Vous vous rappelez certainement du personnage d’Elvis Gratton qui proclamait : «ils l’ont, l’affaire, les Américains». Je n’en suis pas si certaine…

Dans S.B. et Compagnie A, la CLP a reconnu que le travailleur, un scientifique en chef de haut niveau, avait subi une lésion professionnelle suivant les diagnostics de trouble de stress post-traumatique et de dépression majeure. Dans cette affaire, le travailleur prétendait que sa lésion psychologique était attribuable au fait d’avoir été faussement accusé par un collègue masculin de harcèlement psychologique et sexuel, d’avoir vu son homosexualité mise au grand jour et d’avoir été licencié par la suite, alors que l’employeur alléguait soudainement une restructuration d’entreprise.

Le travailleur a expliqué devant le tribunal qu’il avait toujours ressenti une certaine gêne à l’égard de son homosexualité, notamment en raison du caractère très conservateur des propriétaires de l’entreprise pour laquelle il travaillait, soit des Américains le plus souvent d’allégeance républicaine plutôt réservés et critiques vis-à-vis des homosexuels. Il a d’ailleurs déposé en preuve un extrait d’un site Internet qui affirme qu’il n’est pas illégal dans 29 États américains, dont celui où est situé le siège social de l’employeur, de congédier un travailleur au motif qu’il est homosexuel.

L’employeur et la CSST ont allégué que le seul fait pour un travailleur d’être l’objet d’une enquête constituait un événement normal et habituel dans les milieux de travail qui ne pouvait d’aucune façon fonder une réclamation pour la survenance d’une lésion professionnelle. Le tribunal a admis que la jurisprudence ne reconnaissait pas toujours la réorganisation administrative, la modification des tâches, le congédiement ou même une enquête comme des éléments permettant de soutenir une telle réclamation. Il a cependant précisé que cela dépendait du contexte particulier dans lequel les événements s’étaient déroulés. Après avoir examiné les faits de l’espèce, il a retenu que le travailleur avait un haut niveau de responsabilité scientifique et que son dossier était vierge avant la plainte. Il a précisé que ce contexte était compliqué du fait qu’une situation de harcèlement sexuel était notamment alléguée alors que l’homosexualité du travailleur, même si elle était connue de certains employés, n’était pas une condition publique et assumée. Le tribunal a ajouté que, au surplus, la plainte avait été déclarée non fondée à la suite de l’enquête. Aussi, le travailleur n’avait jamais été avisé du résultat de l’enquête avant son licenciement. Le tribunal a conclu qu’il s’agissait manifestement d’une gestion inappropriée, voire malveillante de l’employeur. Cette situation, prise globalement, a été considérée comme débordant le contexte normal et habituel du travail.

Par ailleurs, l’intérêt juridique premier de cette décision réside dans l’acceptation de la réclamation suivant le diagnostic de trouble de stress post-traumatique. En effet, le tribunal a rejeté l’argument de la CSST et de l’employeur selon lequel il ne pouvait y avoir une relation causale entre ce diagnostic et les événements puisque aucune atteinte réelle à la vie du travailleur n’avait été démontrée. Or, le tribunal s’est notamment appuyé sur de la documentation médicale et sur les témoignages de deux psychiatres qui démontraient que l’atteinte à la vie d’une personne s’étendait aussi à des événements traumatisants découlant de relations de travail déficientes ou encore d’accusation non fondées.

En ce qui a trait au diagnostic de syndrome de stress post-traumatique, si le sujet vous intéresse, dans Labonté et Ass. acc. Lafarge Canada inc., alors que l’employeur soutenait que le tribunal devait réexaminer les critères diagnostiques du DSM-IV et apprécier la gravité objective de l’événement pour décider s’il y avait relation entre le diagnostic de syndrome de stress post-traumatique et un événement, la CLP, soulignant que ce diagnostic avait la particularité de contenir des éléments qui chevauchaient la zone grise se trouvant entre le diagnostic médical et sa relation avec un événement, s’est longuement prononcée sur la question.

Références

  • S.B. et Compagnie A (C.L.P., 2013-12-16), 2013 QCCLP 7252, SOQUIJ AZ-51028936, EXPT 2014-153.
  • Labonté et Ass. acc. Lafarge Canada inc. (C.L.P., 2014-01-22), 2014 QCCLP 402, SOQUIJ AZ-51037700, EXPT 2014-307.
Print Friendly, PDF & Email