Aux fins de l’application de la Loi sur la protection de la jeunesse, la sécurité ou le développement d’un enfant est notamment considéré comme compromis lorsque celui-ci se retrouve dans une situation d’abus sexuel. On fait ainsi référence à une situation où l’enfant subit des gestes à caractère sexuel, avec ou sans contacts physiques, y compris toute forme d’exploitation sexuelle, de la part de ses parents ou d’une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation.
La juge Marie-Pierre Jutras a récemment été appelée à déterminer si ce motif de compromission pouvait être retenu dans le dossier d’une adolescente qui avait été agressée sexuellement alors qu’elle était hébergée en centre de réadaptation.
Le contexte
X est une adolescente de 15 ans qui a été confiée jusqu’à sa majorité à une famille d’accueil désignée. Alors qu’elle est hébergée en centre de réadaptation, un agent d’intervention de l’établissement l’agresse sexuellement. Le lendemain, informée de l’abus sexuel, la mère de l’adolescente avise la famille d’accueil, qui, elle, fait un signalement à la directrice de la protection de la jeunesse (DPJ) des centres jeunesse A.
À la suite du signalement, l’agent d’intervention est suspendu de ses fonctions et une entente multisectorielle est déclenchée. Enfin, la DPJ du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux A (CIUSSS A), qui est appelée à évaluer le signalement en toute impartialité, ne retient pas l’abus sexuel comme motif de compromission.
Dans le cadre d’une demande de révision, alors que la DPJ des centres jeunesse A soutient que les motifs de compromission sont les mêmes que par le passé, les parents demandent l’ajout d’un motif de compromission, soit l’abus sexuel. Pour sa part, l’adolescente présente une demande en lésion de droits.
La compromission
Pour la juge Jutras, la question qui se pose est la suivante: est-ce que des parents peuvent prendre les moyens nécessaires pour protéger leur fille qui est hébergée en centre de réadaptation et qui a été abusée par un agent d’intervention?
D’entrée de jeu, la juge note que la mère a tout fait pour protéger sa fille, d’abord en la croyant, puis en avisant la famille d’accueil sans délai, ce qui a mené au signalement. Cela dit, la mère n’a aucun pouvoir pour mettre fin à la situation de compromission, sa capacité d’action étant trop restreinte. En effet, elle ne peut pas changer sa fille de centre de réadaptation et elle n’a aucun pouvoir décisionnel sur les intervenants qui gravitent autour de l’adolescente.
Bien qu’aucun reproche ne puisse être fait à la mère, alors qu’elle a demandé conseil à la tutrice de sa fille pour mieux gérer la situation et répondre à ses besoins, qu’elle a collaboré avec la DPJ des centres jeunesse A et qu’elle est demeurée présente auprès de X, cela n’est pas suffisant pour corriger la situation de compromission. Dans les faits, seule la DPJ des centres jeunesse A pouvait s’assurer que l’adolescente ne soit plus en contact avec l’agent d’intervention et qu’elle soit soutenue.
De ce fait, la juge conclut que la sécurité ou le développement de la jeune sont compromis en raison de l’abus sexuel subi.
La lésion de droits
D’une part, malgré son opinion divergente quant à la situation de compromission, la DPJ du CIUSSSS A n’a pas lésé les droits de l'adolescente lorsqu'elle a décidé, après avoir évalué la situation, que sa sécurité ou son développement n'étaient pas compromis.
D’autre part, la DPJ des centres jeunesse A a lésé les droits de l’adolescente en omettant d’assurer la sécurité de l'adolescente au centre de réadaptation conformément à l'article 39 de la Charte des droits et libertés de la personne et à l'article 32 du Code civil du Québec.
Enfin, alors que l’adolescente avait le droit de recevoir des services adéquats avec continuité, de façon personnalisée et avec l’intensité requise, le délai de 12 jours entre le moment des agressions et la tenue de l’entrevue vidéo de l’adolescente était raisonnable et elle a reçu des services sociaux pendant cette période.
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