Les décisions des tribunaux administratifs du Québec représentent plus de 60 % du volume de traitement et de diffusion de SOQUIJ. Pourtant, malgré son influence dans le quotidien des Québécois et des Québécoises, la justice administrative reste peu connue. En 2023, SOQUIJ a rencontré les différents décideurs administratifs pour mieux connaître et faire connaître leur travail.

Éclairer et chauffer sa maison ou encore mettre du carburant dans son véhicule automobile: derrière ces activités du quotidien se trouve un tribunal administratif. Il contribue à ce que nous puissions continuer d'effectuer ces gestes au meilleur prix et dans les meilleures conditions.

Pour mieux comprendre l’influence de la Régie de l’énergie au Québec, SOQUIJ a échangé avec Jocelin Dumas, président du tribunal et juge administratif*, et Louise Rozon, vice-présidente et juge administrative.

*NDLR: La présidence de M. Dumas a pris fin le 3 janvier 2024 dernier. Mme Rozon assume l’intérim depuis.

Une surveillance dans l’intérêt des consommateurs d’énergie

Alors que la plupart des tribunaux administratifs tranchent des litiges entre deux parties, la Régie de l’énergie a pour principale activité la régulation économique du marché de l’énergie au Québec. Les entreprises réglementées les plus notables sont Hydro-Québec, dans ses activités de distribution et de transport d’électricité, ainsi que les distributeurs de gaz naturel, Énergir et Gazifère. À elles trois, ces entreprises fournissent l'énergie à la plupart des Québécois et des Québécoises. Dès lors, toute la population est touchée par les décisions que peut prendre la Régie en matière de tarification, de conditions de service, de plans d’approvisionnement, de fiabilité du réseau de transport d’électricité ou de projets d’investissement.

«Les entreprises réglementées par la Régie de l’énergie se voient accorder un monopole, un territoire exclusif. Nous devons donc reproduire les conditions d’un marché concurrentiel afin de nous assurer que ces entreprises offrent le meilleur tarif et les meilleures conditions de service.»
– Louise Rozon, présidente par intérim et juge administrative

Si un client estime qu’un distributeur d’énergie n’a pas appliqué correctement les conditions de service ou les tarifs, la Régie de l’énergie peut examiner sa plainte. La procédure est entièrement électronique: il suffit de remplir un formulaire disponible sur le site Internet de la Régie et son traitement se fait lors d'une audience ou sur dossier. Un service de médiation gratuit est également offert. Il connaît d’ailleurs un franc succès et contribue à réduire considérablement le nombre de décisions relatives à des plaintes et les délais de traitement qui y sont rattachés.

L’information du public est un autre rôle moins connu de la Régie, mais qui bénéficie tout autant aux consommateurs d’énergie. Celle-ci assure notamment une surveillance des prix des produits pétroliers et diffuse de l’information à ce sujet. Un relevé quotidien, classé par régions, MRC et villes, permet de voir le prix moyen de l’essence dans un territoire donné: il s'agit d'un bon moyen de magasiner son détaillant et de faire des économies à la pompe!

Anticiper l’avenir énergétique du Québec

La Régie de l’énergie garde un œil sur la sécurité énergétique des Québécois et des Québécoises. C’est elle qui approuve les plans d’approvisionnement sur 10 ans pour le distributeur d’électricité et sur 3 ans pour les distributeurs de gaz naturel. Elle s’assure ainsi que les entreprises emploient les moyens nécessaires pour s’approvisionner et répondre aux besoins énergétiques de la population.

Le développement durable du Québec est inscrit à l’article 5 de la Loi sur la Régie de l’énergie, ce qui a pour effet d’inclure la dimension environnementale dans les décisions du tribunal, et ce, depuis sa création, en 1997. La Régie est également amenée à tenir compte des politiques énergétiques, dans le contexte de la transition énergétique amorcée par le gouvernement du Québec. L’ampleur de son rôle précis sur cette question reste encore à définir.

«L’un des éléments marquants est la considération des préoccupations de nature environnementale dans le cadre de nos activités. Notre loi constitutive prévoit que dans nos fonctions, nous devons concilier différents intérêts et agir dans une perspective de développement durable.»
– Jocelin Dumas, président et juge administratif (2019-2024)

Quelques dates clés

1934: Ouverture des audiences de la Commission d’enquête sur les «trusts de l’électricité» (commission Lapointe). Le mécontentement des citoyens à l’égard des tarifs jugés trop élevés des compagnies privées est exacerbé par le contexte économique difficile qui suit le krach boursier de 1929. Un mouvement d’opposition se forme et une commission d’enquête est mise en place. C'est à ce moment que naît l’idée d’une régulation économique des acteurs du marché de l’énergie. Elle se concrétisera au moyen de plusieurs initiatives jusqu’à la création de la Régie de l’énergie.

1997: Création de la Régie de l’énergie. Elle remplace 2 organismes: la Régie du gaz naturel et le bureau du Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d’électricité. Elle se voit également confier des responsabilités qui étaient jusqu'alors assumées par le ministère des Ressources naturelles, notamment la surveillance des prix des produits pétroliers.

2016: Modifications à la Loi sur la Régie de l’énergie. La Régie joue un plus grand rôle dans le suivi de l’efficacité énergétique au Québec. Il lui revient d’approuver les programmes en la matière et les nouvelles technologies dans le secteur. Elle adopte et surveille aussi les normes de fiabilité des réseaux de transport d’électricité. C’est elle enfin qui établit le taux et la méthode de calcul de la redevance annuelle payable par un distributeur d’énergie en fonction des émissions de dioxyde de carbone ainsi que les modalités de contribution au Fonds vert.

2020: Accélération du virage numérique de la Régie dans le contexte pandémique. Tribunal sans papier ou presque depuis sa création, la Régie numérise complètement ses activités, en adoptant en particulier le mode virtuel pour ses audiences; elle continue néanmoins de tenir des audiences en personne ou en mode hybride.

Cette série de portraits des tribunaux administratifs du Québec est réalisée en collaboration avec le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec et la Conférence des juges administratifs du Québec.