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Anonyme

Le 28 juin 2022, la Cour supérieure a autorisé l’exercice de l’action collective à l’encontre de Google lui reprochant de recueillir sans autorisation préalable des renseignements de ses utilisateurs lorsqu’ils utilisent les Services Google ou les Outils Google et de les partager avec des tiers.

C’est le groupe Option consommateurs, une association sans but lucratif ayant pour mission de défendre les droits et les intérêts des consommateurs, qui est à l’origine du recours et qui demande à Google de: 

  1. payer aux membres du groupe une somme égale à la valeur des renseignements personnels recueillis sans leur consentement;
  2. payer aux membres du groupe une somme de 50 millions de dollars à titre de dommages punitifs; et
  3. acquitter les coûts engagés pour toute enquête nécessaire afin d’établir sa responsabilité en l’instance, y compris les honoraires des avocats, les débours ainsi que les frais d’experts.

Les membres du groupe

Google est omniprésent dans le monde informatique. Le groupe visé par l’action collective est possiblement composé de presque tous les résidents du Québec en âge d’utiliser un ordinateur, une tablette électronique, une télévision intelligente ou un téléphone cellulaire.

Renseignements personnels

Selon le tribunal, les documents publiés par Google sur Internet démontrent que celle-ci n’obtient pas le consentement préalable des membres du groupe avant de recueillir leurs renseignements personnels et de les partager avec des tiers.

«Lorsque vous utilisez nos services, vous nous confiez vos données personnelles.»

Politique de confidentialité de Google

Le tribunal a fait une liste des renseignements personnels qui seraient recueillis par Google:

  • Données personnelles, non spécifiées ni définies;
  • La langue parlée;
  • Les annonces que les membres trouvent les plus utiles;
  • Les personnes qui intéressent le plus les membres sur Internet;
  • Les vidéos YouTube qui peuvent intéresser les membres;
  • Les identifiants uniques;
  • Le type de navigateur et les paramètres;
  • Le type d’appareil et les paramètres;
  • Le système d’exploitation;
  • Les renseignements du réseau cellulaire, y compris le nom de l’opérateur, son numéro de téléphone et le numéro de version de son application.
  • L’interaction des applications, des navigateurs et des appareils avec les services offerts par Google, dont notamment leur adresse IP, les rapports de plantage, les activités des systèmes, la date, l’heure, et l’URL de référence de la requête (autrement dit: le site visité);
  • Les activités des membres, dont les termes recherchés, les vidéos regardées, les pages visitées et les interactions avec les contenus et les annonces, leurs renseignements vocaux et audio lorsque ceux-ci utilisent des fonctionnalités audio, leurs activités d’achats et les personnes avec lesquelles ils communiquent ou partagent des contenus;
  • Les données de localisation (GPS, adresse IP, données du capteur de l’appareil) et les renseignements sur des choses se trouvant à proximité de l’appareil, comme des points d’accès Wi-Fi, des tours cellulaires et des appareils compatibles Bluetooth.

Navigation privée, vraiment?

Selon le tribunal, dans la publication intitulée «Activer ou désactiver la fonctionnalité Interdire le suivi», Google écrit expressément qu’elle ne respecte pas le choix des membres qui souhaitent que leurs renseignements ne soient pas recueillis.

Quant à la publication intitulée «Effectuer des recherches et parcourir le Web en mode privé», Google indique que l’utilisation du mode de navigation privée permet de parcourir Internet en toute confidentialité. Or, le tribunal constate, à partir des allégations faites dans la demande, que cela serait faux, en réalité. En effet, contrairement à ses propres représentations, Google collecterait et utiliserait à des fins commerciales les renseignements des membres du groupe qui naviguent en mode de navigation privée lorsque ceux-ci utilisent les Services Google ou visitent des sites Internet ayant recours aux Outils Google.

Contenu personnalisé

Le but ouvertement reconnu de Google est d’offrir un contenu personnalisé à ses utilisateurs, ce qui comprend un contenu publicitaire ciblé.

Selon Option consommateurs, Google s’approprie les renseignements personnels des membres du groupe et les utilise afin de créer des profils d’utilisateurs qui lui ont permis, en 2019, d’être le leader mondial en matière de publicité ciblée et d’engendrer des revenus de 134 811 milliards de dollars US grâce à la publicité en ligne.

Dommages

Il existe en jurisprudence peu d’exemples de situations lors desquelles le fait qu’un bien ait été dérobé par une personne ne privait pas nécessairement son possesseur original de la possibilité d’en jouir.

Selon le tribunal, le parallèle le plus utile qui peut être fait afin d’expliquer la situation est celui du droit à l’image.

Dans Aubry c. Éditions Vice-Versa inc., la Cour suprême mentionnait:

[74] […] nous sommes d’avis que l’exploitation commerciale ou publicitaire de l’image, qu’elle soit d’une personne connue ou d’un simple particulier, est susceptible de causer à la victime un préjudice matériel. […] Il n’est pas impossible que les dommages patrimoniaux soient compensés par une participation aux profits, suivant les principes du gain manqué et de la perte subie.

Au stade de l’autorisation de l’exercice de l’action collective, le tribunal est d’avis que les arrêts Aubry c. Éditions Vice-Versa inc. et Laoun c. Malo démontrent l’existence de dommages et qu’ils présentent une méthode permettant d’évaluer le préjudice associé à l’utilisation commerciale sans droit de renseignements personnels.

Apparence de droit

Le tribunal conclut qu’Option consommateurs a démontré l’apparence de droit de son recours:

  • En responsabilité extracontractuelle en vertu de l’article 1457 du Code civil du Québec pour violation de 2 lois fédérales et de 1 loi provinciale portant sur les renseignements personnels, quant à toutes les pratiques de Google alléguées dans la demande;
  • En dommages compensatoires et punitifs pour violation du droit à la vie privée garanti par la Charte des droits et libertés de la personne;
  • En dommages compensatoires et punitifs en vertu de l’article 41 de la Loi sur la protection du consommateur pour la question de la navigation privée seulement; et
  • En dommages compensatoires en vertu de la Loi sur la concurrence pour la question de la navigation privée seulement, y compris une demande de remboursement des coûts engagés pour mener toute enquête nécessaire afin d’établir la responsabilité de Google en l’instance, dont les honoraires des avocats, les débours et les frais d’experts.

Suivi du recours

Option consommateurs invite les consommateurs à s’abonner à son infolettre afin de rester informés de l’évolution du dossier.

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