En mars 2016, le Service de police de Laval a mené une opération d’infiltration pour lutter contre le phénomène de la prostitution juvénile sur son territoire, ciblant les clients qui sollicitaient des faveurs sexuelles auprès de jeunes filles de moins de 18 ans. Dans ce contexte, l’intimé a été accusé d’avoir communiqué avec une personne dans le but d’obtenir, moyennant rétribution, les services sexuels d’une personne âgée de moins de 18 ans (art. 286.1 (2) a) du Code criminel (C.Cr.)). Celui-ci a reconnu sa culpabilité.

La Cour d’appel se prononce sur l’appel d’un jugement de la Cour du Québec ayant déclaré que la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement pour l’infraction prévue à l’article 286.1 (2) a) C.Cr. était inopérante à l’égard de l’intimé. L’appel est accueilli.

Le jugement de première instance

La juge de première instance a déclaré que la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement prévue à l’article en cause était inopérante à l’égard de l’intimé puisqu’elle contrevenait à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés (droit à la protection contre les traitements ou peines cruels ou inusités). Elle lui a donc imposé une peine de 90 jours d’emprisonnement à purger de façon discontinue, suivie d’une probation de 2 ans assortie de l’obligation d’effectuer 150 heures de travaux communautaires dans un délai de 18 mois.

L’arrêt de la Cour d’appel

La peine minimale fait automatiquement primer l’objectif de dissuasion au détriment des autres objectifs en matière de détermination de la peine et limite la possibilité pour le juge d’individualiser la peine aux circonstances du crime et du délinquant. Or, une telle peine contrevient à l’article 12 de la charte si elle inflige une peine exagérément disproportionnée, c’est-à-dire une peine excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine, odieuse ou intolérable socialement.

En l’espèce, la juge n’a pas tenu compte de la préséance des objectifs de dénonciation et de dissuasion en matière de crimes sexuels commis à l’endroit de personnes mineures et a minimisé la gravité des gestes commis par l’intimé en affirmant que les «victimes sont fictives» dans le contexte d’une opération d’infiltration. D’autre part, les circonstances de la commission de l’infraction par l’intimé sont sérieuses; il a accepté de participer à des activités sexuelles impliquant la victimisation de 2 jeunes filles de 16 ans pour des rapports sexuels complets. De plus, la présence d’une proxénète augmente la gravité subjective de l’infraction.

En appliquant les barèmes appropriés et la fourchette des peines adéquate, malgré l’existence de plusieurs facteurs atténuants, une peine minimale de 6 mois d’emprisonnement n’était pas exagérément disproportionnée dans le cas de l’intimé au point d’être cruelle et inusitée ou injustifiée et, par conséquent, inopérante. La juge aurait donc dû lui imposer cette peine.

Étant donné que l’intimé a déjà purgé la peine de 90 jours d’emprisonnement discontinue qui lui avait été imposée et qu’il a effectué les 150 heures de travaux communautaires imposées dans le cadre de sa probation, il ne serait pas dans le meilleur intérêt de la justice d’ordonner sa réincarcération. Dans ce contexte très particulier, la Cour sursoit à l’exécution de l’ordonnance de réincarcération de ce dernier.

Pour d’autres résumés de la Cour d’appel

Chaque semaine, SOQUIJ résume les principaux arrêts de la Cour d’appel que cette dernière publie gratuitement, rapidement et de façon bilingue sur son site Internet.

Print Friendly, PDF & Email