Est-il possible de revenir sur sa décision de renoncer à une succession si l'on s’est trompé sur la valeur de celle-ci? La question s’est récemment posée dans Succession de Girard.

Les demandeurs sont les enfants et héritiers légaux d’un homme décédé le 4 mars 2011 des suites de complications liées à un cancer du poumon.

Vu la faible valeur de la succession de leur père, ils ont renoncé à sa succession par acte notarié, en novembre 2011. L’administration de la succession a donc été dévolue à Revenu Québec.

Or, le 27 mai 2015, les demandeurs ont été informés qu’un juge avait condamné des compagnies de tabac, au terme d’une action collective, à payer plus de 10 milliards de dollars en dommages moraux et punitifs à près de 100 000 Québécois fumeurs ou ex-fumeurs atteints d’emphysème, du cancer du poumon ou du cancer de la gorge.

Ils ont inscrit leur père auprès des avocats des représentants de l’action collective et Revenu Québec les a autorisés à effectuer les démarches nécessaires en vue de recouvrer l’indemnité due au défunt.

Ce n’est toutefois que 6 ans plus tard, soit le 6 mars 2025, que les demandeurs ont appris que la succession d’une victime du tabac était admissible à l’indemnité.

Afin de pouvoir être autorisés à réclamer l’indemnité de 100 000 $ qui pourrait être due à leur père dans le cadre de l’action collective, les demandeurs ont voulu se prévaloir des articles 649, 650 et 1400 du Code civil du Québec(C.C.Q.) pour faire annuler l’acte de renonciation à la succession. 

Ils ont prétendu que, au moment où ils avaient renoncé à la succession de leur père, ils ignoraient l’existence de l’action collective et que rien ne leur permettait d’imaginer que celui-ci aurait été en droit de recevoir quelque compensation que ce soit à la suite de son diagnostic de cancer du poumon. Leur consentement aurait donc été vicié par une erreur portant sur l’objet de la prestation, soit la valeur de la succession.

Revenu Québec ne s’est pas opposée à ce que les demandeurs recouvrent leur statut d’héritier de manière à conserver toute indemnité due au défunt dans le cadre de l’action collective. Elle demandait toutefois au tribunal de ne pas prononcer la nullité de la renonciation, et ce, afin d’éviter la restitution des prestations puisque les demandeurs pourraient alors être considérés comme s’étant enrichis injustement, vu les frais engagés par l’État pour administrer et fermer la succession. Ainsi, Revenu Québec proposait plutôt d’appliquer les effets de la rétractation prévue à l’article 649 C.C.Q.

Rétractation impossible en raison des délais écoulés

En raison des délais écoulés depuis le décès de leur père, la juge a conclu que les héritiers ne pouvaient se prévaloir du droit à la rétractation prévu à l’article 649 C.C.Q. En effet, leur droit s’est ouvert le 4 mars 2011, au moment du décès, mais ce n’est que 14 ans plus tard, soit le 12 juin 2025, qu’ils ont intenté leur recours visant à faire annuler leur renonciation.

Annulation possible pour cause d’erreur simple

Les héritiers peuvent toutefois demander l’annulation de leur renonciation pour les causes et dans les délais prévus pour invoquer la nullité des contrats.

En l’espèce, l’acte de renonciation doit être annulé pour cause d’erreur suivant les articles 636 et 1400 C.C.Q.

Au moment d’exercer leur option, les héritiers croyaient réellement et sincèrement que la succession de leur père était de faible valeur. Ils ignoraient que l’action collective, qui ne les concernait pas personnellement, avait été autorisée quelques années auparavant, en 2005. Pour le préjudice subi par leur père, la succession est admissible à une indemnité de 100 000 $. Il y a donc eu erreur simple portant sur l’objet de la prestation, soit la valeur de la succession. La juge a donc annulé la renonciation à la succession en raison d’un vice de consentement fondé sur l’erreur et les demandeurs ont recouvré leur statut d’héritiers.