Dans Centre universitaire de santé McGill (CUSM-Hôpital général de Montréal) c. X, le tribunal a passé outre au refus d'une adolescente de 14 ans de recevoir une transfusion sanguine.
L'adolescente en cause dans cette décision est adepte des Témoins de Jéhovah et est atteinte d'un lymphome hodgkinien. Les transfusions sanguines sont un effet probable des traitements de chimiothérapie qu'elle reçoit en raison d’une possible diminution marquée de l'hémoglobine, des globules blancs ou des plaquettes.
Dans son témoignage devant le tribunal, elle a cité Les Actes des apôtres à l'appui de son refus :
« L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d'autres charges que celles-ci, qui sont indispensables : vous abstenir des viandes immolées aux idoles, du sang, des chairs étouffées, et des unions illégitimes. Vous ferez bien de vous en garder. » (Nouveau Testament, Les Actes des apôtres, ch. 15, versets 28 et 29).
Ses parents refusent également les transfusions et s'en remettent à la volonté de leur fille.
Rappelons que l'article 14 du Code civil du Québec prévoit que le mineur de 14 ans et plus peut consentir seul aux soins requis par son état de santé et que, en vertu de l'article 16, l'autorisation du tribunal est nécessaire afin de soumettre un tel mineur à des soins qu'il refuse, à moins qu'il n'y ait urgence et que sa vie ne soit en danger ou son intégrité, menacée, auquel cas le consentement du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur suffit.
L'article 1 de la Charte des droits et libertés de la personne pose le principe que tout être humain a droit à la vie, à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne. L'article 3 rappelle que toute personne a des libertés fondamentales, dont font partie la liberté de conscience et de religion. Enfin, la Charte canadienne des droits et libertés possède des dispositions équivalentes (art. 2 et 7).
Le juge affirme :
«[32] […] L’autonomie en matière de consentement aux soins est relative. Il existe en effet une asymétrie importante; l’autonomie du mineur n’est réelle que dans la situation où il consent aux soins proposés, mais en cas de refus de soins requis, c’est le Tribunal qui tranche.
[33] En effet, l’expression de l’autonomie d’un mineur de 14 ans et plus par un refus de soins est presqu’illusoire. Selon l’article 16 (2) du C.c.Q., lorsque le mineur refuse des soins requis par son état de santé, il sera possible de passer outre ce refus en obtenant l’autorisation du tribunal. Cette autorisation sera généralement accordée lorsque le refus du mineur va à l’encontre de son intérêt.»
Puis :
«[52] Il est manifeste que les valeurs en cause sont à la fois éthiques, morales et juridiques. La valeur accordée à la vie par nos tribunaux a préséance sur celle du droit à l’intégrité du mineur. L’intérêt supérieur de l’enfant tel que vu et accepté par notre société prime sur sa volonté exprimée de refuser un traitement, surtout si celui-ci est susceptible de lui sauver la vie avec peu ou pas d’effets secondaires néfastes. Au nom de ces valeurs, il est permis de qualifier cette approche de paternaliste car elle perçoit l’enfant comme une personne nécessitant la protection de la société.
[53] Toutefois, la vie est certainement la valeur la plus chère et fondamentale dont les êtres humains disposent. La Cour suprême du Canada a rappelé cette évidence dans l’arrêt Carter c. Canada (Procureur général) [2015 CSC 5, par. 63]:
Le caractère sacré de la vie est une des valeurs les plus fondamentales de notre société. L’article 7 [de la Charte des droits et libertés de la personne] émane d’un profond respect pour la valeur de la vie humaine, mais il englobe aussi la vie, la liberté et la sécurité de la personne durant le passage à la mort.
[54] Le Tribunal estime qu’il est conforme à l’article 33 C.c.Q. de vouloir protéger des enfants, parfois contre eux-mêmes, vis-à-vis des décisions souvent fatales ou susceptibles d’hypothéquer leur vie de façon irréversible.»
En fin de compte, le juge a rendu une ordonnance valide pour un mois d'administrer des transfusions sanguines afin d'éviter le décès ou la compromission des chances de guérison.
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