Le Blogue SOQUIJ célèbre ses 10 ans. L’occasion est parfaite pour faire un tour d’horizon de décisions qui ont marqué nos collaborateurs au cours de la dernière décennie. Ce tour d’horizon se fera en 2 parties. La suite: la semaine prochaine!

Droit de la famille

Québec (Procureur général) c. A

La saga du couple célèbre connu sous les pseudonymes «Éric» et «Lola» a pris fin en 2013. La Cour suprême du Canada a rendu jugement dans cette affaire en concluant que l’exclusion des conjoints de fait des mesures de protection en matière de soutien alimentaire et de partage des biens respectait la Charte canadienne des droits et libertés.

Adoption — 1445

L’appelante, qui a fait appel à une donneuse d’ovules et à une mère porteuse, a obtenu le placement de l’enfant née au terme de cette démarche auprès d’elle en vue de son adoption.

Cette affaire mettait en cause l’article 541 du Code civil du Québec, qui prévoit que: «Toute convention par laquelle une femme s’engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d’autrui est nulle de nullité absolue.»

La Cour d’appel a conclu que le fait que le contrat de mère porteuse soit nul ne signifiait pas nécessairement que tous ses effets, même indirects ou sur des tiers — tel un enfant —, devaient être combattus par le droit. Autoriser l’adoption était aussi la solution qui respectait le mieux le principe fondamental de l’article 522 C.C.Q., qui veut que tous les enfants dont la filiation est établie aient les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que soient les circonstances de leur naissance. La Cour a conclu que, dans le contexte d’une requête pour une ordonnance de placement en vue de l’adoption, le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant devait prévaloir sur les circonstances de sa naissance.

Le projet de loi no 2, qui porte notamment sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation, aborde la question de la gestation pour autrui. Dans l’état actuel du projet de loi, dont le principe a été adopté, ce type de projet parental serait désormais reconnu et encadré par un cadre législatif.

Propriété intellectuelle

Cinar Corporation c. Robinson

L’année 2013 a vu le dénouement de l’affaire Robinson après 18 ans de procédures. La Cour suprême a confirmé que l’œuvre avait été plagiée par les appelants Cinar et a rétabli en partie le montant des dommages-intérêts accordés à Claude Robinson à hauteur de plus de 4 millions de dollars.

Droit du travail

Québec (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) c. Caron

La question dans ce pourvoi consistait à déterminer si l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’accommodement raisonnables en faveur de quelqu’un ayant une invalidité s’appliquait aux travailleurs ayant subi une invalidité à leur lieu de travail. La Cour suprême a conclu que l’obligation d’accommodement, qui est l’un des principes centraux de la Charte des droits et libertés de la personne, était applicable à l’interprétation et à l’application de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. En effet, selon le plus haut tribunal du pays, il n’existe aucune raison de priver un travailleur qui devient invalide par suite d’un accident du travail des principes applicables à toute personne invalide, notamment du droit à des mesures d’accommodement.

La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles a par la suite été modifiée.

Droit municipal

Gastem inc. c. Municipalité de Ristigouche-Partie-Sud-Est

La municipalité de Ristigouche-Partie-Sud-Est, une petite municipalité de 157 habitants, s’est retrouvée face à une poursuite de 1,5 million de dollars de la pétrolière Gastem à la suite de l’adoption d’un règlement municipal interdisant de forer à moins de 2 kilomètres de l’une de ses sources d’eau potable.

La Cour supérieure a décidé que, en adoptant un règlement visant à protéger les cours d’eau et les sources d’eau potable, la Municipalité de Ristigouche-Partie-Sud-Est n’avait pas agi de manière illégale, ciblée et intempestive dans le but d’empêcher l’entreprise pétrolière Gastem de poursuivre ses activités sur son territoire.

La Cour supérieure a qualifié le recours de Gastem d’abusif et a condamné celle-ci à payer une somme de plus de 155 000 $ à la Municipalité.

Environnement

Renvoi relatif à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

La tarification sur les émissions de gaz à effet de serre, surnommée la «taxe carbone», est jugée constitutionnelle.

Les gouvernements de l’Ontario, de la Saskatchewan et de l’Alberta contestaient la validité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, entrée en vigueur en 2018.

Selon la Cour suprême du Canada, la loi fixe, en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre, des normes nationales minimales de tarification rigoureuse de ces gaz, soit des polluants qui causent des préjudices sérieux à l’extérieur de la province dans laquelle ils sont émis.

Le plus haut tribunal du pays a conclu que le Parlement avait compétence pour adopter cette loi en tant que matière d’intérêt national en vertu de la disposition de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui l’habilite à faire des lois pour «la paix, l’ordre et le bon gouvernement».

«L’existence incontestée d’une menace pour l’avenir de l’humanité ne saurait être ignorée.» (paragr. 168)

Droit constitutionnel

Hak c. Procureur général du Québec 

La Loi sur la laïcité de l’État a été adoptée en juin 2019 après avoir fait l’objet de nombreux débats au sein de la société québécoise. Cette loi interdit notamment que certains employés de l’État, comme les juges, les policiers ou les enseignants, portent des signes religieux lorsqu’ils exercent leurs fonctions.

La validité constitutionnelle de cette loi a été contestée devant les tribunaux, notamment au motif qu’elle ne respecterait pas la Charte canadienne des droits et libertés

Le 20 avril 2021, la Cour supérieure a déclaré inopérants certains articles de la loi, car ils portent atteinte de manière injustifiée aux droits garantis par les articles 3 et 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Des déclarations d’appel ont été déposées, de sorte que la question n’est pas close.

Lecture complémentaire : La Loi sur la laïcité de l’État: les points à retenir

Procureur général du Québec c. Murray-Hall

Le 17 octobre 2018, le gouvernement fédéral a «décriminalisé» la consommation de cannabis en adoptant la Loi sur le cannabis.

Le Québec a ensuite adopté la Loi encadrant le cannabis.

La Cour supérieure a déclaré que les articles 5 et 10 de la Loi encadrant le cannabis, qui prévoient l’interdiction totale de possession de plantes et de culture de cannabis à des fins personnelles, étaient inconstitutionnels.

La Cour d’appel a conclu que les articles 5 et 10 de la Loi encadrant le cannabis avaient pour objectif d’assurer l’efficacité du monopole d’État confié à la Société québécoise du cannabis et que l’objet de cette loi était de compétence provinciale; par conséquent, la Cour a infirmé le jugement de la Cour supérieure ayant déclaré invalides ces 2 dispositions.

Le 10 mars 2022, le plus haut tribunal du pays a décidé d’entendre la cause de Janick Murray-Hall sur la culture du cannabis à domicile, interdite au Québec.

Le débat n’est pas clos et les apprentis jardiniers devront patienter…

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