La traduction automatique par des outils disponibles gratuitement sur le web, surtout quand on est un peu techno comme moi, c’est tentant. Google Translate et Bing Translator sont commodes et conviviaux; Facebook a même intégré Bing Translator à son interface. Par contre, qu’en est-il de leur fiabilité, en particulier dans le domaine juridique?

Comme le mentionnait ma collègue Vera Roy, traductrice, dans une discussion sur le blogue Slaw,

Google Translate a sans aucun doute son utilité pour obtenir une traduction des « grandes lignes » de documents d’ordre général, mais il peut aussi être trompeur, déroutant ou carrément inutile dans le cas de jugements puisque ceux-ci utilisent un langage spécialisé et ce, peu importe la juridiction dont ils émanent. Cette utilité limitée se constate d’autant plus dans le cas de jugements émanant des tribunaux du Québec où, en raison de l’influence civiliste, la terminologie a parfois un sens qui lui est tout particulier, même lorsque le domaine de droit en est un de compétence fédérale. (Traduit de l’anglais)

Je partage son avis. L’expérience avec des textes non spécialisés donne déjà des résultats qui peuvent être cocasses. C’est d’autant plus vrai avec les textes juridiques. Par exemple, ce passage en français de l’affaire Robinson c. Weinberg (C.A., 2001-03-15), SOQUIJ AZ-50084668, J.E. 2001-699 :

[8] Notre Cour dans Lac d'Amiante décidait que les documents communiqués ne pouvaient être utilisés à des fins collatérales ou autres, ce qui laisse entendre qu'ils pourraient être utilisés pour les fins de l'action. (Emphase ajoutée.)

La traduction anglaise est erronée car elle dit le contraire, soit que les documents pouvaient être utilisés :

[8] This Court in Lake Asbestos decided that the documents could be used for collateral or other, suggesting they could be used for purposes of the action. (Emphase ajoutée.)

La traduction automatique d’aujourd’hui permet de comprendre le sens général d’un texte. Il s’agit d’un progrès par rapport aux outils de la génération précédente, qui traduisaient au mot à mot. Mais l’erreur commise ci-dessus et d’autres irritants, comme le fait que la citation n’a pas été reconnue (Lac d’Amiante / Lake Asbestos), montrent que l’intervention humaine par un traducteur spécialisé dans le domaine juridique sera toujours nécessaire. C’est pourquoi, comme en parlait récemment Me Daniel Champagne, SOQUIJ a deux traductrices à son service pour traduire en anglais des dizaines de décisions québécoises d’intérêt pancanadien chaque année.