Les décisions des tribunaux administratifs du Québec représentent plus de 60 % du volume de traitement et de diffusion de SOQUIJ. Pourtant, malgré son influence dans le quotidien des Québécois et des Québécoises, la justice administrative reste peu connue. En 2023, SOQUIJ a rencontré les différents décideurs administratifs pour mieux connaître et faire connaître leur travail.
Depuis plus de 50 ans, la Commission des transports du Québec (CTQ) intervient pour améliorer la sécurité routière du transport de personnes et de marchandises, en plus d’agir comme régulateur économique dans son secteur d’activité.
SOQUIJ s’est entretenue avec 2 juges administratifs de l’organisme, Vicky Drouin*et Frédéric Pagé, afin d’éclaircir les différents rôles de ce tribunal administratif dans l’encadrement du transport au Québec.
*Vicky Drouin a été nommée vice-présidente de la CTQ en octobre 2024.
Un tribunal en fonction pour protéger les usagers
En tant que tribunal administratif spécialisé en transport, la CTQ reçoit la majorité de ses dossiers à traiter de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Les juges administratifs de la CTQ obtiennent ces dossiers lorsque la SAAQ considère qu’un propriétaire, un exploitant ou un conducteur de véhicule lourd présente un risque pour la sécurité routière ou l’intégrité du réseau routier. Après une période d’analyse et d’enquête, la CTQ rend une décision visant, si elle le juge nécessaire, à corriger les déficiences constatées.
Pour ce type d’intervention, les membres de la CTQ s’appuient sur la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds. Dans le cadre de l’ensemble de leurs activités, ils participent à l’application de 8 lois majeures et de leurs règlements connexes. Les compétences de la CTQ s’étendent au transport par véhicule lourd, au camionnage en vrac, au transport rémunéré de personnes par automobile (y compris les taxis), au transport par autobus, au transport maritime et au transport ferroviaire.
«Les décisions de la Commission contribuent, d’une certaine façon, à améliorer considérablement le comportement des propriétaires, des exploitants et des conducteurs de véhicules lourds.»
– Vicky Drouin, juge administrative
Peu importe le mode de transport, l’objectif de la CTQ demeure le même: accroître la sécurité des usagers et des usagères sur les chemins ouverts à la circulation publique. C’est dans cette optique que toutes les vérifications ou évaluations de comportement sont traitées, qu’elles proviennent de la SAAQ ou qu’elles soient faites à l'initiative de la CTQ elle-même, par exemple à la suite d’une plainte de la clientèle. Les propriétaires et les exploitants convoqués en audience doivent démontrer une gestion sécuritaire de leurs activités de transport, sans quoi ils peuvent se voir imposer une sanction, par exemple la modification de leur cote de sécurité et l’imposition de conditions. Quant aux conducteurs, ils doivent démontrer un comportement sécuritaire.
Pour un propriétaire, l’analyse touche notamment l’entretien et le maintien en bon état de son parc de véhicules lourds. Du côté d’un exploitant, la CTQ étudie notamment la façon dont l’entreprise supervise les conducteurs sous sa charge: possèdent-ils les compétences requises et connaissent-ils leurs obligations? Chaque décision rendue à cet effet vise une meilleure sécurité sur les routes de la province.
Définir les règles du jeu dans le domaine du transport
Comme organisme public plurifonctionnel, la CTQ joue aussi un rôle important de régulation économique dans le secteur du transport. Ses juges s’assurent de délivrer des permis respectant une équité concurrentielle dans l’industrie. De plus, les besoins de la population évoluent au fil des années: la Commission doit constamment adapter ses interventions afin de favoriser une offre de transport qui répond aux attentes des citoyens et des citoyennes.
En guise d’exemple, avant d’éliminer certains trajets ou d’en réduire la fréquence, un détenteur de permis de transport par autobus doit faire une demande à la CTQ, qui le convoquera en audience pour entendre ses justifications. Pour l’occasion, la clientèle et des représentants des municipalités desservies sont invités à témoigner de la répercussion des modifications proposées. La réglementation appliquée par les juges de la CTQ encadre ce qu’ils considèrent comme un privilège, mais surtout une obligation d’offrir des services de qualité à la population.
«C’est pour ça qu’on réglemente tant que ça le transport: c’est aussi pour s’assurer que la population ait des services et qu’elle ne se retrouve pas du jour au lendemain sans service de transport. On considère que, dans plusieurs régions, c’est un service essentiel.»
– Frédéric Pagé, juge administratif
En matière de transport rémunéré de personnes par automobile, l’organisme provincial est responsable de la fixation des tarifs de transport par taxi. Depuis 2013, la CTQ se sert de l’Indice des coûts du taxi (ICT), un outil élaboré avec des partenaires de l’industrie pour suivre l’évolution des coûts d’exploitation d’un taxi afin de fixer les tarifs. La tarification dynamique par un moyen technologique, dans le cas d’entreprises comme Uber, n’est pas encadrée par la CTQ. Dans toutes ses interventions, cette dernière travaille pour accroître la transparence des tarifs et la protection du public.
Quelques dates clés
1972 : Création de la Commission des transports du Québec . À ses débuts, l’organisme est responsable d’encadrer le transport de personnes par taxi et le transport de matières en vrac par camion.
1987 : Adoption de lois déréglementant l’industrie du camionnage au Canada. Avec la Loi nationale de 1987 sur les transports et la Loi de 1987 sur les transports routiers du gouvernement fédéral, la CTQ se voit retirer une vaste partie de ses responsabilités. Elle continue d’encadrer le transport par autobus et par taxi et le camionnage en vrac.
1998 : Adoption de la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds. La CTQ obtient de nouveaux pouvoirs afin d’améliorer la sécurité du transport par véhicule lourd. En partenariat avec la Société de l’assurance automobile du Québec, elle analyse les dossiers de transporteurs ayant des comportements à risque et impose les mesures correctives jugées nécessaires. Le Registre des propriétaires et des exploitants de véhicules lourds est également créé.
1999 : Remise du rapport du coroner Luc Malouin après la tragédie des Éboulements. Le coroner propose plusieurs recommandations au gouvernement du Québec, dont certaines touchent les examens de comportements effectués par la CTQ.
2010 : Obtention par la CTQ d’un rôle de médiateur. Dans le secteur du camionnage en vrac, la CTQ peut désormais agir comme médiateur ou arbitre afin de régler un conflit entre un poste de courtage et ses abonnés.
2013 : Création de l’Indice des coûts du taxi (ICT). Élaboré en collaboration avec l’industrie du taxi, l’ICT offre un mécanisme additionnel à la CTQ pour suivre l’évolution des frais d’exploitation d’un taxi et fixer les tarifs dans le domaine.
2020 : Entrée en vigueur de la Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile. Le gouvernement provincial abroge ainsi la Loi concernant les services de transport par taxi. La nouvelle loi vise notamment à assurer la sécurité des passagers et la transparence du prix des courses. En matière d’électrification des transports, la CTQ devient responsable de fixer les cibles d’automobiles à faibles émissions de chaque répondant d’un système de transport autorisé et de chaque répartiteur enregistré.
Cette série de portraits des tribunaux administratifs du Québec est réalisée en collaboration avec le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec et la Conférence des juges administratifs du Québec.
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
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