[1] En 2003, Me Michèle Lesage1 faisait état de la difficulté qu’éprouvent les victimes d’accidents d’automobile à faire reconnaître un lien entre leur accident et une condition de fibromyalgie. La principale raison invoquée pour refuser l’indemnisation était l’étiologie inconnue de cette pathologie. En août 2000, la Cour d’appel, dans Société de l’assurance automobile du Québec c. Viger2, avait reproché au Tribunal administratif du Québec (TAQ) d’exiger une preuve d’une rigueur scientifique plutôt qu’une preuve prépondérante. Ce principe a été réitéré en 2001 dans Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Chiasson3, la Cour d’appel indiquant que le fait d’exiger une preuve ayant une rigueur scientifique constitue une erreur déraisonnable. Malgré cela, au moment où Me Lesage a écrit son article, en janvier 2003, la jurisprudence du TAQ n’avait pas connu de modification, Me Lesage soulignant que4 : «Le TAQ a rendu 28 décisions mettant en cause un diagnostic de fibromyalgie depuis août 2000 et quelque 26 requérants ont vu leur recours rejeté.»

[2] Qu’en est-il depuis ?

1. 2003

[3] Dans le très bref arrêt Chalifoux c. Commission des affaires sociales5, la Commission des affaires sociales (CAS) avait rejeté l’opinion des experts de l’appelante au motif que l’étiologie de la fibromyalgie est inconnue. Ce faisant, mentionnait la Cour d’appel, la CAS avait exigé de l’appelante une preuve ayant la rigueur d’une preuve scientifique, ce qui constitue une erreur manifestement déraisonnable au sens des arrêts Viger et Chiasson. De plus, la Cour d’appel refusait de retenir l’argument de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) selon lequel la CAS avait écarté l’opinion des experts de l’appelante en raison du délai entre l’accident et l’apparition de la fibromyalgie, car ce n’était pas ce que disait la CAS dans sa décision. D’ailleurs, dans Viger, le délai était de 18 mois, tandis que, dans Chiasson, il était de 30 mois.

[4] Le TAQ a rendu huit décisions en 2003 portant directement sur la relation entre un accident et une fibromyalgie. De ce nombre, une seule6 a reconnu une telle relation. Les motifs, très sommaires, indiquent que le diagnostic de fibromyalgie est établi par la continuité clinique depuis l’accident et par le physiatre et le rhumatologue, ce dernier agissant précisément dans sa spécialité. Il n’y a pas d’expertise discutant de la fibromyalgie ou la niant en relation avec l’accident, mais un médecin agissant à titre de consultant a exprimé son opinion clinique. De l’avis du TAQ, cette opinion, moins élaborée qu’une expertise, a cependant tout le poids d’une consultation spécialisée. Le TAQ a donc reconnu la relation et a accordé un déficit anatomo-physiologique de 2 %, par analogie, pour une atteinte douloureuse objectivée de nature fibromyalgique.

[5] Les décisions ayant rejeté la relation recherchée sont nombreuses, mais les motifs diffèrent quelque peu. Dans l’une d’elles7, le TAQ signale qu’une victime doit faire la preuve que le médecin qui a posé le diagnostic est spécialiste du domaine, telle la rhumatologie, que les critères diagnostiques sont établis et remplis, que les autres diagnostics notant des symptômes communs à la fibromyalgie ont été éliminés et que l’ensemble de la preuve rend probable le diagnostic. Un médecin a posé un diagnostic de fibromyalgie trois ans après l’accident et l’a relié à celui-ci, mais le TAQ considère que ce délai est trop long, relevant aussi le fait qu’il ne s’agissait pas d’un spécialiste en ce domaine. Le TAQ souligne que même si l’hypothèse d’une contusion cérébrale était reconnue, soit l’hypothèse la plus récente suggérée par un médecin quant à l’étiologie de la fibromyalgie, la victime n’a eu qu’un traumatisme à la tête et n’a pas subi de contusion cérébrale; tous les tests neurologiques se sont avérés normaux. Il est intéressant de noter que cette décision a été portée en révision8 en 2004 : la victime alléguait que la première formation avait erré en mettant de côté le principe selon lequel la causalité juridique ne doit pas être confondue avec la causalité scientifique. Le TAQ en révision a conclu que la première formation avait fait une analyse minutieuse et exhaustive de tous les éléments de preuve et qu’elle n’avait pas confondu la causalité juridique et la causalité scientifique. Il s’est dit d’avis que le litige différait totalement de l’affaire Viger puisque, contrairement à cet arrêt, le dossier à l’étude comportait une preuve contradictoire que la première formation avait eu à apprécier. Le TAQ a conclu que la première décision était motivée et logique et qu’elle tenait compte de la preuve. Il a donc refusé d’intervenir. Cette notion d’absence de preuve contradictoire dans Viger n’a jamais été reprise par la suite par le TAQ.

[6] D’autres décisions ont rejeté la relation en invoquant le délai entre l’accident et le diagnostic de fibromyalgie9, l’absence des critères reconnus (notamment les points gâchettes)10 pour poser ce diagnostic, l’insuffisance de la preuve médicale11 et l’absence de corrélation entre le site des blessures initiales et le diagnostic de fibromyalgie12. Une autre décision13, traitant d’un phénomène douloureux et d’une condition de fibromyalgie, a indiqué que : «Le diagnostic de fibromyalgie post-traumatique tel que posé […] se fait par élimination et, dans l’optique de l’histoire longitudinale présentée, il ne saurait être retenu […] comme prépondérant.» Le TAQ n’a pas commenté plus avant et cette décision a été portée en révision. Le TAQ en révision14a déclaré que la première formation avait laissé davantage sous-entendre plutôt que de décider en ce qui a trait au phénomène douloureux et au diagnostic de fibromyalgie; il a donc révisé la décision et a ordonné la tenue d’une nouvelle audience pour qu’une décision sur le phénomène douloureux soit rendue. Dans cette nouvelle décision15, la victime a demandé au TAQ de reconnaître que la fibromyalgie est l’expression clinique du syndrome douloureux chronique, mais il a refusé de s’engager sur cette voie, compte tenu de certaines admissions de la SAAQ en rapport avec le phénomène douloureux.

2. 2004

[7] En 2004, le TAQ a refusé de reconnaître une relation entre un accident et une condition de fibromyalgie dans les 11 décisions qu’il a rendues sur ce sujet. Les mêmes motifs sont mis de l’avant, à savoir l’absence des critères reconnus16, le délai avant de poser le diagnostic17, la qualité des expertises médicales18 et l’absence de continuité évolutive19.

[8] Deux de ces décisions ont été contestées. L’une20 a été portée en révision21 devant le TAQ. Celui-ci affirme que la première formation a soulevé les questions appropriées, a entendu et apprécié les témoignages et a examiné la preuve documentaire. Il est d’avis qu’elle a rendu sa décision après avoir soupesé toute la preuve, ce qui exigeait nécessairement qu’elle attribue plus de poids à certains éléments de preuve qu’à d’autres, agissant ainsi au coeur de sa compétence. Le TAQ en révision conclut que l’appréciation de la valeur probante des différents éléments de preuve au dossier n’est entachée d’aucune erreur de fait ou de droit grave et déterminante quant à l’issue du litige. L’autre décision22 a fait l’objet d’une requête en révision judiciaire. La Cour supérieure indique que le litige provient de la présence d’expertises médicales aux conclusions divergentes. Elle mentionne que le mandat du TAQ l’obligeait à procéder à l’examen de ces expertises et, après cet exercice, à se rallier à l’une ou l’autre des conclusions médicales devant lesquelles il se retrouve. Selon la Cour, le TAQ s’est acquitté de cette tâche de façon exhaustive et complète; il s’est rallié à une opinion médicale plutôt qu’à une autre, de sorte qu’aucune erreur ne peut lui être imputée23.

[9] Enfin, une autre décision24 rendue en 2004 a conclu que l’accident n’avait pas aggravé une condition préexistante de fibromyalgie.

3. 2005

[10] Le TAQ, en 2005, a encore une fois rejeté tous les recours – il y en a eu six – portant sur un lien de causalité et une condition de fibromyalgie. Les motifs habituels sont mis de l’avant dans certaines décisions : le délai d’apparition de la fibromyalgie25, la comparaison entre les expertises médicales26, l’absence des critères reconnus27 et l’absence de continuité évolutive28. Dans d’autres décisions ayant rejeté le recours, le TAQ a ajouté des motifs différents.

[11] Ainsi, l’une d’elles29 mentionne que le diagnostic de fibromyalgie est un diagnostic d’élimination. Le TAQ souligne les antécédents psychiatriques de la requérante et le fait que les autres causes possibles, d’origines psychologiques ou psychiatriques, n’ont pas été éliminées. Il note aussi que des experts ont rapporté qu’un syndrome de fibromyalgie est fréquent à la suite d’une entorse cervicale ou d’un traumatisme cranio-cérébral mais que ces blessures ne sont pas présentes dans le cas de la requérante.

[12] Dans une autre décision30, le TAQ a admis que la majorité des expertises dans le dossier de la requérante constatent le diagnostic de fibromyalgie. Il indique que, même si les causes réelles de cette maladie sont encore inconnues, il y a souvent un traumatisme particulier qui précède l’apparition des symptômes. En citant la doctrine, il mentionne que la fibromyalgie est fréquemment associée à des facteurs précipitants, comme un traumatisme, le stress, les infections ou les troubles du sommeil. Le TAQ fait remarquer que la requérante a subi un trauma lors de son accident et que, en outre, elle a vécu d’autres facteurs de stress. Ces événements s’étant produits avant le diagnostic de fibromyalgie, l’accident devient une cause beaucoup moins prépondérante, selon le TAQ. Celui-ci évoque également le long délai d’apparition de la fibromyalgie et une absence de continuité des symptômes pour rejeter la relation recherchée.

[13] Par ailleurs, dans un cas où la requérante alléguait que son accident avait aggravé une condition préexistante de fibromyalgie en entraînant des séquelles permanentes sur les plans cognitif, neurologique et psychiatrique, le TAQ a signalé que l’accident était survenu chez une personne porteuse d’un syndrome de douleurs musculo-squelettiques évolutif, donc susceptible de progresser vers une plus grande souffrance physique et psychologique. Il a reconnu que la condition fibromyalgique représente un terrain fragile sur lequel l’accident a agi de manière à amplifier cette souffrance. Il a conclu que l’accident avait laissé des séquelles psychologiques de la nature de celles que l’on trouve, au Règlement sur les atteintes permanentes31, sous l’appellation de névroses chroniques. Compte tenu de l’absence d’antécédents psychiatriques significatifs, il a accordé un taux de déficit anatomo-physiologique de 10 % à cet égard32.

4. 2006

[14] En 2006, le TAQ a accueilli deux des cinq recours portés devant lui. Ainsi, dans l’un des cas33 où la relation entre l’accident et la fibromyalgie a été reconnue, le TAQ rejette d’abord une objection de la requérante, qui s’opposait au dépôt d’une expertise faite sur dossier par un neurochirurgien puisqu’elle contestait sa qualité d’expert dans le domaine de la fibromyalgie. Le TAQ se dit d’avis que cette expertise peut lui apporter un éclairage et qu’il lui appartient d’en déterminer la valeur probante. Sur le fond du litige, il rapporte que la condition douloureuse de la requérante est apparue dès le moment de l’accident, a perduré par la suite et a connu une évolution fluctuante très rapidement, atteignant plusieurs régions anatomiques. Il mentionne que le dossier de la requérante révèle des antécédents de dépression et de toxicomanie mais que ces conditions sont depuis longtemps résolues. Il fait état d’une condition d’anxiété et de certaines conditions d’origine psychosomatique. Le TAQ note que les consultations médicales avant l’accident ayant pour objet des conditions musculo-squelettiques étaient sporadiques et ne pouvaient, à l’époque, laisser soupçonner une fibromyalgie. De plus, la requérante travaillait régulièrement depuis plusieurs années avant l’accident. Le TAQ retient donc que la condition de la requérante est nettement différente de sa condition antérieure à l’accident, qui ne laissait nullement soupçonner une fibromyalgie. Il relève également le fait que quatre médecins sur cinq ont retenu le diagnostic de fibromyalgie et rappelle qu’il ne peut exiger de la requérante une preuve de nature scientifique. Enfin, il souligne qu’il ne peut accorder prépondérance à l’opinion isolée du neurochirurgien quant à cette condition de fibromyalgie, qui non seulement ne relève pas de sa spécialité mais qui, en outre, n’est pas appuyée par un examen de la requérante. Pour tous ces motifs, le TAQ reconnaît la relation entre l’accident et la fibromyalgie.

[15] L’autre décision34 ayant reconnu cette relation est principalement fondée sur l’expertise d’un interniste, que le TAQ considère comme prépondérante en raison de sa qualité exceptionnelle. Le TAQ rapporte que cet interniste a pris les dispositions nécessaires afin d’éliminer la subjectivité de l’examinateur et de l’examinée. Selon lui, l’objectivité et le détachement démontrés par ce médecin valident son indépendance et son impartialité. La documentation qu’il cite est récente et les tests qu’il a réalisés révèlent l’absence de simulation ou de somatisation. La SAAQ reproche aux experts de ne pas distinguer les points de fibromyalgie de la douleur relevant d’une entorse cervico-dorsale. Cela constitue, selon le TAQ, un déni de leur compétence. Il mentionne que les deux experts qui ont examiné la requérante ont conclu au même diagnostic, soit celui de fibromyalgie, tandis que les experts de la SAAQ n’ont pas eu le privilège d’examiner celle-ci ni de la questionner. L’un des médecins avait noté des stigmates de fibromyalgie en pratiquant un examen clinique selon les règles de l’art. Le fait qu’il n’ait pas décrit les points douloureux et la force appliquée pour les mettre en évidence n’invalide pas son diagnostic. Le TAQ souligne que, avec tant de médecins spécialistes pour le réitérer et toutes ces années qui se sont écoulées sans qu’une autre pathologie soit apparue pour expliquer la condition médicale, le diagnostic de fibromyalgie ne peut plus être mis en doute. Il précise qu’il n’existe pas encore de preuve scientifique certaine sur le lien de causalité entre les troubles associés à l’entorse cervicale et le syndrome de fibromyalgie. Il réaffirme le principe qu’une preuve ayant la rigueur d’une preuve scientifique ne peut pas être exigée. Un silence médical de 11 mois en cours d’évolution n’est pas considéré comme fatal puisqu’il suggère plutôt, selon le TAQ, une atteinte d’abord légère et lentement progressive. La continuité de la douleur a été démontrée et la preuve prépondérante ne révèle pas que des facteurs psychosociaux seraient la cause probable de la fibromyalgie. Le TAQ est d’avis que le délai de 26 mois entre l’accident et le diagnostic n’est pas plus fatal, la jurisprudence ayant déjà accepté un délai d’au-delà de 30 mois. Enfin, il affirme que le diagnostic de fibromyalgie est difficile et qu’il peut mettre des années à être posé, qu’un expert a situé à deux mois après l’accident le début insidieux de la fibromyalgie et qu’aucune pathologie n’a été décelée pour expliquer le tableau douloureux. Il reconnaît donc le lien entre l’accident et la fibromyalgie.

[16] Deux décisions ayant rejeté la relation recherchée sont fondées sur différents motifs. L’une fait état qu’un rhumatologue, dont la sphère d’expertise inclut la fibromyalgie, a mentionné que le diagnostic était toujours incertain35. L’autre indique qu’aucune preuve médicale motivant un lien causal entre la fibromyalgie et l’accident n’a été présentée, les médecins ayant posé ce diagnostic ne s’étant pas prononcés sur son étiologie36.

[17] La dernière décision37 ayant rejeté la relation entre l’accident et la fibromyalgie est longuement motivée. La requérante s’opposait au témoignage d’un physiatre. Elle soutenait que la fibromyalgie relève de la rhumatologie et qu’un physiatre ne peut en conséquence être qualifié d’expert et témoigner à ce titre. Elle alléguait également que le physiatre n’avait pas l’expérience requise pour se prononcer à titre d’expert sur une question aussi pointue. Le TAQ a rejeté son objection en affirmant que la physiatrie est proche de la rhumatologie. Selon lui, le champ d’expertise du physiatre lui permet de poser le diagnostic de fibromyalgie et de se prononcer à titre d’expert. De plus, il a souligné que le physiatre visé s’intéresse depuis plusieurs années au problème de la fibromyalgie et a donné des cours et des conférences sur ce sujet. Sur le fond, le TAQ mentionne que les 18 points douloureux propres au diagnostic de fibromyalgie ont été rapportés dans les notes du rhumatologue traitant de façon répétée, faisant en sorte que la présence de ce diagnostic est acceptée. Quant au lien de causalité recherché, il est d’avis que le fait que la fibromyalgie soit d’étiologie encore inconnue exige la même rigueur que pour toute autre pathologie et ne saurait entraîner la reconnaissance d’une relation sur de simples hypothèses. Il faut plus qu’une simple séquence chronologique d’événements pour reconnaître la relation recherchée, l’absence d’antécédents avant le fait accidentel ne suffisant pas à l’établir. Le TAQ indique que la requérante a présenté des douleurs à l’épaule, au cou et au niveau lombaire dès l’accident mais que celles-ci ont disparu par la suite. Il existe un silence de près de trois ans relativement à l’apparition de la symptomatologie cervicale. La première mention de fibromyalgie est apparue neuf ans après l’accident. Le TAQ conclut que ce délai est trop long et que la relation recherchée n’est pas établie.

[18] Enfin, dans une autre décision38 portant sur la capacité de travail, l’expert de la requérante associait l’invalidité de la requérante à une fibromyalgie. Le TAQ réplique à ce sujet que la requérante présente un passé psychiatrique chargé. Son vécu témoigne de traumatismes plus importants que celui de l’accident. Selon le TAQ, l’évolution vers une fibromyalgie ou tout autre problème psychiatrique doit être analysée sous l’angle d’une vie entière et non seulement à partir d’une entorse cervicale guérie sans atteinte objective.

5. 2007

[19] Quatre décisions ont été rendues à ce jour par le TAQ, dont l’une accueille le recours. Dans cette affaire39, le TAQ rappelle des principes reconnus. Ainsi, la relation entre la fibromyalgie et l’accident doit s’appuyer sur une preuve reposant sur la prépondérance des probabilités. Elle ne peut se fonder sur une simple hypothèse, mais elle n’exige pas une preuve scientifique certaine. Le diagnostic de fibromyalgie fait partie des syndromes douloureux chroniques et il repose sur des critères diagnostiques reconnus par bon nombre d’experts et par l’ensemble de la communauté scientifique. Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion, posé après avoir éliminé toute autre condition susceptible d’expliquer la symptomatologie douloureuse. Le TAQ est d’avis que la preuve prépondérante démontre que plusieurs éléments laissaient présager l’installation d’un syndrome douloureux dès l’année suivant l’accident, notamment l’apparition de troubles du sommeil, de problèmes de mémoire et de concentration ainsi que d’éléments dépressifs, en plus d’une symptomatologie douloureuse persistante et invalidante. Le médecin qui a mentionné la fibromyalgie, un an et demi après le traumatisme, a précisé que cette conclusion lui paraissait de plus en plus claire après avoir constaté l’amélioration des autres problèmes. Selon le TAQ, il a effectué l’exercice approprié avant de poser un diagnostic dit d’exclusion. La relation recherchée est donc reconnue.

[20] Des trois décisions défavorables aux requérants, l’une40 rapporte qu’un diagnostic de fibromyalgie a été posé formellement trois ans après l’accident. Entre-temps, un physiatre, bien au courant des critères diagnostiques de la fibromyalgie, n’en avait fait aucune mention. Le TAQ conclut que l’opinion du médecin qui a posé un diagnostic de fibromyalgie post-traumatique sans aucune explication n’est pas prépondérante, ce diagnostic n’étant pas appuyé par le tableau clinique décrit à l’époque où il a été posé. Une autre décision41 fait état de signes et de symptômes étrangers au fait accidentel, lesquels sont apparus deux mois après l’accident et se sont multipliés par la suite. Un diagnostic de maladie inflammatoire a été posé et confirmé par des examens appropriés, mais cette maladie arthritique n’a jamais été reconnue comme résultant de l’accident. Le TAQ conclut que les incapacités et les séquelles fonctionnelles décrites par deux experts sont reliées à une maladie inflammatoire et que cette maladie est également à l’origine de la fibromyalgie. Enfin, dans la dernière décision42, le TAQ mentionne qu’aucune explication n’a été fournie relativement au lien causal entre la fibromyalgie et l’accident. Il indique qu’il ne suffit pas qu’un médecin affirme l’existence d’une relation causale : il faut que les raisons sous-tendant cette affirmation soient énoncées pour lui accorder force probante.

Conclusion

[21] Il est encore trop tôt pour conclure que le TAQ commence à faire preuve de plus d’ouverture envers les victimes se disant atteintes de fibromyalgie, même si trois recours ont été accueillis au cours des derniers mois alors que la dernière décision favorable remontait à 2003. Seules les avancées dans la recherche médicale sur les causes de cette maladie permettront de trouver une réponse définitive… un jour. Actuellement, même si les victimes n’ont pas à présenter une preuve ayant une rigueur scientifique, elles doivent comparaître devant le TAQ munies d’un dossier médical inattaquable pour espérer avoir gain de cause.

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