Il existe 46 ordres professionnels au Québec régis par le Code des professions (C.prof.). Ils ont pour mission principale de protéger le public. Ce billet s’intéressera à un ordre professionnel dont les membres jouent un rôle clé dans le monde du travail, soit aux membres de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés, et offrira un tour d’horizon des décisions du Conseil de discipline de l’Ordre rendues au cours des 3 dernières années. Que reproche-t-on à ses membres et à quelles sanctions ces derniers se sont-ils exposés?

Traitement d’une plainte pour harcèlement psychologique

Dans un récent dossier, une conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) a reconnu sa culpabilité sous l’unique chef d’une plainte qui lui reprochait de ne pas avoir respecté les normes de pratique généralement reconnues et les règles de l’art applicables dans le contexte d’une enquête pour harcèlement psychologique, le tout en violation de l’article 3 du Code de déontologie des membres de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréées du Québec, soit une disposition qui porte sur la qualité de l’exercice de la profession et qui «vise à maintenir une pratique exemplaire pour ce qui est du respect des normes reconnues». Le Conseil a retenu qu’il y avait eu «des lacunes quant à la conduite de l’intimée dans le cadre de l’enquête et dans le traitement du dossier qui lui a été assigné» (paragr. 43), alors que celle-ci «devait adopter une conduite empreinte de respect et d’empathie et se devait d’être exemplaire et rigoureuse surtout dans un contexte de harcèlement psychologique» (paragr. 46). Le Conseil a accepté d’entériner la recommandation commune des parties et la professionnelle s’est vu imposer une amende de 3 500 $

Propos de nature sexuelle

Dans une autre affaire, un CRHA ayant fait l’objet d’une plainte disciplinaire comportant 4 chefs d’accusation s’est pour sa part vu imposer une radiation permanente sous les 2 premiers chefs, lesquels lui reprochaient d’avoir tenu des propos inappropriés et à caractère sexuel envers 2 employées. Quant aux 2 autres chefs, pour lesquels il a également reconnu sa culpabilité, ils lui reprochaient respectivement d’avoir communiqué avec l’une des demanderesses d’enquête et d’avoir menti au syndic adjoint au cours de son enquête. Le Conseil a tenu à rappeler que:

[51]           La probité, l’intégrité et l’honnêteté constituent des qualités essentielles à tout professionnel. Or, cette obligation revêt une intensité plus élevée pour un professionnel qui occupe une position hiérarchique telle qu’occupée par l’intimé.

[52]           Une de ces fonctions était certainement d’être le gardien de la politique en matière de harcèlement et à ce titre il se devait d’adopter un comportement et une attitude irréprochables.

[53]           L’intimé a profité de la confiance que lui portaient les deux femmes concernées par la plainte, et ce, tant sur le plan personnel que le plan professionnel.

[54]           Ces éléments sont des facteurs aggravants auxquels le Conseil accorde un poids important.

[Nos soulignements.]

Protection des renseignements de nature confidentielle et infolettre

Dans cet autre cas, le professionnel en cause a enregistré un plaidoyer de culpabilité sous les 2 chefs de la plainte modifiée portée contre lui. Sous le premier chef, il lui était reproché d’avoir publié dans une infolettre une étude de cas calquée sur une situation vécue. Sous le second chef, il s’est vu reprocher d’avoir omis de subordonner son intérêt à celui de son client. Une période de radiation temporaire de 3 mois ainsi qu’une amende de 2 500 $ lui ont été imposées sous le premier chef et une période de radiation temporaire concurrente de 3 mois sous le second. Le Conseil a noté que le CRHA intimé «[avait] contrevenu à l’une des obligations fondamentales de sa profession, et de toutes les professions d’ailleurs, la confidentialité des informations et confidences qu’il recueille et reçoit dans l’exercice de sa profession» (paragr. 54).

Pratiques discriminatoires au moment de l’embauche

Dans ce dossier, une conseillère en relations industrielles agréé (CRIA) a été déclarée coupable sous chacun des 2 chefs de la plainte disciplinaire qui lui reprochaient d’avoir utilisé des formulaires de préembauche dans lesquels les candidats doivent dévoiler une grande quantité d’informations d’ordre médical même si cela n’a aucun lien avec les aptitudes requises pour l’emploi qu’ils postulent. Dans sa décision sur culpabilité, le Conseil a notamment conclu que «les formulaires auxquels ont dû répondre des candidats à des postes ont forcé ces derniers à dévoiler des informations sur leur état de santé malgré la protection offerte par la Charte des droits et libertés de la personne» (paragr. 57). Il a aussi mentionné qu’il s’agissait «d’un non-respect des droits fondamentaux d’autant plus que, selon la preuve non contestée, l’intimée savait que les questions préparées étaient controversées, mais elle a considéré quand même que cela en valait le coût» (paragr. 57). Dans sa décision sur sanction, le Conseil a accepté d’imposer la recommandation commune des parties, laquelle consistait en une amende de 2 500 $ sous le chef no 1 et une réprimande sous le chef no 2.

Plainte dans le contexte de l’exécution d’un mandat de formation

Dans ce dossier, il a été reproché au CRHA intimé de ne pas avoir été suffisamment structuré et organisé dans le cadre d’une formation qu’il offrait et, plus précisément, de ne pas avoir été assez précis quant aux objectifs, à la méthodologie, à l’évaluation et au suivi qu’il devait apporter. Il s’est vu imposer une réprimande.  

Renseignements faux, trompeurs ou incomplets

Dans cet autre cas, c’est une période de radiation de 3 mois qui a été imposée au CRHA intimé. Celui-ci a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard du seul chef de la plainte, qui lui reprochait d’avoir utilisé et fourni, dans le contexte de ses propres recherches d’emploi, un curriculum vitae contenant des renseignements faux, trompeurs ou incomplets, notamment quant à son année d’admission à l’Ordre, à sa formation antérieure et à son expérience de travail. Le Conseil a indiqué qu’il s’agissait d’une infraction grave puisque, en tant que CRHA, «il lui revient d’évaluer les candidats potentiels à des postes auprès de son employeur, ce qui implique qu’il doit s’assurer des qualifications professionnelles de tout candidat, alors qu’il manque lui-même de rigueur, d’honnêteté et d’intégrité à cet égard» (paragr. 39).

Vol

Dans cette affaire aux faits très particuliers, le professionnel visé a été déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 59.2 C.prof. pour avoir commis ou avoir tenté de commettre des vols d’argent dans différents commerces en menaçant les commis-caissiers d’un couteau ainsi que pour avoir subtilisé et utilisé la carte de crédit appartenant à une collègue. Une radiation temporaire de 6 ans lui a ensuite été imposée.

Entrave    

Enfin, dans plusieurs dossiers, il a été reproché à des membres de l’Ordre d’avoir entravé le travail du Comité d’inspection professionnel (CIP) ou encore celui du syndic plaignant.

Ainsi, il a été reproché à une CRHA de ne pas avoir donné suite aux demandes que lui adressait le CIP ni remédié aux constats de non-conformité contenus au rapport d’inspection professionnelle, notamment en lien avec son omission de mettre en place une politique de prévention du harcèlement psychologique dans son organisation. Dans sa décision sur culpabilité et sur sanction, le Conseil a retenu que: «Considérant les ravages que peut entraîner le harcèlement psychologique au sein d’un milieu de travail, l’intimée aurait dû faire de la mise en place de la politique une priorité, et ce, tant pour encadrer le traitement des plaintes de harcèlement psychologique que pour effectuer de la prévention en sensibilisant les employés à leurs obligations» (paragr. 116). La professionnelle s’est vu imposer une amende de 2 500 $.

Dans une autre affaire, une réprimande a été imposée à un CRHA ayant reconnu sa culpabilité sous l’unique chef de la plainte, qui lui reprochait d’avoir entravé le travail du CIP en négligeant de répondre ou de faire suite aux demandes que ce dernier lui avait adressées. Le Conseil a retenu que l’intimé avait commis de l’entrave passive envers le CIP en ne tenant pas compte de sa correspondance sans explication.

Une amende de 2 500 $ a été imposée à une ancienne membre qui a reconnu sa culpabilité sous l’unique chef de la plainte, qui lui reprochait d’avoir entravé le travail du CIP, et ce, en négligeant de répondre ou de faire suite aux demandes relatives à son omission de remplir les questionnaires d’auto-évaluation de sa pratique professionnelle.

De plus, un professionnel a été déclaré coupable sous les 2 chefs de la plainte, qui lui reprochait d’avoir entravé le travail du CIP et celui du syndic adjoint. Une période de radiation de 2 mois ainsi qu’une amende de 2 750 $ lui ont été imposées sous le premier chef et une amende de 2 750 $ sous le second. Dans la décision sur sanction, on trouve un intéressant rappel des faits qui explique le contexte dans lequel l’intimé a pu faire l’objet d’une plainte, soit que:

  • son nom a été pigé de façon aléatoire dans le cadre du programme de surveillance de la pratique;
  • il a reçu l’avis d’inspection professionnelle, ainsi que le questionnaire d’auto-évaluation qu’il se devait de remplir dans les 30 jours suivant sa réception;
  • plusieurs rappels ont été faits afin qu’il se conforme à ses obligations;
  • l’intimé n’a donné suite à aucune de ces communications.

Des décisions concernant des infractions d’entrave ont également été rendues dans les dossiers suivants:

Conclusion

Ce survol de la jurisprudence récente permet de constater la variété des infractions reprochées aux intimés visés par des plaintes disciplinaires, les sanctions imposées allant de la réprimande à la radiation permanente. Il rappelle également l’importance pour un professionnel de collaborer tant avec le CIP que le syndic.

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