Jusqu'en 2022, l'article 606 du Code civil du Québec (C.C.Q.) prévoyait que la déchéance de l'autorité parentale pouvait être prononcée si des motifs graves et l’intérêt d'un enfant justifiaient une telle mesure. En 2022, le législateur est venu préciser que la violence familiale, y compris la violence conjugale, pouvait constituer un motif de déchéance de l'autorité parentale. L'année suivante, il a ajouté la violence sexuelle. L'article 606 C.C.Q. se lit maintenant ainsi:

606. La déchéance de l’autorité parentale peut être prononcée par le tribunal, à la demande de tout intéressé, à l’égard des père et mère ou des parents, de l’un d’eux ou du tiers à qui elle aurait été attribuée, si des motifs graves et l’intérêt de l’enfant justifient une telle mesure, notamment en raison de la présence de violence familiale, y compris conjugale, ou de violence sexuelle.

La déchéance est cependant prononcée à l’égard d’une personne lorsqu’un jugement passé en force de chose jugée reconnaît sa culpabilité pour une infraction criminelle à caractère sexuel impliquant un enfant ou reconnaît sa responsabilité pour un préjudice résultant d’un acte pouvant constituer une telle infraction, à moins qu’il ne soit démontré qu’une telle mesure irait à l’encontre de l’intérêt de l’enfant de cette personne.

Si la situation ne requiert pas l’application d’une telle mesure, mais requiert néanmoins une intervention, le tribunal peut plutôt prononcer le retrait d’un attribut de l’autorité parentale ou de son exercice. Il peut aussi être saisi directement d’une demande de retrait.

Voici un retour sur quelques jugements récents où la violence familiale a été un facteur pris en considération pour prononcer la déchéance de l'autorité parentale d'un parent.

Droit de la famille -- 24291

Le père, qui a commis des gestes de violence physique, sexuelle, psychologique, morale et économique à l'endroit de la mère et d'autres femmes, est déchu de son autorité parentale à l'égard de son fils de 3 ans.

Le juge Lalonde prend appui sur les gestes commis par le père, mais aussi sur le fait que la sécurité, la santé et l'intégrité psychologique de la mère — et, par conséquent, celles de l'enfant — ont été compromises et que la mère demeure fondée à craindre tout contact futur avec le père. Pour le juge, le bien-être émotionnel et psychologique de la mère ne pourra qu'accroître sa capacité à cultiver un environnement sain, positif et favorable à l'épanouissement de l'enfant.

Le juge aborde par ailleurs le concept de «contrôle coercitif», qui se définit essentiellement par une série de tactiques et de gestes de contrôle mis en place graduellement pour isoler sa victime, l'humilier, la tourmenter, voire la terroriser avec l'objectif de la priver de sa liberté ou de son autonomie. Il peut prendre la forme de violence sexuelle, économique ainsi que d'ordre psychologique ou moral. Selon le juge, le «contrôle coercitif» devrait constituer un facteur important dans l'appréciation des éléments de preuve qui sous-tendent la notion de «motifs graves» à l'occasion d'une demande de déchéance de l'autorité parentale, vu son incidence inévitable sur les enfants issus d'une union dysfonctionnelle.

Droit de la famille -- 241080

Le père, au terme d'une vie commune marquée par des incidents de violence conjugale qui lui ont valu une peine d'emprisonnement et qui ont laissé la mère avec un syndrome de stress post-traumatique et des séquelles psychologiques permanentes, est déchu de son autorité parentale à l'égard de son fils de 5 ans.

La juge Tremblay note, d'une part, que les symptômes psychologiques de la mère découlant de la violence vécue lors de la vie commune continueront à se manifester si elle doit demeurer en contact, directement ou indirectement, avec le père, et qu'elle sera ainsi empêchée de se reconstruire. D'autre part, il serait contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant de maintenir des liens avec le père à court, à moyen et à long termes en raison des risques reliés à sa sécurité et à son bien-être. En effet, alors que le père n'a pas démontré la réhabilitation complète qu'il invoque, un questionnement demeure présent quant au risque que l'enfant ne devienne une nouvelle victime de ses comportements.

Le père a porté le dossier en appel. Il s'agira d'une opportunité pour la Cour d'appel de formuler des normes utiles pour départager les intérêts des parties, et en particulier dans un cas comme celui-ci pour départager l’intérêt de l’enfant de celui de la mère.

Droit de la famille -- 241086

Le père, qui a été violent à l'endroit de la mère et des personnes qui ont partagé la vie de cette dernière après la séparation, est déchu de son autorité parentale à l'égard de son fils de 5 ans.

Le juge Demers conclut que la violence psychologique dont le père s'est rendu coupable constitue un motif grave. Il était aussi question dans cette affaire d'un comportement du père dénotant un abandon volontaire et significatif de son fils.

Pour le juge, la déchéance est d'autant plus indiquée en l'espèce, alors que le père n'a pas prouvé avoir effectué des gestes concrets en vue de régler son problème de violence et qu'il désapprouve toujours le mode de vie de la mère et des autres figures parentales qui jouent un rôle qu'il n'a pas voulu assumer jusqu'à maintenant. Les motivations réelles du père n'indiquent pas qu'il place son fils au centre de ses préoccupations.

Droit de la famille -- 241082

Le père, qui a fait preuve de violence physique, psychologique, sexuelle et économique envers la mère, est déchu de son autorité parentale à l'égard de sa fille de 3 ans.

La juge Rigaud note que le père a commis une série de manquements graves et injustifiés à ses devoirs envers sa fille, notamment en mettant sa vie en danger, en l'exposant à des incidents de violence ainsi qu'en agressant verbalement, physiquement et sexuellement la mère pendant leur relation et en ne protégeant pas cette dernière. Elle fait d'ailleurs ressortir le fait que le père n'a jamais exprimé le moindre remords relativement aux événements ayant conduit aux diverses accusations portées contre lui.

Sur la question de l'intérêt supérieur de l'enfant, la juge constate que celle-ci a déjà été exposée à des scènes de violence par le passé et qu'elle pourrait l'être de nouveau s'il était permis au père d'être en contact avec elle. Pour l'instant, le père n'a rien à lui offrir.

Droit de la famille -- 241696

Le père, qui a fait vivre la mère et son fils de 7 ans dans un climat de peur et de violence, sous son emprise et isolés du monde, est déchu de son autorité parentale.

La juge Montminy détermine que la gravité des gestes en cause commande que l'enfant soit protégé. Le père ne s'est acquitté d'aucun des devoirs qui incombent aux parents, ayant plutôt nui au développement de son fils en plus d'avoir porté atteinte à sa santé et à sa sécurité. Il serait d'ailleurs contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant que sa mère, qui souffre d'un syndrome de stress post-traumatique et de séquelles permanentes à la suite de la violence conjugale subie pendant la vie commune, ne puisse se reconstruire parce qu'elle est forcée de maintenir des contacts avec le père au sujet de l'enfant.