[1] Dans plusieurs décisions récentes, la Cour supérieure et la Cour d’appel du Québec ont établi qu’il y avait motif à révision judiciaire de décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles (CLP) et par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (CALP).

[2] Voici un rapide tour d’horizon, présenté en fonction de la question en litige, faisant ressortir le principe qui se dégage de chaque décision.

Lésion professionnelle

[3] Afin de bénéficier de la présomption prévue à l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles1(LATMP), le travailleur doit démontrer la survenance d’une blessure, sur les lieux et dans l’exécution de son travail. Si l’employeur peut tenter de démontrer que la tendinite n’est pas d’origine traumatique, il ne revient pas au travailleur d’établir la survenance d’un événement imprévu et soudain en vue de bénéficier de la présomption. À ce compte, toute blessure survenant dans l’exécution des fonctions habituelles de la manière usuelle ne pourrait jamais donner lieu à une indemnisation : Michaud c Côté2 .

[4] Dans cette affaire, le travailleur, qui avait ressenti une douleur à l’épaule en descendant une échelle de son camion, s’était vu refuser sa réclamation.

[5] Pour qu’une aggravation d’une condition personnelle puisse constituer une lésion professionnelle, il faut que le travailleur ait été victime d’un accident du travail ou d’une aggravation causée par les risques particuliers du travail : P.P.G. Canada inc. inc. c. Commission d’appel en matière de lésions professionnelles3.

[6] La Cour d’appel souligne que, dans l’affaire Chaput c. Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal4, elle avait tracé un cheminement en huit étapes en vue de conclure à l’application de la LATMP, la dernière étape consistant à déterminer le caractère imprévu et soudain de l’événement.

Consolidation de la lésion professionnelle

[7] La notion de consolidation est essentiellement médicale. Il apparaît déraisonnable d’interpréter cette notion en la rattachant à une condition «juridique» ou «sociale». L’atteinte d’un plateau thérapeutique ne peut être fonction que de conditions médicales et non de conditions juridiques ou sociales non pertinentes à une thérapie : C.S.N. Construction – Fédération des employées et employés de service public (C.S.N.) c. Commission des lésions professionnelles5.

[8] Dans cette affaire, la CALP avait déclaré que la lésion n’était pas consolidée puisque les médecins traitants prévoyaient une amélioration de la condition de la travailleuse lorsque les conflits juridiques qui l’opposaient à son employeur seraient résolus.

Indemnité de remplacement du revenu

[9] Un travailleur qui voit sa contestation de l’assignation temporaire rejetée n’est pas tenu de rembourser l’indemnité de remplacement du revenu (IRR) reçue pendant la période s’étant écoulée entre la contestation de l’assignation et la fin de son incapacité à exercer son emploi. Dans l’affaire Desrivières c. General Motors du Canada6, la Cour d’appel a confirmé le caractère définitif de l’attribution de l’IRR et le caractère déraisonnable d’une ordonnance d’application rétroactive annulant le droit à cette indemnité et demandant le remboursement de l’indemnité payée indûment, autrement que dans les cas de mauvaise foi. : Levert c. Commission d’appel en matière de lésions professionnelles7.

Compétence de la CLP

[10] L’omission par la CLP de consulter les membres représentant les associations patronales et syndicales au sujet de la question en litige rend la décision nulle. Même si le commissaire peut rendre sa décision sans suivre leur avis, il doit avoir bénéficié de leur éclairage si les membres ont exprimé leur opinion : Marquis c. Commission des lésions professionnelles8.

[11] Dans cette affaire, il y a eu une erreur quant à l’objet du litige, et les membres n’ont pas donné leur avis sur les véritables questions en jeu.

[12] Un document ne peut être versé au dossier par une partie sans que l’autre ait la possibilité non seulement d’en prendre connaissance mais de le contredire : Vézina c. Commission des lésions professionnelles9.

[13] En plus d’avoir retenu un extrait de littérature médicale à l’insu des parties, la CLP avait écarté erronément un diagnostic. Elle avait en effet estimé, que pour diagnostiquer une irritation radiculaire, il fallait être en présence de signes cliniques dure-mériens. Or, ces signes ne démontrent pas une atteinte d’irritation radiculaire, mais bien une atteinte dure-mérienne.

[14] En décidant du statut de l’employeur, une entreprise fédérale, la Commission n’interprète pas sa loi constitutive ni des notions au coeur de son domaine d’expertise, et sa décision doit être évaluée à la lumière du test de l’erreur simple : Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Autobus Jacquart inc.10.

[15] La seule question en litige dans cette affaire était de décider du statut de l’employeur qui soutenait que la CSST devait lui attribuer le taux de cotisation applicable aux entreprises fédérales.

[16] Le renvoi dans la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État11 (LIAE) aux dispositions de la LATMP est limité aux questions de compensation et d’indemnisation et ne modifie aucunement les conditions d’admissibilité définies d’accident et de maladie professionnelle contenu dans la législation fédérale : Société canadienne des postes c. Commission des lésions professionnelles12.

[17] Dans cette affaire, le commissaire avait utilisé les termes «lésion professionnelle», «aggraver» et «événement imprévu et soudain», qui sont inconnus dans la LIAE.

[18] La CLP doit décider en fonction de la preuve qui lui est présentée en vertu des règles de justice naturelle. Le rôle du tribunal est d’évaluer l’ensemble de la preuve et la crédibilité des témoignages. Si le tribunal veut écarter un témoignage qu’il juge non crédible, il doit toutefois en expliquer les raisons, à défaut de quoi il faudra conclure qu’il a pris cette preuve en considération pour rendre sa décision : Thifault c. Commission des lésions professionnelles13. Dans ce dossier, seul le travailleur avait présenté une preuve. Quant à l’employeur, il n’avait présenté aucune preuve, aucun témoin, aucun expert et il n’a pas attaqué la crédibilité de la preuve du travailleur, laquelle n’a donc pas été contredite. La CLP a ainsi commis une erreur manifestement déraisonnable en ne tenant pas compte d’éléments de preuve pertinents et non contredits et en tirant de la preuve une conclusion qu’elle n’appuie pas.

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