Les décisions des tribunaux administratifs du Québec représentent plus de 60 % du volume de traitement et de diffusion de SOQUIJ. Pourtant, malgré son influence dans le quotidien des Québécois et des Québécoises, la justice administrative reste peu connue. En 2023, SOQUIJ a rencontré les différents décideurs administratifs pour mieux connaître et faire connaître leur travail.

Il existe un tribunal susceptible d’avoir une influence importante sur la place financière du Québec et son économie en général.

Le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) est un tribunal indépendant spécialisé dans le secteur financier. Pour aborder sa mission et son fonctionnement, SOQUIJ a discuté avec Nicole Martineau, présidente et juge administrative, et Antonietta Melchiorre, vice-présidente et juge administrative de l’organisme.

Un organisme qui positionne le Québec à l’avant-garde

La création du TMF avait pour objectif de renforcer les garanties d’indépendance et d’impartialité dans ce secteur. Il a été instauré dans le cadre d’une importante réforme de l’encadrement du secteur financier au Québec. Celle-ci a également mené à la fusion de plusieurs organismes, dont la Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ) et le Bureau des services financiers, en vue de créer un seul organisme intégré de réglementation et d’encadrement du secteur financier, soit l’Autorité des marchés financiers (AMF). La réforme visait également à confier à un organisme distinct, soit le TMF, les fonctions juridictionnelles qui relevaient alors des membres de la CVMQ.

«Lorsque le TMF a été créé et que les fonctions juridictionnelles ont été séparées des fonctions de régulation, c’était la première fois au Canada qu’un tel tribunal voyait le jour, car les autres commissions de valeurs mobilières étaient multifonctionnelles, à savoir qu’elles exerçaient à la fois les fonctions décisionnelles et de régulation. Plusieurs années plus tard, d’autres organismes comme notre tribunal ont vu le jour.»
– Nicole Martineau, présidente et juge administrative

La majorité des affaires entendues par le TMF proviennent d’enquêtes menées par l’AMF. Cet organisme peut saisir le TMF d’une demande lorsqu’elle constate qu’une personne a commis un manquement à une loi qui relève de sa compétence.

Afin de trancher les litiges dont ils sont saisis, les juges administratifs du TMF statuent sur des affaires formées en vertu de 9 lois, dont la Loi sur l’encadrement du secteur financier, la Loi sur les valeurs mobilières, la Loi sur la distribution de produits et services financiers et la Loi sur les instruments dérivés.

En raison des diverses modifications législatives effectuées par le gouvernement du Québec au fil des années, le TMF continue de se démarquer au pays. Il se distingue notamment par le vaste nombre de domaines dans lesquels il exerce ses pouvoirs, dont :

  • La distribution de produits et services financiers;
  • Les instruments dérivés;
  • Les valeurs mobilières;
  • Les assurances;
  • Le courtage hypothécaire.

Protection des investisseurs et des consommateurs, maintien de l’intégrité du secteur financier et confiance du public

Le TMF exerce la discrétion qui lui est conférée en fonction de l’intérêt public. Par leurs décisions, les juges administratifs du TMF veillent à ce que les personnes qui offrent des produits et services financiers soient compétentes et honnêtes, qu’elles aient la probité requise et que les produits offerts au public présentent une information fiable, véridique et complète, en vue d’assurer la protection du public, l’intégrité du secteur financier et la confiance du public envers celui-ci.

«Les décisions du Tribunal ont un impact au-delà des parties, car les principes établis dans une affaire particulière peuvent déterminer la conduite qui sera suivie par les autres participants du secteur financier, par exemple des sociétés publiques, des courtiers en valeurs mobilières ou des cabinets en assurance.»
– Antonietta Melchiorre, vice-présidente et juge administrative

Dans le cadre des causes qui lui sont présentées, le TMF peut intervenir auprès de représentants, de courtiers, de conseillers, d’administrateurs, de dirigeants, de sociétés, de cabinets ou de toute personne contrevenant aux lois qui relèvent de sa compétence et qui offrent des produits ou exercent leurs activités parmi divers domaines, dont : les valeurs mobilières, les assurances, les instruments dérivés et le courtage hypothécaire. Certaines de ses décisions qui imposent des mesures provisoires et conservatoires sont de nature urgente. Par exemple, lorsqu’une personne fait l’objet d’une enquête de l’AMF, les juges administratifs du TMF ont le pouvoir de faire cesser ses activités en apparence illégales et de bloquer ses éléments d'actif afin de préserver les sommes qui auraient été recueillies auprès des investisseurs.

Les juges administratifs du TMF établissent d’abord si un manquement à la loi a été commis. Le cas échéant, ils déterminent les mesures administratives à imposer. Ils peuvent radier, suspendre ou imposer des conditions à l’inscription d’un cabinet, d’un courtier, d’un conseiller ou d’un représentant, interdire des activités effectuées sans inscription et sans prospectus ou dispense de prospectus, interdire des opérations sur des titres, annuler des transactions conclues suivant des manquements à la loi, ordonner le remboursement des sommes obtenues à la suite d’un manquement à une loi, interdire à des personnes d’agir à titre d’administrateur ou de dirigeant, et imposer des pénalités administratives pouvant aller jusqu’à 2 millions de dollars par manquement. Toutes les décisions rendues se veulent préventives, prospectives et dissuasives. Elles visent à empêcher des conduites futures qui risquent de porter atteinte à l’intérêt public. Elles ont pour objet de protéger les investisseurs et les consommateurs, de maintenir l’intégrité du secteur financier et la confiance du public envers celui-ci.

Le TMF exerce ses fonctions au sein de l’écosystème financier québécois, un secteur qui est en constante évolution et en perpétuels changements, surtout au niveau de l’utilisation des technologies pour les services financiers et les produits offerts aux consommateurs et investisseurs. Dans ce contexte, le TMF se doit de maintenir un niveau élevé de connaissances et d’expertise afin de demeurer agile, de préserver sa capacité de répondre à l’innovation et d’être efficace dans le cadre de sa mission. Il doit voir à préserver l’équilibre entre la protection des investisseurs et des consommateurs et l’innovation dans le secteur financier.

Quelques dates clés

2003 : Entrée en vigueur de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers. L’adoption de cette loi, aujourd’hui la Loi sur l’encadrement du secteur financier, faisait partie d’une importante réforme de l’encadrement du secteur financier au Québec. Le TMF a été institué en vertu de cette loi.

2004 : Création de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et du Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières. Dans le cadre de la réforme du secteur financier, la Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ) et le Bureau des services financiers sont fusionnés en un organisme intégré de réglementation et d’encadrement, l’AMF. Au même moment, le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières se voit confier les fonctions juridictionnelles qui relevaient jusque-là de la CVMQ.

2016 : Adoption du nom «Tribunal administratif des marchés financiers» (TMF). Cette nouvelle appellation assure une meilleure représentation des fonctions juridictionnelles et de la mission du Tribunal qui, depuis sa création, a connu un élargissement de ses pouvoirs.

2017 : Lancement du eTribunal du TMF. Pour assurer un meilleur accès à la justice, le TMF offre un traitement 100 % numérique des dossiers, du dépôt des procédures et des pièces à la transmission des décisions.

2010-2021 : Évolution du rôle du TMF. Le TMF voit ses pouvoirs s’accroître graduellement afin d’inclure les domaines suivants :

  • 2010 : distribution de produits et services financiers
  • 2018 : coopératives de services financiers
  • 2019 : sociétés de fiducie et d’épargne, les institutions de dépôt et les assureurs
  • 2020 : courtage hypothécaire
  • 2021 : agents d’évaluation du crédit

Cette série de portraits des tribunaux administratifs du Québec est réalisée en collaboration avec le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec et la Conférence des juges administratifs du Québec.