Les récents développements scientifiques faits en matière de dépistage de maladies génétiques humaines font en sorte qu’il est maintenant possible de détecter de nombreuses maladies ou mutations.

Malgré tout, il n’existe pas encore à ce jour de législation au Québec ou au Canada visant à encadrer l’obtention et l’utilisation des renseignements génétiques obtenus de citoyens dans des domaines contractuels comme en droit du travail ou dans le domaine des assurances.

Le Canada est d’ailleurs le seul pays du G8 à ne pas avoir créé de mesures pour lutter contre la discrimination génétique, et ce, malgré le développement rapide fait en cette matière. L’an dernier, le projet de loi S-201 a été déposé au Sénat pour que les Canadiens puissent obtenir une protection contre la discrimination génétique de la part de plusieurs acteurs dont les futurs employeurs ou compagnies d’assurances. Cependant, la démarche a pratiquement été avortée principalement à cause de la séparation de pouvoir, le droit des assurances étant de compétence provinciale. Or, « c’était dans la perspective de protection des droits et libertés que le Sénat aurait pu aborder cette question, de façon à protéger les individus contre la discrimination qui serait basée sur les caractéristiques génétiques — termes qui auraient pu être définis plus précisément dans la législation », opine Me Ida Ngueng Feze, chercheuse au Centre de génomique et politiques du département de génétique humaine de l’Université McGill. Cela aurait permis du coup d’étendre la protection de l’information génétique de façon à la rendre applicable dans plusieurs domaines, comme en droit du travail.

Qui plus est, le vide juridique causé par l’absence de législation explicite sur la discrimination génétique et sur l’utilisation des résultats des tests génétiques entraîne parfois des effets sociaux indésirables. Me Ngueng Feze donne en guise d’exemples « l’étude réalisée en 2007 par Goddard et al dans laquelle une portion de femmes avait choisi de ne pas participer à un projet de recherche sur le cancer du sein par crainte que cela ait un impact sur leur assurabilité, ou plus récemment un sondage fait en 2013 par le commissariat à la protection de la vie privée du Canada suggérant qu’un peu plus de la moitié des Canadiens sondés ont exprimé des inquiétudes à l’idée de subir un test génétique recommandé par un médecin si les résultats pouvaient être accessibles à un assureur ou employeur ».

Il est à noter néanmoins que, sur ce sujet, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) a émis un énoncé de position en 2010 sur les tests génétiques dans laquelle elle affirme que les assureurs ne demandent pas aux candidats à l’assurance de se soumettre à des tests génétiques mais que, si un test a déjà été effectué et que le proposant ou son médecin ont accès aux résultats du test, l’assureur cherchera à obtenir cette information. D’ailleurs, comme le rappelle Mme Claude Di Stasio, vice-présidente, Affaires québécoises de l’ACCAP : « les assurances utilisent depuis longtemps des renseignements de nature génétique lors de la sélection des risques. En effet, toutes les propositions d’assurance renferment des questions sur les antécédents familiaux, le cholestérol, l’hypertension, les cardiopathies, le cancer et le diabète, ainsi que sur bon nombre d’autres pathologies comportant un facteur génétique. Cependant, cela est fait simplement dans une perspective de sélection des risques et non comme une forme de discrimination génétique au sens des droits et libertés1».

Ainsi, sans intervention du législateur québécois, ce sont les lois actuelles en matière de protection des renseignements personnels et celles spécifiques au domaine médical qui vont continuer de s’appliquer.