Les décisions des tribunaux administratifs du Québec représentent plus de 60 % du volume de traitement et de diffusion de SOQUIJ. Pourtant, malgré son influence dans le quotidien des Québécois et des Québécoises, la justice administrative reste peu connue. En 2023, SOQUIJ a rencontré les différents décideurs administratifs pour mieux connaître et faire connaître leur travail.
Les municipalités sont le palier de gouvernement le plus proche des citoyens et des citoyennes. La Commission municipale du Québec (CMQ) se pose en tant que gardienne des liens de confiance primordiaux entre les institutions municipales et la population.
Son président, Jean-Philippe Marois, et l’une de ses juges administratives, Sylvie Piérard, ont accepté de parler à SOQUIJ du rôle de leur tribunal.
Un tribunal administratif et plus encore
La CMQ est un organisme indépendant qui agit afin d’améliorer la gouvernance et la gestion des organisations municipales. Pour remplir sa mission, elle s’appuie sur une vaste étendue de compétences issues de plus d’une quinzaine de lois.
La CMQ est non seulement un tribunal administratif, mais aussi: un enquêteur, un vérificateur, un administrateur, un conseiller, un arbitre et un médiateur. Les 10 membres de la Commission – dont 9 sont juges administratifs, y compris le président – sont dès lors entourés d’une diversité d’experts pour accomplir les différents mandats de l’organisation.
«Nous agissons un peu, entre autres choses, comme un tribunal de discipline pour tous les élus du Québec.»
– Sylvie Piérard, juge administrative
Parmi les activités de la Commission, on peut citer:
- les audiences sur des citations en déontologie visant des élus municipaux;
- le traitement des divulgations d’actes répréhensibles commis dans le milieu municipal;
- les audits de conformité et de performance auprès des municipalités et des organismes municipaux;
- les autorisations d’exemption de taxes municipales pour des organismes sans but lucratif (OSBL), sous certaines conditions;
- l’accréditation des formateurs en éthique et en déontologie municipales;
- l’accompagnement d’une municipalité;
- l’administration provisoire d’une municipalité;
- la fixation des tarifs d’un service d’une municipalité à une autre.
Il est arrivé que ce cumul de fonctions soit remis en cause , mais la CMQ a toujours démontré qu’elle garantissait l’indépendance et l’impartialité de ses décisions en dépit de son caractère multifonctionnel.
Des enjeux collectifs importants devant une justice qui s’efforce de rester accessible
Le travail des membres et des juges administratifs de la Commission influence nécessairement le parcours des individus, en particulier celui des élus municipaux. Il a également des répercussions sur les collectivités municipales, les résidents et les organisations d’un territoire donné. Les décisions de la CMQ sont principalement des cas d’espèce techniques, mais chacune d’elles vient évidemment bouleverser le quotidien des parties en cause.
Parfois, une tendance émerge de plusieurs décisions et ce courant jurisprudentiel dépasse les frontières municipales pour s’étendre dans la province. Cela est arrivé en 2014 en matière de fiscalité municipale. Jusqu’à cette date, l’exemption de taxes municipales accordée à un OSBL débutait au moment où celui-ci commençait ses activités dans l’immeuble. Depuis, l’exemption est devancée à la date de l’acquisition de l’immeuble ou du terrain avant construction, si la preuve de travaux est présentée. Ce changement, sous ses aspects techniques, a certainement une incidence importante sur la vie communautaire dans plusieurs quartiers au Québec, par exemple.
«Nos décisions sont exécutoires. Elles peuvent influer sur les droits d’une personne, mais aussi ceux d’une ou de plusieurs collectivités.»
– Jean-Philippe Marois, président et juge administratif
Malgré la complexité technique de la plupart de ses dossiers, la CMQ s’efforce d’offrir une justice aux procédures allégées. L’essentiel de ses services sont disponibles en ligne et la majorité des demandes, comme une divulgation d’acte répréhensible par exemple, peuvent être effectuées directement sur son site Web. La pandémie de la COVID-19 a accéléré la transformation numérique de la Commission, la faisant progresser vers un objectif de longue date: offrir aux justiciables une interaction toujours plus simple et conviviale.
Une plus grande transparence est également une cible du tribunal et, là encore, le numérique y contribue. En 2022-2023, 94 % des audiences de la CMQ ont été offertes en webdiffusion, ce qui favorise l’accès à la justice ainsi que la compréhension et l’appropriation de la justice par les Québécois et les Québécoises.
Quelques dates clés
1932: Création de la Commission municipale du Québec (CMQ). Ses pouvoirs sont, à cette époque, exclusivement administratifs. La CMQ contrôle et surveille les finances des municipalités, notamment alors que celles-ci vivent des difficultés à la suite du krach boursier de 1929.
1987: Ajout d’une dimension juridictionnelle au rôle de la Commission. La CMQ devient un tribunal administratif chargé d’arbitrer les conflits municipaux. Un nombre croissant de compétences juridictionnelles s’ajouteront au fil du temps.
2018: Augmentation importante des pouvoirs et des moyens financiers de la Commission. Le processus en éthique et en déontologie est profondément réformé et, depuis, la CMQ a de véritables pouvoirs d’enquête en la matière, y compris de sa propre initiative. En l’espace de quelques années, de 2018 à 2023, elle va tripler le nombre de ses employés et son budget annuel.
2021: Rehaussement des standards éthiques et déontologiques applicables aux élus municipaux. La Commission hérite de responsabilités accrues pour favoriser une meilleure formation des élus. Elle devient aussi un véritable pôle d’enquête en matière municipale, pouvant désormais intenter des recours en inhabilité à l’endroit des élus municipaux.
Cette série de portraits des tribunaux administratifs du Québec est réalisée en collaboration avec le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec et la Conférence des juges administratifs du Québec.
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
Consultez un avocat ou un notaire pour obtenir des réponses appropriées à votre situation : visitez la Boussole juridique pour trouver des ressources gratuites ou à faible coût.