Dans mon dernier billet, je vous présentais une décision dans laquelle le Tribunal administratif du travail avait conclu que le gouvernement du Québec avait entravé les activités de syndicats du secteur de la santé et des services sociaux en annonçant d’importantes primes salariales destinées aux infirmières, et ce, sans avoir négocié celles-ci ni même avisé les syndicats [NDLR: depuis la publication de ce billet, un pourvoi en contrôle judiciaire a été déposé à l’encontre de la décision du Tribunal].

Très récemment, le Tribunal s’est de nouveau penché sur une plainte d’entrave déposée par un syndicat du secteur de la santé et des services sociaux. La juge administrative devait déterminer si le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS) avait contrevenu à l’article 12 du Code du travail en annulant ou en retardant des libérations de représentants syndicaux.

Contexte

Le Syndicat du personnel paratechnique, des services auxiliaires et de métiers du CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec – CSN compte 25 représentants syndicaux, dont 14 sont titulaires d’un poste de préposé aux bénéficiaires ou d’agent d’intervention. En mars 2022, le CIUSSS a autorisé les libérations syndicales qui avaient été demandées pour la période du 1er avril 2022 au 31 mars 2023.

En juin 2022, le CIUSSS s’est toutefois retrouvé devant un manque de préposés aux bénéficiaires et d’agents d’intervention pour pourvoir certains quarts de travail pendant les fins de semaine du mois de juillet. D’abord disposé à aider, le syndicat a changé de position au début du mois de juillet, estimant que les libérations syndicales qui avaient été autorisées ne pouvaient être annulées.

Vu les difficultés anticipées, le CIUSSS a maintenu sa décision et a prévu des quarts de travail pour certains représentants syndicaux pendant la fin de semaine des 9 et 10 juillet.

Prétentions des parties

En plus de soutenir que la situation ne justifiait pas l’annulation ou le report des libérations syndicales de ses représentants, le syndicat a mis en doute le fait que le CIUSSS avait tout fait pour éviter d’en arriver à une telle décision.  

Le CIUSSS a quant à lui affirmé que, malgré ses efforts, il n’avait eu d’autre choix que d’annuler ou de reporter certaines libérations syndicales en raison d’une nouvelle vague de la pandémie de COVID-19 et d’une pénurie de main-d’œuvre. Les représentants syndicaux visés par sa décision auraient d’ailleurs eu l’occasion de choisir de reporter leur libération ou d’effectuer du travail en heures supplémentaires.

La décision

La juge administrative a conclu que le syndicat n’avait pas démontré que le report ou l’annulation de quelques libérations syndicales visait «à contrecarrer ses activités ou que [le comportement du CIUSSS était] à ce point erratique qu’il [était] assimilable à une imprudence grave, une négligence grossière ou un aveuglement volontaire» (paragr. 5).

Selon la juge, rien ne permettait de douter du fait que la décision du CIUSSS reposait effectivement sur des considérations liées à la septième vague de la COVID-19 et au manque de préposés aux bénéficiaires et d’agents d’intervention. Il s’agissait bel et bien d’une solution de dernier recours dont le seul objectif était d’éviter des ruptures dans les services à la population.

La juge ajoute que, même si le report et l’annulation de quelques libérations syndicales avait eu les conséquences alléguées par le syndicat, dont une surcharge de travail et la fermeture de son bureau dans certaines installations, la plainte serait tout de même rejetée étant donné l’absence d’intention de nuire du CIUSSS. Elle précise en effet que «ce n’est pas parce que les gestes de l’employeur perturbent certaines activités syndicales qu’il y a nécessairement contravention à l’article 12 du Code» (paragr. 29).

Conclusion

Le fait que la plainte du syndicat ait été rejetée ne signifie pas que l’annulation ou le report de libérations syndicales ne pourrait constituer de l’entrave dans d’autres circonstances. Comme toujours en droit, chaque cas est un cas d’espèce.

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