La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit qu'une personne peut demander la révision d'une décision de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) dans un délai de 30 jours à compter de sa notification. En cas de non-respect de ce délai, celui-ci pourrait être prolongé ou la personne pourrait être relevée des conséquences de son omission si elle démontre un motif raisonnable permettant d'expliquer son retard. Il faudra notamment qu'elle ait agi de façon diligente.

Comment apprécier cette «diligence à agir» dans le cas où la victime d'une lésion professionnelle, bien qu'elle soit insatisfaite d'une décision de la CNESST, tarde à réagir parce que sa vie est bouleversée en raison de problèmes d'ordre personnel? Comment conjuguer «diligence» et «situation de précarité»?

Dans une récente décision, le Tribunal administratif du travail (TAT), appelé à déterminer si la demande de révision d'un travailleur était recevable malgré le retard de ce dernier à contester les décisions de la CNESST, s'est penché sur une telle question.

Contestation tardive

En 2015, le travailleur avait été victime d'une lésion professionnelle alors qu'il occupait le poste d'emballeur. Quelques années après la survenance de cette lésion, soit en décembre 2019 et en décembre 2020, la CNESST a rendu 2 décisions. La première portait sur le pourcentage d'atteinte permanente que conservait le travailleur en raison de sa lésion professionnelle; la seconde, sur la capacité de ce dernier à occuper un emploi convenable de préparateur d'aliments. Le travailleur n'a demandé la révision de ces décisions qu'en mars 2021. La CNESST a conclu qu'il n'avait pas respecté le délai de 30 jours prévu par la loi et elle a refusé de procéder à la révision des décisions qu'elle avait rendues.

Travailleur en situation de précarité

Devant le TAT, le travailleur invoquait 2 motifs pour expliquer son retard: l'impossibilité de comprendre une décision écrite et la précarité de sa situation globale. Le TAT a retenu que ses motifs expliquaient pourquoi la demande de révision du travailleur n'avait finalement été déposée qu'en mars 2021, après l'intervention d'un procureur du bureau d'aide juridique. 

La preuve faite devant le TAT révèle que le travailleur avait vécu une situation hautement précaire à partir de 2017: nombreux changements d'adresse, condition récurrente d'itinérance et démêlés avec la justice. Le TAT constate la «situation globale de désorganisation» (paragr. 20) du travailleur. Il constate également que ce dernier confond différents concepts, par exemple le droit à une indemnité de remplacement du revenu ou le versement d'un montant pour son atteinte permanente. En outre, sa maîtrise de la lecture est insuffisante pour lui permettre de comprendre la portée d'une décision ou encore le mécanisme de contestation prévu par la loi.

Il ressort par ailleurs de la preuve que la CNESST connaissait la précarité de la situation du travailleur. La décision rendue par le TAT ne permet cependant pas de savoir si cette situation avait été prise en considération ou non par la CNESST lorsqu'elle s'est prononcée sur la recevabilité de la demande de révision. 

Comportement diligent d'une personne vulnérable

Le TAT souligne que le travailleur n'a pas eu le «comportement diligent auquel on s'attend en moyenne» (paragr. 22). Celui-ci n'était pas facilement joignable, il avait de la difficulté à assurer les suivis nécessaires auprès de la CNESST et son attitude pouvait parfois être déplacée. Mais le TAT tient compte de sa situation particulière, à savoir celle d'une personne vulnérable et démunie, incapable de subvenir à ses besoins de base. Dès qu'il a compris qu'il pouvait contester les décisions de la CNESST, le travailleur a tenté de trouver un procureur. Le TAT considère que le travailleur, compte tenu de sa condition, «a agi de la façon la plus diligente possible» (paragr. 23). Son comportement ne constitue pas de la négligence.

Le TAT conclut que la demande de révision du travailleur est recevable. Les parties seront convoquées à une audience qui portera sur le fond du litige. Ainsi, le travailleur, une personne en difficulté qui n'était pas parvenue à faire valoir son désaccord avec les décisions de la CNESST qui le touchaient, aura l'occasion d'être entendu.

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