Les décisions des tribunaux administratifs du Québec représentent plus de 60 % du volume de traitement et de diffusion de SOQUIJ. Pourtant, malgré son influence dans le quotidien des Québécois et des Québécoises, la justice administrative reste peu connue. En 2023, SOQUIJ a rencontré les différents décideurs administratifs pour mieux connaître et faire connaître leur travail.
La fabrication et la vente d’alcool, les jeux de hasard, les combats de boxe, les courses de chevaux ou encore les salles de paris peuvent représenter certains risques. Pour en diminuer les aspects négatifs, le gouvernement du Québec a créé un organisme centré sur leur encadrement législatif et réglementaire.
Afin de mieux comprendre les processus et la portée de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), SOQUIJ a discuté avec son président, Denis Dolbec, et sa vice-présidente à la fonction juridictionnelle, Louise Vien.
À la fois régulateur et tribunal pour encadrer les activités à risques
L’encadrement de la RACJ prend différentes formes:
- Renseigner la clientèle sur ses droits et ses obligations;
- Délivrer des permis, des licences et des autorisations;
- Surveiller les activités dans ses quatre secteurs d’activités;
- Donner des sanctions ou des avis aux titulaires qui ne se conforment pas.
Qu’il soit question de boissons alcooliques, de jeux, de sports de combat professionnels ou de courses de chevaux, le rôle de cette instance gouvernementale indépendante demeure le même: protéger le public.
À l’approche d’un combat de boxe professionnelle, par exemple, les fonctionnaires de la RACJ traitent les demandes de permis de toute personne souhaitant participer à l’événement: concurrents, gérants, entraîneurs, organisateurs, etc. Une analyse objective est effectuée avant la délivrance des permis pour assurer la sécurité des boxeurs et du public. Sans permis d’une autorité provinciale compétente, participer à un combat concerté représente une infraction au Code criminel.
«Dans la sphère publique, la Régie a parfois la réputation d’empêcher la tenue de certaines activités. Sa mission consiste plutôt à les encadrer, c’est-à-dire à permettre leur déroulement dans le respect de l’intérêt public, de la sécurité et de la tranquillité publiques.»
– Denis Dolbec, président et régisseur
L’autre moyen d’action de la RACJ est son tribunal. Le rôle de l’organisme s’étend au contrôle de l’exploitation des permis et des licences. Tant à la suite d’une plainte que de façon spontanée, la visite d’un inspecteur de la RACJ ou d’un corps policier peut mener un ou une titulaire de permis devant ce tribunal administratif. Le plus souvent, ces dossiers touchent les permis de bar et de restaurant pour des raisons telles que le bruit, les attroupements, la présence de mineurs ou le non-respect des heures d’exploitation ou de la capacité de l’établissement. Les régisseurs traitent aussi les demandes de révision en cas de refus administratif d’une demande de permis ou de licence.
Une organisation à deux têtes bien distinctes
L’indépendance entre les deux branches de la RACJ est primordiale. En gardant ses fonctions administratives et juridictionnelles strictement séparées, on assure l’impartialité des régisseurs qui donnent des avis et imposent des sanctions aux titulaires de permis. Les dossiers ne sont jamais discutés entre les fonctionnaires et le tribunal: les premiers conservent leur capacité d’analyse objective en vue d’accorder ou non un permis, alors que le second rend des décisions sans ingérence extérieure, selon les faits qui lui sont présentés.
«Il y a vraiment une muraille de Chine entre le tribunal et les opérations à la Régie. Il n’y a pas de connivence, de complicité. Il n’y a pas de pourparlers sur certains dossiers, ni quoique ce soit.»
– Louise Vien, vice-présidente à la fonction juridictionnelle et régisseuse
Après un processus judiciaire qui a abouti en 1996, la Cour suprême du Canada avait d’ailleurs tranché à ce sujet dans la cause dite de «La Petite Maison». Le plus haut tribunal du pays avait alors confirmé l’importance d’un cloisonnement étanche entre les fonctions de la RACJ et l’exigence de mettre en place des garanties d’indépendance et d’impartialité en matière de contrôle de l’exploitation. Dans les années suivantes, la RACJ a modifié sa structure et son mode de fonctionnement interne, instaurant une séparation formelle entre les activités administratives de l’organisme, c’est-à-dire l’inspection, l’enquête, l’analyse et la convocation, et sa fonction décisionnelle à titre de tribunal.
Quelques dates clés
1993 : Création de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ). Fusion de la Régie des permis d’alcool, de la Régie des loteries et de la Commission des courses, la RACJ est créée à la suite de l’adoption de la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux.
1996 : Décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire de «La Petite Maison». Le jugement rendu dans cette cause traite des fonctions quasi judiciaires de la RACJ et de l’importance d’un cloisonnement étanche entre ses fonctions administratives et juridictionnelles.
1998 : Entrée en vigueur de la Loi sur la justice administrative et de la Loi sur l’application de la Loi sur la justice administrative. Plusieurs dispositions de ces lois ont mené à la modification de différents processus au sein de la RACJ.
2002 : Entrée en vigueur d’une directive interne sur le cloisonnement. Concrétisant la séparation des fonctions juridictionnelles et administratives de la RACJ, cette directive assure le respect de la Charte des droits et libertés de la personne et des exigences issues des décisions judiciaires rendues précédemment.
Cette série de portraits des tribunaux administratifs du Québec est réalisée en collaboration avec le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec et la Conférence des juges administratifs du Québec.
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
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