En cette période de déménagement, j’ai pensé vous proposer un billet sur des questions fréquentes provenant de nos lecteurs en matière de droit du logement.

L’état du logement

Vous emménagez dans un nouveau logement et son état n’est pas celui auquel vous vous attendiez?

Le droit prévoit que le propriétaire doit délivrer le logement en bon état de réparation et d’habitabilité en plus d’en procurer la jouissance paisible. Dans les cas où ce dernier ne respecte pas ces obligations, le locataire peut demander au Tribunal administratif du logement (TAL) d’ordonner au propriétaire de régler la situation. Le TAL peut aussi accorder aux locataires une diminution de loyer ou des dommages-intérêts. Dans les cas où le logement est impropre à l’habitation, c’est-à-dire que son état constitue une menace sérieuse pour la santé et la sécurité des locataires, le droit prévoit que le locataire peut refuser d’en prendre possession et le bail prend fin.

Voici quelques décisions récentes qui ont retenu notre attention à ce sujet.

Dans Sobsey, le propriétaire avait effectué des travaux de rénovation dans l’immeuble, y compris l’application de vernis sur les planchers de certains logements. La locataire et sa famille ont par la suite souffert de maux de tête et d’étourdissements. Le rapport d’un expert a démontré la présence de composés organiques volatils excédant les limites permises par Santé Canada. Le TAL a conclu que le logement était alors impropre à l’habitation. En raison de cette situation, la locataire n’avait pas à payer son loyer pendant la période où le logement était impropre à l’habitation et le TAL lui a accordé une somme d’argent pour compenser les inconvénients subis et l’argent qu’elle avait dû débourser pour déménager.

Dans Coopérative d’habitation Walkley, la locataire avait été privée de l’usage de la salle de bains pendant près de 1 mois en raison de travaux effectués par le propriétaire. Selon le TAL, l’absence de salle de bains pendant une période aussi prolongée a rendu le logement impropre à l’habitation. Il a constaté que le bail avait pris fin et a accordé une diminution de loyer ainsi que des dommages moraux pour les inconvénients subis. De façon similaire, dans Jobin, des problèmes d’approvisionnement en eau courante ont rendu le logement impropre à l’habitation et le locataire a eu le droit de quitter le logement pour cette raison. En plus de reconnaître que le problème avait mis fin au bail, le TAL a accordé une somme d’argent au locataire en remboursement des travaux de plomberie qu’il avait fait effectuer et pour compenser le stress et les troubles engendrés par la situation.

Dans la décision 9350-3480 Québec inc., dont je vous avais également parlé dans un billet sur la pandémie et le droit au logement, le TAL avait conclu que, parce que le logement était toujours en construction et était dans un état qui ne permettrait pas à la locataire d’y emménager de façon sécuritaire à la date prévue du début du bail, ce dernier avait pris fin de plein droit.

La présence d’indésirables dans le logement

S’il y a présence d’indésirables dans le logement, le propriétaire doit agir de façon diligente pour régler la situation. Autrement dit, s’il fait preuve de négligence, le locataire pourrait obtenir une compensation pour les dommages subis. De plus, une diminution du loyer est toujours possible pour la perte de jouissance du logement.

Dans Royer, le TAL a accordé une diminution du loyer en raison de la présence de punaises de lit dans l’appartement de la locataire. Il a aussi conclu que le propriétaire avait été négligent puisqu’il avait fallu 6 jours suivant la dénonciation de la situation avant qu’un exterminateur ne se présente au logement et plusieurs traitements avant d’enrayer la présence des punaises. Conséquemment, la locataire a eu droit à une somme d’argent pour compenser les inconvénients subis.

Dans Tzanetoulakos, il y avait une présence récurrente de punaises de lit, de blattes et de souris dans l’appartement de la locataire. Le TAL a ordonné au propriétaire, qui refusait d’agir, d’avoir recours à un exterminateur professionnel afin de procéder aux traitements d’extermination et a aussi diminué le loyer de la locataire. Puisque la propriétaire avait été négligente dans sa gestion de l’affaire, le TAL a aussi accordé à la locataire une indemnité à titre de dommages matériels, moraux et punitifs.

Augmentation de loyer

Le propriétaire vous fait parvenir un avis d’augmentation de loyer et vous n’êtes pas d’accord?

Comme l’a rappelé le TAL dans Roberge, lorsque le bail a une durée de 1 an, l’avis d’augmentation doit être donné dans un délai de 3 à 6 mois avant la fin de celui-ci. Il doit être rédigé dans la même langue que le bail et indiquer le nouveau prix proposé pour le loyer, le montant de l’augmentation ou le pourcentage d’augmentation du loyer. Il doit aussi mentionner que le locataire dispose de 1 mois pour faire parvenir sa réponse. Par exemple, si l’avis est donné le 7 janvier, le locataire a jusqu’au 7 février pour répondre. Si l’avis présente des choix de réponses au locataire, il doit inclure toutes les options possibles. Ces options sont:

  1. accepter de renouveler le bail aux conditions proposées dans l’avis;
  2. refuser la modification proposée et de quitter le logement à la fin du bail; et
  3. accepter de renouveler le bail et refuser les conditions proposées dans l’avis.

Si le locataire ne répond pas, le bail sera renouvelé selon les conditions proposées dans l’avis. S’il refuse l’augmentation, mais souhaite renouveler son bail, le propriétaire peut s’adresser au TAL afin de faire fixer le prix du loyer. Le droit prévoit qu’il a 1 mois suivant la réception de la réponse du locataire pour le faire.

Aussi, dans Brault, le TAL a rappelé que, selon la jurisprudence, le délai pour répondre à l’avis d’augmentation de loyer commençait à courir au moment où le locataire recevait l’avis, et non nécessairement au moment où il était donné. Dans cette affaire, puisque la propriétaire n’avait pas pris de moyens supplémentaires pour s’assurer que le locataire reçoive l’avis après avoir été informé que ce dernier n’avait pas récupéré son courrier, l’avis d’augmentation de loyer n’avait pas été valablement donné, le bail avait été reconduit et le prix du loyer était demeuré inchangé.

Reprise de possession

Le propriétaire indique que vous devez quitter le logement parce qu’il souhaite le reprendre?

Tout d’abord, le droit prévoit que le propriétaire peut reprendre le logement «pour l’habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien» (art. 1957 du Code civil du Québec) ou encore «un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l’union civile» (art. 1957). Toutefois, le propriétaire ne peut reprendre le logement lorsque le locataire «est âgé de 70 ans ou plus, occupe le logement depuis au moins 10 ans et a un revenu égal ou inférieur au revenu maximal lui permettant d’être admissible à un logement à loyer modique» (art. 1959.1). L’avis de reprise doit préciser pour qui le propriétaire souhaite reprendre le logement et, dans les cas applicables, son degré de parenté ou son lien avec cette personne.

Dans M.L., la demande du propriétaire avait été rejetée parce que le locateur n’avait pas prouvé l’existence d’un lien de parenté ou qu’il était le principal soutien de la personne pour laquelle il souhaitait reprendre le logement.

En outre, l’avis de reprise n’est pas valide s’il prévoit la reprise du logement pendant le bail ou à une date antérieure à la fin de celui-ci, tel qu’il est souligné dans Ashford-Parent.

Dans Magdoul, le TAL a estimé que, si le locataire ne répondait pas à l’avis de reprise, il était considéré comme ayant refusé de quitter le logement. Si le locataire répond à l’avis par un refus, le propriétaire peut alors s’adresser au TAL pour demander à reprendre le logement et cette demande doit être faite dans le mois suivant ce refus.

La reprise doit avoir un caractère permanent et il doit y avoir une intention réelle d’occuper le logement. Dans Beaulieu, la demande de reprise avait été rejetée parce que le propriétaire disait ignorer quelques mois plus tard s’il occuperait toujours le logement repris.

Si le TAL accorde la reprise du logement, il peut allouer une indemnité au locataire pour ses frais de déménagement. Dans Lamothe, il a énuméré certains facteurs pris en compte pour la déterminer tels «l’âge et la condition physique du locataire, la durée d’occupation du logement, la dimension du logement, les coûts du transport des biens et la valeur des meubles à déménager ainsi que les frais de branchement aux services publics et de réacheminement de courrier» (paragr. 71).

Enfin, la reprise doit être faite de bonne foi. Par exemple, dans les affaires André-Bélisle et Perreault, les locataires avaient découvert que leur logement repris était offert en ligne sur une plateforme de location à court terme. Dans les deux cas, le TAL a conclu à la mauvaise foi des propriétaires dans leur reprise du logement et a accordé des sommes importantes aux locataires à titre de dommages matériels, moraux et punitifs.

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