En juin dernier, pour souligner la fin de l’année scolaire et le début des vacances estivales, je vous proposais un billet portant sur l’autorisation de voyager à l’étranger avec son enfant. Maintenant que les vacances sont terminées, voici une brève revue de jugements récents qui démontrent des enjeux auxquels font face les juges en lien avec la scolarité et le développement social des enfants.                 

La scolarisation à la maison ou à l’école ?

Les parents de 2 enfants, âgés respectivement de 11 et 9 ans, ne s’entendent plus quant à leur milieu de scolarisation. La mère demande l’intégration des enfants à l’école, notamment parce qu’elle s’inquiète de certains retards qu’ils accusent ainsi que de sa propre capacité à les encadrer. Le père insiste sur le maintien de la scolarisation à domicile et offre d’assurer une plus grande part du suivi scolaire.

Dans son analyse, la juge Aline U.K. Quach rappelle que le rôle du Tribunal n’est pas de choisir entre les 2 types d’enseignement en cause, mais bien de déterminer s’il est dans l’intérêt supérieur des enfants de continuer leur scolarisation à la maison ou d’intégrer l’école. En l’espèce et en l’absence d’une entente entre les parents, elle décide que l’intégration scolaire est nécessaire. En effet, elle note que les enfants ont d’importantes lacunes dans les apprentissages scolaires par rapport aux élèves de leur âge et de leur niveau, qu’ils ont des besoins sur le plan social qui ne sont pas comblés et qu’ils sont limités dans ce qu’ils peuvent apprendre de leur père, d’autant plus que ce dernier refuse de se conformer aux exigences de la Commission scolaire de Montréal et qu’il n’accepte pas l’apport de la mère.

L’école privée ou l’école publique ?                                                

Droit de la famille – 18276 et Droit de la famille – 181820

Dans le premier dossier, la mère demande que sa fille de 5 ans soit inscrite à l’école privée que fréquente sa demi-fratrie. Son choix repose aussi sur l’importance accordée par cette école à la diversité culturelle et à la dimension internationale. Le père souhaite plutôt inscrire l’enfant à l’école publique de son quartier, estimant préférable pour elle, malgré son identité en partie française, d’effectuer sa scolarité dans une école qui dispense exclusivement le programme québécois.

Le juge Benoît Moore retient que les moyens des parties leur permettraient, tel que le démontre la scolarité des 2 autres enfants du père, d’inscrire leur fille à l’école privée. Il note aussi qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de fréquenter la même école que sa demi-fratrie et que la dimension internationale de l’école, dans le contexte de la double identité culturelle de l’enfant, constitue un avantage supplémentaire.

Dans le second dossier, c’est la mère qui, invoquant la proximité et la stabilité, veut inscrire sa fille de 5 ans dans une école publique de son quartier. Le père est d’avis que la distance ne devrait pas priver l’enfant d’une éducation de haute qualité, laquelle serait offerte selon lui par l’école privée qu’il a choisie.

Ici, le juge Gérard Dugré écarte les arguments fondés sur la proximité, la stabilité et la qualité de l’éducation offerte, estimant qu’il doit plutôt prendre en considération la dynamique familiale dans laquelle évolue l’enfant, ce qui l’amène à choisir l’école favorisée par le père. En effet, il se dit d’avis que la mère sera davantage portée à favoriser la réussite scolaire et le bonheur de sa fille même si l’école qu’elle propose n’est pas retenue.

Le changement d’école ou le statu quo ?

Les parties ont 2 enfants qui sont respectivement âgés de 6 et 5 ans. En décembre 2016, le juge Louis-Paul Cullen avait prononcé leur divorce et avait rendu une décision quant à l’école que fréquenteraient les enfants. Sur cette question, il avait opté pour le maintien du statu quo jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours pour que les parties puissent ensuite prendre, ensemble et à la lumière de toute l’information disponible, une décision pour l’année 2017-2018. Au printemps 2018, le père a présenté une demande afin que les 2 enfants soient inscrits dans une nouvelle école pour l’année 2018-2019.

Tout en reconnaissant que le juge Cullen avait laissé la porte ouverte à une discussion sur la question de la fréquentation scolaire pour l’année scolaire 2017-2018, la juge Lise Matteau conclut que le père ne s’est pas mobilisé en temps utile pour présenter sa demande. En effet, l’aîné avait commencé sa première année au mois de septembre 2017 dans la même école où il avait fait sa maternelle et il aurait été contraire à son intérêt supérieur de lui faire subir un changement d’école. Tous les intervenants qui gravitaient autour de l’enfant travaillaient de concert depuis le début de sa première année et les mesures mises en place en disaient long sur son besoin de routine et d’un encadrement qui lui était familier.

Déménager ou rester au Québec ?

Dans ce dossier, le père demande l’autorisation de déménager en France, son pays d’origine, avec ses 2 enfants. Au soutien de sa demande, il indique que l’école fréquentée au Québec par l’aînée utilise déjà le système scolaire français, de sorte qu’il y aurait une continuité pour l’enfant. Le cadet se prépare à commencer sa première année. Le père offre des droits d’accès à la mère en fonction du calendrier scolaire français, lequel est beaucoup plus généreux que le calendrier scolaire québécois en matière de vacances scolaires.

La juge Marie Gaudreau autorise le déménagement. Parmi les points qui font pencher la balance en faveur du père, elle note la continuité du système d’éducation pour les enfants et le fait que ces derniers auront davantage de contacts avec leurs 2 parents ainsi. En effet, un changement d’école ‑ et donc de système scolaire ‑ est probable si les enfants restent au Québec avec leur mère. Dans ce scénario, les congés scolaires seraient moins nombreux, tout comme les droits d’accès potentiels du père.

Le maintien ou la modification de la routine ?

Enfin, il est question d’une mère qui demande l’autorisation d’inscrire sa fille de 9 ans dans un club de patinage artistique. Cela implique que l’enfant soit présente à un cours donné le samedi matin, de 7 h à 8 h 30, à raison de 10 samedis à l’automne et de 10 samedis à l’hiver. Le père, qui exerce des droits d’accès auprès des 2 enfants des parties 1 fin de semaine sur 2 et qui ne demeure plus à proximité du domicile de la mère, s’oppose à cette demande. Il invoque notamment la répercussion de cette activité sur sa routine avec les enfants et un nouvel intérêt que sa fille a manifesté pour l’équitation.

La juge Lise Matteau conclut que, si la demande de la mère était accueillie, il y aurait, les fins de semaine de cours, un empiétement significatif sur les accès avec le père ainsi qu’une modification de la dynamique qu’il a instaurée avec ses enfants. En effet, tant la reprise de contact du vendredi soir que le premier matin chez le père se vivraient dans l’empressement, ce qui serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle retient aussi que le club de patinage mise essentiellement sur la participation et non pas sur la compétition, et que l’enthousiasme de l’enfant pour le patinage artistique semble en effet avoir laissé place à une passion pour l’équitation, une activité qu’elle pratique lorsqu’elle est chez son père. La juge Matteau refuse donc d’autoriser l’inscription au club de patinage.

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