Lors du débat des chefs tenu le 9 septembre dernier, le gouvernement de Justin Trudeau s’est vu reprocher de ne pas avoir atteint ses cibles en matière de réduction de gaz à effet de serre (GES). Le chef libéral a répliqué qu’il n’avait manqué aucune des cibles puisque celles-ci sont fixées en 2030.

À ce sujet, le 29 juin 2021, le Sénat a officiellement adopté la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Cette loi vise à fixer des cibles nationales de réduction des émissions de GES au Canada en vue d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Il s’agit de la première fois qu’un gouvernement canadien légifère en cette matière en imposant au gouvernement actuel et aux gouvernements futurs l’obligation légale de planifier l’atteinte de la carboneutralité au plus tard en 2050 et d’en faire rapport.

Voici les grandes lignes de cette action marquante du Canada à l’égard des changements climatiques.

Préambule

Les données scientifiques établissent clairement que les activités humaines suscitent des changements sans précédent du climat de la Terre. Ces changements climatiques comportent d’importants risques pour la santé et la sécurité humaine, l’environnement, notamment la biodiversité, ainsi que la croissance économique.

Les changements climatiques constituent un problème mondial qui requiert une action immédiate de l’ensemble des gouvernements du Canada ainsi que de l’industrie, des organisations non gouvernementales et des Canadiens.

Le Canada a ratifié l’Accord de Paris et s’est engagé à fixer et à communiquer des objectifs nationaux ambitieux ainsi qu’à prendre des mesures nationales importantes d’atténuation des changements climatiques. L’Accord de Paris vise à intensifier la réponse planétaire aux changements climatiques et réaffirme l’objectif de limiter la hausse de la température mondiale bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, tout en continuant les efforts afin de limiter cette hausse à 1,5 °C.

Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, un organisme international effectuant l’évaluation des changements climatiques et qui compterait 195 pays membres, a conclu qu’il était nécessaire d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 pour limiter l’élévation de la température planétaire à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

Le gouvernement du Canada s’est déclaré déterminé à renforcer sa collaboration avec les peuples autochtones du Canada en ce qui touche les mesures d’atténuation des changements climatiques, tout en tenant compte des connaissances autochtones dans la réalisation de l’objet de la loi.

Ainsi, le gouvernement s’est engagé à élaborer, en vue d’assurer au Canada un avenir carboneutre prospère d’ici 2050, un plan soutenu par la participation publique et les conseils d’experts.

Définition

La «carboneutralité» est définie à la loi comme étant la situation dans laquelle les émissions anthropiques (attribuables à l’action humaine) de GES dans l’atmosphère sont entièrement compensées par l’absorption anthropique de ces gaz au cours d’une période donnée.

Objet de la loi

L’objet de la loi est d’exiger l’établissement de cibles nationales de réduction des émissions de GES fondées sur les meilleures données scientifiques disponibles et de promouvoir la transparence, la responsabilité de même qu’une action immédiate et ambitieuse dans le cadre de l’atteinte de ces cibles pour soutenir l’atteinte de la carboneutralité au Canada d’ici 2050 et les engagements internationaux du Canada en matière d’atténuation des changements climatiques.

Cibles et plan de réduction des émissions de GES

La loi prévoit un processus de fixation des cibles nationales de réduction des émissions de GES pour les années 2030, 2035, 2040 et 2045, en vue d’atteindre la carboneutralité «d’ici 2050».

La cible d’émissions de GES pour 2030 est la contribution déterminée au niveau national et communiquée conformément à l’Accord de Paris pour cette année, avec ses modifications successives. Chaque cible d’émissions de GES devra être aussi ambitieuse que la plus récente contribution déterminée au niveau national et communiquée conformément à l’Accord de Paris.

Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique devra préparer un plan de réduction des émissions de GES pour chaque année jalon. Ce plan devra préciser la cible à atteindre ainsi qu’une description des principales mesures de réduction des émissions que le gouvernement du Canada entend prendre pour atteindre cette cible.

Le plan devra comprendre une description des stratégies sectorielles pertinentes et de celles visant la réduction des émissions de GES dans les activités fédérales ainsi qu’un calendrier prévisionnel de mise en œuvre pour chaque mesure et stratégie.

Il devra de plus présenter des projections des réductions annuelles des émissions de GES résultant de l’effet combiné de ces mesures et de ces stratégies, notamment des projections pour chaque secteur de l’économie qui figure dans les rapports du Canada en vertu de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Le plan pour l’année 2030 devra être préparé dans les 6 mois suivant la date d’entrée en vigueur de la loi. Le ministre devra également indiquer dans ce plan un objectif provisoire pour 2026. Ce plan sera suivi de 3 rapports d’étape présentés au plus tard à la fin de 2023, de 2025 et de 2027.

Cible en matière d’émissions de GES

Pour établir une cible en matière d’émissions de GES, le ministre devra prendre en considération:

  1. les meilleures données scientifiques disponibles;
  2. les engagements internationaux du Canada en ce qui concerne les changements climatiques;
  3. les connaissances autochtones;
  4. les conseils de l’organisme consultatif et les observations présentées dans le cadre de la participation publique.

En effet, lors de l’établissement ou de la modification d’une cible nationale en matière d’émissions de GES ou lors de la préparation ou de la modification du plan de réduction des émissions, le ministre devra donner l’occasion aux gouvernements des provinces, aux peuples autochtones du Canada et aux personnes intéressées, notamment les experts qu’il juge utile de consulter, de présenter des observations. Un rapport sur les résultats des consultations effectuées devra être rendu public.

Organisme consultatif

La loi prévoit la constitution du Groupe consultatif pour la carboneutralité, dont la mission sera de fournir au ministre des conseils indépendants pour l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050, notamment en ce qui concerne les cibles et les plans en matière de réduction des émissions de GES.

L’organisme consultatif sera composé d’au plus 15 membres et devra, dans son ensemble, posséder l’expertise et les connaissances dans les domaines suivants:

  1. la science des changements climatiques, notamment leurs effets environnementaux, écologiques, sociaux, économiques et distributifs;
  2. les connaissances autochtones;
  3. d’autres sciences physiques ou sociales pertinentes, notamment l’analyse économique et les projections;
  4. les changements climatiques et la politique des changements climatiques aux niveaux international, national et infranational, notamment les possibles effets et l’efficacité potentielles des réponses aux changements climatiques;
  5. l’offre et la demande énergétique;
  6. les technologies pertinentes.

Cet organisme a également pour mission d’effectuer des activités d’engagement liées à l’atteinte de la carboneutralité.

Rapport d’évaluation

Pour chaque année jalon, le Canada devra déposer un rapport d’évaluation indiquant si la cible nationale en matière de réduction des émissions de GES a été atteinte.

Le rapport devra présenter une évaluation de la manière dont les mesures fédérales, les stratégies sectorielles et les stratégies opérationnelles fédérales ont contribué aux efforts du Canada dans l’atteinte de la cible nationale. Il devra comprendre une évaluation de la manière dont les mesures principales de collaboration ou les accords avec les provinces ou d’autres gouvernements au Canada ont contribué aux efforts du Canada dans l’atteinte de la cible nationale de réduction des émissions de GES pour l’année visée.

Le rapport devra également porter sur les ajustements qui peuvent être apportés aux plans de réduction des émissions subséquents en vue d’augmenter les chances d’atteindre les prochaines cibles nationales de réduction des émissions de GES.

Cible non atteinte

Si le ministre conclut que le Canada n’a pas atteint sa cible nationale de réduction des émissions de GES pour une année jalon, il devra inclure dans son rapport d’évaluation les raisons pour lesquelles le Canada n’a pas atteint la cible ainsi que la description des mesures que le gouvernement du Canada prend ou prendra pour remédier à la situation.

Dépôt et publication

Les plans de réduction des émissions de GES, toute modification au plan ainsi que les rapports d’étape et d’évaluation pour chaque cible devront être déposés aux 2 chambres du Parlement et mis à la disposition du public.

Ministre des Finances

Le ministre des Finances, en collaboration avec le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, devra préparer un rapport annuel, qu’il rendra public, portant sur les principales mesures entreprises par l’administration publique fédérale afin de gérer ses risques et occasions d’ordre financier liés aux changements climatiques. L’article de la loi qui prévoit le dépôt de ce rapport n’est pas encore en vigueur.

Commissaire à l’Environnement et au développement durable

Le commissaire à l’environnement et au développement durable devra, au moins 1 fois tous les 5 ans, examiner la mise en œuvre des mesures entreprises par le gouvernement du Canada pour atténuer les changements climatiques, y compris les initiatives visant à atteindre la cible en matière de réduction des émissions de GES la plus récente, et en faire rapport.

Examen de la loi

Un examen approfondi des dispositions de la loi et de son application devra être réalisé 5 ans après son entrée en vigueur par un comité désigné ou constitué à cette fin.