À moins d’en avoir informé l’acheteur lors de la vente, le vendeur doit garantir à celui-ci que le bien est libre de toute charge. Il se porte aussi garant de tout empiétement et de toute violation aux limitations de droit public qui grèvent le bien. C’est ce que prévoit la garantie du droit de propriété, prévue aux articles 1723 à 1725 du Code civil du Québec.

Voici un résumé des décisions qui ont retenu mon attention en 2023 concernant cette garantie.

Nombre de logements permis

Dans Pauzé c. Desmarais, l’acheteur d’un immeuble locatif réclamait des dommages-intérêts à son vendeur parce que la propriété n’était pas conforme à la réglementation municipale quant au nombre de logements permis. Il croyait acquérir un immeuble comportant 7 logements, tel qu’il était mentionné dans la déclaration du vendeur. Or, lorsqu’il a voulu obtenir un permis pour faire des travaux de construction, il a appris que des logements avaient été aménagés sans permis et que 3 d’entre eux étaient non conformes. Le juge a conclu que l’acheteur avait fait preuve de prudence et de diligence. Il lui a accordé 62 026 $ pour le coût des travaux correctifs, la perte de revenus et les inconvénients subis.

Maison bigénérationnelle

Dans Charbonneau c. Denicourt-Doyon, les demandeurs avaient acheté la maison du défendeur dans le but précis d’en faire une maison bigénérationnelle et d’y loger le frère de la demanderesse. Au moment de la visite de l’immeuble, le défendeur leur avait d’ailleurs déclaré que la résidence avait déjà été aménagée comme telle par le passé.

Après l’achat, les demandeurs ont procédé à certains travaux, dont l’installation d’une cuisine. Or, ils ont appris par la suite, lors de la visite d’un inspecteur municipal, que la Ville n’avait jamais accordé l’autorisation d’utiliser l’immeuble, et plus particulièrement le sous-sol, en logement de type intergénérationnel. Les demandeurs ont dû démolir la cuisine.

La juge a conclu que le défendeur avait contrevenu à son obligation de garantie du droit de propriété en déclarant faussement que l’usage de l’immeuble était conforme à la réglementation, sans avoir effectué de vérification à cet effet. Elle a accordé 1 700 $ aux demandeurs pour les inconvénients qu’ils avaient subis.

Sous-sol illégalement transformé en logement

Dans Boudreault Cloutier c. Toulouse, les vendeurs d’un bungalow ont dû accorder aux acheteurs une diminution du prix de vente de 10 000 $. Lorsqu’ils ont décidé de vendre l’immeuble, quelques années plus tard, les acheteurs ont appris que le logement au sous-sol n’était pas conforme au Code de construction. Plutôt que d’effectuer de coûteux travaux correctifs, ils ont choisi de démolir le logement, qui leur rapportait un revenu mensuel de 775 $. Selon le juge, les vendeurs auraient dû dénoncer clairement aux acheteurs le fait qu’ils n’avaient pas suivi le code et non pas se limiter à mentionner, dans la déclaration du vendeur, qu’ils n’avaient pas demandé de permis pour une multitude de rénovations.

Normes de sécurité d’une résidence pour personnes âgées

Dans Gestion Cyprien inc. c. Dubord, la demanderesse, une personne morale, a acheté de la défenderesse une résidence pour personnes âgées (RPA). Avant la vente, la demanderesse a été informée par la municipalité régionale de comté (MRC) qu’un avis de non-conformité avait été délivré 3 ans plus tôt à l’égard de la RPA. Des travaux devaient être effectués pour la rendre conforme aux normes applicables, mais la défenderesse a mentionné que la plupart de ceux-ci avaient été entrepris et qu’il n’en restait que quelques-uns à terminer pour satisfaire aux normes. La défenderesse a réitéré cette information à l’inspecteur préachat, ajoutant que les autorités gouvernementales avaient affirmé que la RPA était maintenant conforme et sécuritaire, à l’exception d’un problème relatif à l’absence de gicleurs.

Après la vente, la demanderesse a appris d’un technicien en prévention incendie que plusieurs travaux correctifs devaient être effectués pour rendre la RPA conforme aux normes applicables. Elle a aussi été informée que plusieurs des travaux faits par la défenderesse étaient inadéquats.

Le juge a conclu que la défenderesse avait fait preuve de dol en déclarant faussement que l’immeuble ne faisait pas l’objet de limitations de droit public, dont elle avait pourtant connaissance, et que les travaux avaient été approuvés par la MRC. Elle a induit la demanderesse en erreur en refusant de lui divulguer l’avis correctif pour des travaux non conformes qui lui avait été délivré. Même si la MRC a toléré la situation après l’envoi de l’avis, la défenderesse était tout de même en situation de violation des normes de sécurité contre les incendies et de celles prévues au Code national du bâtiment 1985. Elle aurait dû le divulguer à la demanderesse. Pour le coût des travaux correctifs, cette dernière a obtenu 148 386 $. Une somme de 10 000 $ lui a aussi été accordée pour les inconvénients qu’elle avait subis.

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