon à ne pas mettre en péril la santé des travailleurs. La juge souligne que ces recommandations «deviennent impératives» dans le contexte actuel.

Dans le cas de 8653631 Canada inc., la juge retient que: «Le défaut de respecter ces recommandations minimales constitue de la négligence, ou à tout le moins de l’insouciance marquée, dans la mesure où leur but ultime est de prévenir davantage de décès tout en permettant aux travailleurs de se remettre au travail de façon sécuritaire.» (paragr. 39). Elle a condamné 8653631 Canada inc. à une amende de 1 752 $.

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