Par le passé, plusieurs travailleurs ou travailleuses ont tenté de faire reconnaître que les pathologies dont ils souffraient constituaient des maladies professionnelles reliées à leur exposition aux pesticides. La majorité de ceux-ci, voire la totalité, ont échoué.

Il en est allé autrement dernièrement pour 2 travailleurs.

Le lymphome non hodgkinien

Dans Lazo Bautista et Faille, il s’agit de la triste histoire d’un travailleur saisonnier d’origine mexicaine atteint d’un lymphome non hodgkinien. De 2012 à 2016, ce dernier avait travaillé à titre d’ouvrier agricole dans un verger où l’on cultive également des bleuets.

Le Tribunal a retenu que le lymphome du travailleur était relié aux risques particuliers de son travail. Le travailleur avait été exposé à de multiples pesticides — ce qui entraîne un effet synergique —, dont 2 cancérogènes probables, plusieurs jours par saison, plusieurs heures à la fois réparties sur quelques jours consécutifs, et ce, sans équipement de protection adéquat. Il en était notamment ainsi lorsqu’il manipulait des galons de pesticides liquides pour les verser dans le réservoir, lorsqu’il conduisait le tracteur et qu’il ingérait des aliments, lorsqu’il épandait les pesticides à l’aide d’un manche muni de buses en marchant derrière un tracteur dans la bleuetière, etc.

Le Tribunal a souligné que l’état actuel des connaissances médicales ne permettait pas d’exclure que la durée d’exposition et le délai d’apparition du cancer en cause rendaient improbable la relation causale.

La maladie de Parkinson

Tout récemment, dans Chouinard et Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, le Tribunal a reconnu que la maladie de Parkinson diagnostiquée chez le travailleur constituait une maladie professionnelle.

Le travailleur prétendait qu’il pouvait bénéficier de la présomption de maladie professionnelle étant donné que la maladie de Parkinson fait maintenant partie des maladies énumérées au Règlement sur les maladies professionnelles. Le Tribunal n’a pas retenu cette prétention puisque la maladie du travailleur s’était manifestée avant l’entrée en vigueur du règlement, soit le 6 octobre 2021. Les arguments du travailleur quant à l’application rétroactive de la présomption et du principe de l’effet immédiat des modifications apportées à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles n’ont pas été retenus.

Le Tribunal a toutefois reconnu que la maladie de Parkinson dont était atteint le travailleur était reliée aux risques particuliers de son travail.

Pendant près de 30 ans, le travailleur avait occupé des fonctions d’agronome et de chercheur en entomologie chez l’employeur. Ses tâches nécessitaient qu’il se rende dans des vergers de recherche ou des vergers commerciaux afin de détailler l’utilisation des pesticides, de poser des pièges, d’observer les insectes et de les capturer au besoin.

Essentiellement, le Tribunal a retenu que:

[108]      Le Tribunal souligne une fois de plus que la preuve démontre sans équivoque une exposition professionnelle à différents pesticides sur une période de plus de vingt années. Une telle exposition est directement associée avec un risque significatif de développer la maladie de Parkinson. Ces constats, à eux seuls, sont suffisants pour reconnaitre que le travailleur souffre d’une maladie professionnelle.

[109]      Cette exposition est importante puisqu’elle implique une multitude de pesticides différents, ce qui entraine une augmentation exponentielle des risques associés. Le travailleur a été exposé aux pesticides en s’approchant à plusieurs reprises des arbres à l’intérieur du délai de sécurité, sans équipement de protection ou avec des mesures protectrices minimes. Il a également été exposé à plusieurs pesticides qui sont maintenant retirés du marché en raison de leur dangerosité. Tous ces éléments permettent de retenir que l’exposition est significative, et ce malgré le fait que le travailleur ne participait pas directement à l’épandage.

Fait intéressant à souligner concernant l’exposition aux pesticides du travailleur: le Tribunal a précisé qu’il n’était pas nécessaire que ce dernier manipule directement les pesticides puisque le contact direct avec les structures de l’arbre récemment traitées était suffisant. À cet égard, il a établi un parallèle avec les exigences du nouveau règlement, qui définit l’exposition aux pesticides de la façon suivante:

[77]  […] Un travail implique une exposition aux pesticides lorsque :

  • il y a manipulation ou emploi de pesticides par contact ou inhalation;
  • il y a contact avec des cultures, surfaces ou animaux traités ou avec des machines utilisées pour l’application des pesticides.

Vous vous demanderez certainement si la moitié de vos assiettes doit toujours être composée de fruits et légumes, biologiques ou non. La réponse est oui, selon un article paru dans la revue L’Actualité (Non, les pesticides ne rendent pas les fruits et légumes mauvais pour la santé).