Dans certaines circonstances et lorsque certaines conditions sont remplies, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) peut déterminer un «emploi convenable» à une personne qui est devenue incapable d’exercer son emploi à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
La détermination d’un emploi convenable s’inscrit dans un processus de réadaptation professionnelle auquel la victime d’une lésion professionnelle doit collaborer. En l’absence d’une telle collaboration, la CNESST peut déterminer l’emploi convenable de façon unilatérale.
Une décision récente du Tribunal administratif du travail (TAT) illustre en quoi consiste la collaboration de la victime d’une lésion professionnelle à la détermination d’un emploi convenable ainsi que la démarche attendue de la CNESST durant cet exercice.
Dans cette affaire, le TAT a conclu que la CNESST elle-même avait mis fin à sa collaboration au processus de réadaptation professionnelle avant de déterminer unilatéralement un emploi convenable de «livreuse de mets préparés/petits colis» à la travailleuse.
Des obligations de part et d’autre
Le TAT rappelle que la CNESST doit tenter d’obtenir et même de susciter la collaboration de la victime d’une lésion professionnelle afin de l’aider à cheminer et à envisager un retour au travail.
Pour sa part, la victime doit offrir une participation active, par exemple en fournissant à la CNESST toutes les informations pertinentes qui la concernent, en réfléchissant aux suggestions qui lui sont faites ainsi qu’en prenant part aux discussions et aux rencontres avec des ressources spécialisées.
Une collaboration sans reproche de la travailleuse
Le TAT conclut que la travailleuse a entièrement collaboré au processus de réadaptation professionnelle.
Sur ce point, il prend en considération le rapport de la conseillère d’orientation et en réadaptation professionnelle, qui mentionne que la travailleuse a fait preuve de collaboration.
Il tient également compte des notes évolutives de la CNESST. Ces notes ne comportent aucune remarque qui permettrait de croire que la collaboration de la travailleuse a été insuffisante.
Selon le TAT, dans la mesure où la collaboration de la travailleuse est sans reproche, la complexité du dossier, une impasse, le manque de confiance de la travailleuse à l’égard de sa capacité résiduelle ou encore le fait qu’elle soit incertaine quant au choix de l’emploi à déterminer ne constituent pas des éléments pouvant justifier la détermination unilatérale de l’emploi convenable.
Un processus expéditif
Le TAT considère que la CNESST n’a pas procédé à une réelle évaluation des possibilités professionnelles de la travailleuse, contrairement à ce qu’exige la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et qu’elle n’a pas cherché à «susciter, éveiller ou solliciter» (paragr. 27) sa participation dans la détermination de l’emploi de «livreuse de mets préparés/petits colis».
De l’avis du TAT, la CNESST a mis fin à sa collaboration au processus et la détermination unilatérale de l’emploi convenable n’était pas fondée.
Il observe plusieurs lacunes dans l’approche de la CNESST.
Ainsi, alors que la travailleuse avait manifesté de l’intérêt pour l’emploi de livreuse de pharmacie, mais avait toutefois exprimé la crainte d’éprouver des douleurs lors de la conduite automobile, la CNESST n’a pas cherché à la rassurer, à l’informer ou encore à lui expliquer que ses douleurs ne découlaient pas de la lésion professionnelle.
En outre, la CNESST n’a pas répondu aux interrogations légitimes de la travailleuse relativement aux charges à manipuler dans l’exercice de l’emploi qui l’intéressait. Aucune démarche n’a été faite afin de valider l’information obtenue d’un livreur de pharmacie et les conditions d’exercice de l’emploi n’ont pas été documentées avec la travailleuse.
Le TAT constate aussi que, en l’espace de 2 jours, la conseillère en réadaptation avait proposé trois nouveaux emplois convenables à la travailleuse. Cette dernière devait réfléchir à chacun d’eux dans ce court laps de temps, ce que le TAT juge déraisonnable.
Enfin, le TAT conclut que «[a]u lieu de canaliser ses efforts sur l’emploi identifié de livreuse [de] pharmacie et de s’adjoindre la participation de la travailleuse en ce sens, la Commission a tout simplement abandonné» (paragr. 33).
Le dossier a été retourné à la CNESST afin que le processus soit repris avec la collaboration de la travailleuse.
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