Par : Jocelyn Girard
Président, chapitre de Montréal
Association of Certified Fraud Examiners (ACFE)

Alors que les feuilles commencent tout doucement à tomber autour de nous, la nostalgie des chaleurs de l’été est inévitablement remplacée par l’anticipation des plaisirs – et défis! – que l’hiver nous présentera bientôt.

Pour la Ville de Montréal et ses arrondissements, l’hiver amène toujours le même défi logistique de taille: le déneigement des rues, des trottoirs et des pistes cyclables de l’île. C’est un effort qui nécessitera 3 % du budget de 6,17 milliards de dollars prévu pour 2021, soit environ 185 millions de dollars [i]. Comme le travail est exécuté en collaboration avec un grand nombre de compagnies privées, il est important pour la Ville de Montréal de s’assurer que ces contrats sont libres de toute manœuvre de collusion ou de corruption afin d’obtenir la meilleure valeur pour les contribuables et de promouvoir une saine concurrence dans un marché transparent.

Heureusement, depuis sa création, en 2014, l’équipe du Bureau de l’inspecteur général (BIG) de la ville de Montréal est à l’affût des tendances déloyales dans l’attribution, la gestion et l’exécution des contrats de déneigement à Montréal. Lors d’une présentation, en mars 2021, dans le cadre du Symposium annuel de l’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE), Chapitre de Montréal, M. Michel Forget, inspecteur général adjoint, ainsi que M. Marco Roy, chargé d’enquêtes, nous ont présenté les dernières évolutions dans ce domaine.

D’abord, M. Forget a noté que, au cours de ses travaux, plusieurs indices de collusion entre les compagnies de déneigement et de transport ont d’abord été découverts par le bureau du Vérificateur général de la ville de Montréal, et ont été transmis au BIG. Ce constat confirme la prémisse de l’ACFE voulant que la lutte contre la fraude demeure un «sport d’équipe» et qu’une variété de professionnels ‑ avocats, comptables, enquêteurs, analyses, spécialistes des TI, gestionnaires, spécialistes du service à la clientèle ‑ soient nécessaires à son succès.

Par la suite, M. Forget nous a expliqué que des indicateurs et tendances qui trahissent la présence de collusion peuvent être mis en évidence en analysant certains facteurs dans le processus d’appel d’offres: le nombre de compagnies en concurrence; la fréquence ou l’absence de soumissionnaires, l’existence de compagnies apparentées, les délimitations géographiques (territoires), les écarts de prix et les clauses particulières. 

Pour confirmer les indices de collusion, M. Roy nous a démontré, à partir d’une série d’études de cas, comment le BIG utilise de nombreuses techniques d’enquête afin de recueillir des preuves qui confirment les tendances observées: entrevues avec le personnel, les fonctionnaires et les gestionnaires; opérations de surveillance fixes et mobiles; surveillance de la gestion des contrats et des résultats des opérations de déneigement, pour n’en nommer que quelques-unes.

Au cours des années, le travail du BIG dans ses dossiers d’enquête concernant les contrats de déneigement a mené à l’amélioration des processus de facturation et du calcul des résultats pour éviter la fraude, à une surveillance accrue dans la gestion du processus d’appel d’offres et, dans certains cas, à la résiliation de contrats de déneigement. De plus, la préparation et la publication d’une politique de déneigement, en août 2015, par la Ville de Montréal, qui contient des exigences techniques obligatoires communes, a grandement contribué à la mise en place de mesures de contrôle qui diminuent les risques de fraude et de collusion.  

Même si MM. Roy et Forget sont évidemment avares de détails concernant leurs enquêtes en cours, il est quand même possible de voir les résultats de leur travail à travers les médias. Par exemple, plusieurs articles de journaux font état de la résiliation, en juin 2019, de 2 contrats de déneigement, d’une valeur totale de 9,3 millions de dollars, attribués à Transport Rosemont[ii]. Selon M. Forget, l’élément clé qui ressort de ce dossier est l’importance de la proximité et la présence locale des membres du BIG auprès des entrepreneurs et des arrondissements dans l’identification et la compréhension des manœuvres frauduleuses à mesure qu’elle font leur apparition. Comme quoi la connaissance de son territoire demeure le meilleur outil stratégique de prévention pour le BIG.  

Alors que nous profitons tous des dernières journées ensoleillées passées dehors en bermudas, il est rassurant de penser que les gens du BIG ont déjà sorti leurs parkas d’hiver. Il est clair qu’ils sont prêts à s’assurer discrètement que la neige qui aura neigé sera déneigée sans un cortège de firmes dégénérées!

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