Dans un billet paru en 2013, je présentais trois décisions dans lesquelles des acheteurs prétendaient que leur consentement avait été vicié parce que les vendeurs n’avaient pas révélé qu’un suicide avait eu lieu dans l’immeuble. Dans deux des trois cas dont je discutais, le juge avait soit annulé la vente ou accordé des dommages-intérêts aux acheteurs. Mais qu’en est-il s’il ne s’agit pas d’une mort violente?

Dans une très récente décision (Girard c. Dufour), les acheteurs avaient acquis du défendeur un immeuble mis en vente sans l’entremise d’un courtier immobilier. Deux ans après l’achat, ils ont appris d’une voisine que le fils d’une propriétaire antérieure était décédé dans la maison. Il ne s’agissait toutefois pas d’un suicide ni d’une mort violente, mais plutôt d’une mort par surdose. Prétendant être perturbés par cette nouvelle, et invoquant la décision Fortin c. Mercier, les acheteurs ont demandé une compensation au vendeur pour cause de dol, mais celui-ci a refusé de les dédommager. Ils ont donc intenté un recours en annulation de la vente.

Or, contrairement à l’affaire Fortin c. Mercier, les acheteurs n’ont présenté aucune preuve démontrant les conséquences possibles qu’un tel décès survenu dans leur résidence pourrait avoir sur la valeur de celle-ci. S’agit-il d’une information pertinente et déterminante dont la connaissance pourrait compromettre la valeur d’un immeuble ? Selon le juge, il s’agit d’une question bien subjective. Les éléments qui peuvent subjectivement toucher la valeur d’une propriété n’ont pas d’emblée à être divulgués aux acheteurs, à moins que ceux-ci n’aient clairement manifesté au vendeur leur phobie ou leur crainte à ce sujet et que ce dernier leur mente ou fasse preuve de réticence, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Le juge a également rappelé que les acheteurs ont l’obligation de se renseigner afin de bien connaître les enjeux importants susceptibles d’influer sur leur décision d’acheter. Or, dans cette affaire, ils n’avaient posé aucune question au vendeur au sujet des propriétaires antérieurs ou sur un décès survenu dans la propriété.

Enfin, le juge a reproché aux acheteurs d’avoir tardé à communiquer avec le vendeur après avoir appris qu’un ancien occupant était décédé dans l’immeuble (délai de six mois), ce qui faisait selon lui douter du caractère déterminant de l’erreur qu’ils auraient commise. Leur conduite était en partie incompatible avec leurs prétentions selon lesquelles ils n’étaient plus capables de vivre dans la maison après avoir su que quelqu’un y était décédé.

Le juge a donc conclu que le consentement des acheteurs n’avaient pas été vicié par le dol et il a refusé d’annuler la vente. 

Références

  • Girard c. Dufour (C.S., 2015-02-06), 2015 QCCS 340, SOQUIJ AZ-51148009. À la date de diffusion, la décision n'avait pas été portée en appel.
  • Fortin c. Mercier(C.S., 2013-11-21), 2013 QCCS 5890, SOQUIJ AZ-51021937, 2013EXP-3912, J.E. 2013-2132, [2013] R.J.Q. 1969.