L’administration forcée d’une forme de contraception constitue un «soin» au sens de l’article 16 du Code civil du Québec.

C’est ce qu’a conclu un juge en 2008, dans Centre de santé et de services sociaux Pierre-Boucher c. J.T.

Cette disposition autorise donc la Cour supérieure à ordonner l’administration d’un contraceptif lorsqu’elle est requise par l’état de santé d’une majeure inapte et qu’il y a refus catégorique de recevoir ce soin.

Toutefois, avant d’entraver le droit d’enfanter, le tribunal doit être convaincu de la nécessité d’intervenir.

Dans cette affaire, cette preuve n’avait pas été faite. Il n’avait pas été démontré que la femme, advenant une nouvelle grossesse, risquait un dérèglement physique entraînant des conséquences psychiques et le retour de symptômes psychotiques ou mettant en danger sa santé physique ou psychique. Elle craignait la contraception par injection, mais ne s’y opposait pas catégoriquement. Selon le juge, le développement de l’alliance thérapeutique avec son équipe traitante lui permettrait peut-être d’accepter la pose d’un stérilet.

L’incapacité parentale d’une majeure souffrant de maladie mentale et le risque de transmission de la maladie à ses enfants ne sont pas non plus des motifs justifiant une ordonnance de stérilisation à son endroit (Centre de santé et de services sociaux de Beauce — services hospitaliers c. M.G.).

Plus récemment, d’autres ordonnances ont toutefois été rendues pour forcer l’administration d’un contraceptif. En voici quelques exemples.

Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ) c. L.T.

Dans cette affaire, un établissement voulait être autorisé à traiter et à héberger une majeure inapte pour une durée de 2 ans. À l’audience, il avait ajouté une demande d’ordonnance portant sur l’administration d’un contraceptif par voie injectable (Depo-Provera).

La femme, âgée de 29 ans, souffrait notamment d’un trouble de la personnalité limite et de déficience intellectuelle de légère à modérée. Elle n’avait qu’une conception très vague de ce qu’implique une grossesse. À plusieurs reprises, elle avait exprimé des idées délirantes à l’effet qu’elle serait enceinte. Ses idées devenaient obsessionnelles et l’avaient menée à planifier d’aller chercher un enfant à la pouponnière de l’hôpital.

Elle se prostituait sans protection pour obtenir de l’argent de poche et refusait catégoriquement les soins contraceptifs, car elle avait l’intention de devenir enceinte. Or, elle ne comprenait pas ce qu’impliqueraient une grossesse ou les soins requis par un nouveau-né.

Le juge a conclu qu’il n’était pas opportun d’autoriser l’administration de contraceptifs sur modification verbale à l’audience sans que les rapports d’expert en fassent mention. Néanmoins, compte tenu des comportements très risqués de la femme, une ordonnance de sauvegarde d’une durée de 2 mois a été rendue pour autoriser le traitement contraceptif.

Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent c. E.B.

La femme, âgée de 31 ans, était la mère de 3 jeunes enfants. Elle souffrait d’une maladie bipolaire avec épisodes psychotiques. À la suite d’un premier épisode maniaque post-partum, une première ordonnance de soins d’une durée de 3 mois avait été rendue, en novembre 2020. En janvier 2022, elle avait été hospitalisée en raison d’une récidive de ses épisodes psychotiques. Elle tenait des propos délirants de persécution.

L’établissement a été autorisé à la traiter contre son gré pour une durée de 2 ans. L’administration d’une méthode contraceptive réversible a aussi été autorisée pour 1 an. En effet, les agissements de la femme risquaient de mener à une grossesse. En raison de sa maladie, elle adoptait des comportements séducteurs. Elle était susceptible d’être victime de viol ou d’agression sexuelle. Or, certains des traitements requis par sa condition pouvaient provoquer une malformation du fœtus. Des précautions devaient donc être prises.

Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale c. D.Z.

Dans cette affaire, la femme était âgée de 41 ans. Elle souffrait d’un trouble schizo-affectif sévère ainsi que d’un trouble de la personnalité antisociale et limite, en plus d’avoir un problème de consommation de drogues et d’alcool.

Elle était hospitalisée pour la quinzième fois en raison de son état mental. Croyant à tort être enceinte, elle refusait de prendre sa contraception orale. Or, cela posait problème puisqu’elle avait des relations sexuelles non protégées avec des hommes également hospitalisés.

Elle ne voulait pas tomber enceinte, mais son état psychotique la mettait à risque d’une grossesse involontaire et indésirable. Elle avait des idées délirantes et affirmait avoir plusieurs enfants, ce qui n’était pas le cas. Il était donc à craindre qu’une réelle grossesse provoque chez elle une importante déstabilisation de son état psychique. De plus, les médicaments antipsychotiques qu’elle prenait étaient contre-indiqués en cas de grossesse.

Le CIUSSS a donc été autorisé à la traiter contre son gré pour une durée de 3 ans, ce qui comprenait l’administration d’un contraceptif.

Centre de santé et de services sociaux de Rouyn-Noranda c. J.T.

Les effets néfastes des changements hormonaux associés à une grossesse ont convaincu le tribunal d’autoriser le CISSS à injecter un contraceptif hormonal contre son gré à une femme de 34 ans.

Cette dernière souffrait d’une maladie schizo-affective et elle était sous curatelle. Elle avait fugué plusieurs fois de sa ressource d’hébergement. Elle adoptait alors un mode de vie néfaste qui la menait à l’itinérance et à la prostitution.

Elle recevait volontairement des injections de contraceptif depuis 7 ans à la suite de l’insistance des infirmières et d’une travailleuse sociale ainsi que des explications reçues de celles-ci. Elle collaborait toutefois moins bien lorsque son état se dégradait.

L’établissement a donc été autorisé, pour une durée de 3 ans, à lui administrer contre son gré un médicament contraceptif injectable.

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