Les décisions des tribunaux administratifs du Québec représentent plus de 60 % du volume de traitement et de diffusion de SOQUIJ. Pourtant, malgré son influence dans le quotidien des Québécois et des Québécoises, la justice administrative reste peu connue. En 2023, SOQUIJ a rencontré les différents décideurs administratifs pour mieux connaître et faire connaître leur travail. 

«Le travail est l'un des aspects les plus fondamentaux de la vie d'une personne, un moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. L'emploi est une composante essentielle du sens de l'identité d'une personne, de sa valorisation et de son bien-être sur le plan émotionnel.» Ces mots du très honorable juge Dickson, extraits d'une décision de la Cour suprême du Canada, peuvent aisément justifier à eux seuls l’existence d’un tribunal spécialisé en droit du travail. 

La présidente du Tribunal administratif du travail (TAT), Lucie Nadeau, et le juge administratif Jean-François Séguin ont répondu aux questions de SOQUIJ pour en dévoiler davantage sur leur organisation. 

Une organisation aux rôles multiples adaptée aux exigences du monde du travail 

Le TAT a compétence en vertu de 40 lois, dont une série de lois particulières ouvrant droit à un recours devant le tribunal (p. ex., la Charte de la langue française, la Loi sur les cités et villes, etc.).  

Quatre divisions le composent: 

  • Santé et sécurité du travail: Cette division entend les recours des employeurs et des travailleurs qui contestent une décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail; elle traite le plus fort volume de dossiers; 
  • Relations du travail: Cette division statue sur les recours concernant la protection de l’emploi, les droits d’association et de négociation ainsi que l’équité salariale, mais également sur les questions touchant le harcèlement, qui occupent une plus grande place depuis quelques années; 
  • Services essentiels: Cette division a pour mission d’assurer le maintien des services essentiels pour préserver la santé et la sécurité de la population lors de grèves légales ou de moyens de pression illégaux; 
  • Construction et qualification professionnelle: Cette division est chargée d’entendre les recours prévus dans des lois particulières concernant l’industrie de la construction. 

Non seulement le TAT a des rôles multiples, mais il doit en outre les remplir dans un monde en changement. Pour faire face à de nombreux défis et répondre adéquatement aux besoins croissants, il met à contribution plus de 550 personnes, dont 150 juges administratifs, qui sont presque exclusivement des juristes. 

«Notre vision est d’offrir une justice d’avenir pour le monde du travail d’aujourd’hui, ce qui, à mon avis, reflète bien le défi de notre tribunal: il nous faut être capables de rendre justice en nous adaptant constamment aux réalités changeantes du monde du travail.» 
– Lucie Nadeau, présidente et juge administrative 

Au-delà de la variété des débats qu’il est appelé à trancher, le TAT se distingue par sa grande agilité ainsi que par ses processus opérationnels performants et adaptés aux exigences du monde du travail. Cela s’observe particulièrement dans la division Services essentiels, où il faut parfois intervenir rapidement afin d’assurer la continuité d’un service. Lorsqu’une demande d’ordonnance est déposée la veille pour une intervention le lendemain, par exemple, le tribunal est tout à fait capable de mobiliser le personnel requis pour permettre à un juge administratif de siéger en pleine nuit. 

Aider les parties à mettre un point final à leur conflit 

Depuis quelques années, l’organisation du travail se transforme. Au milieu de ces bouleversements, le Tribunal s’assure d’offrir une constante: être le vecteur d’une résolution durable des conflits. La justice qui y est proposée se veut souple et accessible, sans compromis quant à la rigueur. 

«Quand les choses se présentent bien, je vais souvent poser la question aux parties: «Pourquoi ne feriez-vous pas d’aujourd'hui la dernière journée de votre litige?" S’approprier la justice est le meilleur service que les justiciables peuvent se rendre.» 
– Jean-François Séguin, juge administratif 

Placer la solution à un conflit dans les mains d’un décideur – l’adjudication – n’est pas la seule voie offerte par le TAT pour y «mettre un point final». Le Tribunal dispose en effet d’une équipe de conciliateurs et conciliatrices. Grâce à ces professionnels indépendants et impartiaux, les parties peuvent s’approprier la solution à leur conflit par la conciliation. Ce type de résolution des différends est d’ailleurs particulièrement encouragé, compte tenu de l’augmentation des recours devant le Tribunal au fil des réformes législatives. 

La justice du TAT est présente sur tout le territoire québécois grâce à ses 24 bureaux et points de service ainsi qu’à l’appui de la technologie. Bien que le Tribunal favorise la tenue d'audiences en personne, depuis l’accélération de sa transformation numérique durant la pandémie de la COVID-19, la conciliation et certains types de dossiers peuvent procéder en mode virtuel. Plusieurs ressources, notamment des vidéos, sont également mises à la disposition des justiciables pour les accompagner dans leurs démarches. 

Le TAT n’hésite donc pas à innover afin de préserver l’accessibilité de sa justice, et ce, jusque dans ses processus. La pratique des «dossiers joints» en est un bon exemple. Ce processus de jonction des recours intervient lorsqu’une demande relève de la compétence de 2 lois et de 2 divisions du tribunal, principalement pour les dossiers en matière de harcèlement psychologique et de lésions professionnelles psychologiques. Une équipe de juges administratifs attitrée aux dossiers joints entend ces recours, appuyée par un processus de mentorat pour veiller à ce que la spécialité de chacune des divisions soit respectée. En évitant de tenir 2 procès et de rendre 2 décisions, le TAT gagne en efficacité en plus de prévenir le risque de décisions contradictoires, le tout au bénéfice des justiciables. 

Quelques dates clés 

2016: Création du Tribunal administratif du travail (TAT). Le TAT est le fruit de la fusion de 2 organisations: la Commission des lésions professionnelles et la Commission des relations du travail. Les équipes du TAT bénéficient ainsi d’un savoir acquis de longue date en droit appliqué, mais aussi en ce qui a trait aux façons de faire et au traitement des justiciables. 

2020: Accélération de la transformation numérique du Tribunal en contexte pandémique. La numérisation des dossiers était déjà en cours, plus particulièrement dans la division Santé et de la sécurité du travail. La pandémie et le confinement ont été le prétexte pour l’étendre aux autres divisions. À cela se sont ajoutées les audiences virtuelles, avec l’installation d’équipement à la fine pointe de la technologie. 

2021: Adoption de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. Cette législation a créé du droit nouveau et un nouveau processus de contestation. Pour faire face à une éventuelle augmentation des dossiers en découlant, le TAT a dès lors revu son mode de traitement des dossiers pour préserver son efficacité. 

Cette série de portraits des tribunaux administratifs du Québec est réalisée en collaboration avec le Regroupement des présidents des tribunaux administratifs du Québec et la Conférence des juges administratifs du Québec.