Modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse1

[1] Plusieurs des modifications apportées en juillet 2007 à la Loi sur la protection de lajeunesse sont venues bonifier, raffiner et préciser la protection accordée aux enfants du Québec.

[2] Le présent article vise à souligner certains aspects de ces changements ainsi que certains jugements de la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, qui les ont interprétés et appliqués, en insistant plus particulièrement sur la façon dont ils ont amélioré la protection qui était déjà accordée à l’enfant.

Principes généraux et droits des enfants

[3] L’article 2.3 de la loi indique maintenant que toute intervention doit privilégier, lorsque les circonstances sont appropriées, les moyens qui permettent à l’enfant de participer activement à la prise de décisions et au choix des mesures qui le concernent. En intégrant la participation active de l’enfant au chapitre II,  «Principes généraux et droits des enfants», le législateur a donné à celle-ci la même importance que celle du principe du maintien de l’enfant dans son milieu familial (art. 2.2 à 11.3). L’article 2.4 de la loi prévoit que l’enfant doit être traité avec courtoisie, équité et compréhension, dans le respect de sa dignité et de son autonomie, que les informations et explications qui lui sont fournies soient adaptées à son âge et à sa compréhension, qu’il puisse faire entendre son point de vue et que sa perception du temps et sa culture soient respectées.

[4] Ayant établi ces principes, le législateur en a facilité l’application par le biais de certaines dispositions législatives. L’article 89 de la loi indique que le tribunal doit s’efforcer d’obtenir l’adhésion de l’enfant à une mesure envisagée. Les articles 47.1 à 47.5 et 51 favorisent, au moment de l’intervention sociale, la conclusion d’ententes entre le directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) et l’enfant de 14 ans et plus. L’article 89 oblige le tribunal, au cours du processus judiciaire, à expliquer à l’enfant les mesures envisagées et les motifs les justifiant. D’ailleurs, les tribunaux n’ont pas hésité, à l’occasion de discussions sur la détermination des modalités du droit d’accès, à privilégier la conclusion d’ententes entre les parties plutôt que d’entériner une recommandation unilatérale du DPJ. Plusieurs juges ont expressément reconnu que le tribunal avait compétence exclusive pour déterminer les modalités d’accès en l’absence d’entente entre les parties2. Dans Protection de la jeunesse – 0730593, le tribunal a conclu que les parties devaient avoir toute la latitude nécessaire pour s’entendre sur les modalités d’accès, qu’elles étaient capables d’en discuter, de s’entendre et de s’ajuster et que le tribunal n’interviendrait qu’en l’absence d’une entente.

Lien avec des personnes significatives

[5] Au chapitre «Principes généraux et droits des enfants», l’on trouve également l’article 4, qui protège dorénavant les liens de l’enfant avec les personnes qui lui sont les plus significatives ainsi que la continuité des soins et conditions de vie, et ce, de façon permanente. Lorsque l’enfant ne peut être maintenu dans son milieu familial, le tribunal doit s’assurer que les liens significatifs qu’il a créés avec des personnes de sa famille ou de son entourage sont protégés. Si ces personnes sont en mesure de lui assurer une continuité de soins et le maintien de conditions de vie appropriées, elles pourraient se voir confier la garde de celui-ci4.

Motifs de compromission

[6] Au chapitre des motifs pouvant engendrer la compromission de l’enfant, le législateur a voulu protéger l’enfant non seulement lorsqu’il est soumis à une situation de compromission, mais également lorsqu’il y a des risques sérieux qu’il le soit, tel le danger que ses parents ou gardiens ne répondent pas à ses besoins fondamentaux ou qu’il subisse de mauvais traitements psychologiques ou encore des abus sexuels ou physiques. L’enfant est donc protégé contre une situation appréhendée qui risque de compromettre sa sécurité et son développement. L’article 38 de la loi ne définissant pas l’expression «risque sérieux», les tribunaux l’ont assimilée à l’expression «danger moral ou physique» que l’on trouvait dans l’ancien texte et ont exigé une norme plus importante qu’une simple possibilité reposant sur des conjectures5.

[7] L’article 38 b) permet dorénavant d’étendre la protection déjà accordée à l’enfant en indiquant qu’il est soumis à de la négligence lorsque ses besoins fondamentaux, tant sur le plan de la santé que sur les plans physique et éducatif, ne sont pas assurés. Le législateur a ajouté à l’article 38 c) un motif de compromission, soit les mauvais traitements psychologiques. En utilisant l’expression «notamment» pour introduire une liste de situations et les termes «de nature à lui causer un préjudice», il en a permis une interprétation large afin de couvrir un grand nombre de situations. Il en va de même de la rédaction du paragraphe e) de l’article 38 à l’égard des abus physiques, notion qui englobe à la fois les sévices corporels et les méthodes éducatives déraisonnables6.

Déclaration extrajudiciaire et témoignage de l’enfant

[8] Les modifications apportées à l’article 85.5 de la loi, plus particulièrement la disparition de l’obligation de corroboration des déclarations extrajudiciaires de l’enfant, ont donné au tribunal une plus grande latitude dans l’appréciation de la fiabilité et de la crédibilité de son témoignage et de ses déclarations. Ainsi, le tribunal a indiqué que l’élimination de la notion de corroboration entraîne un élargissement des éléments de preuve admissibles et confère ainsi un caractère de fiabilité à la déclaration extrajudiciaire de l’enfant7.

Durée maximale de l’hébergement

[9] À l’article 91.1 de la loi, le législateur a voulu encadrer la durée d’une mesure d’hébergement d’un enfant. Il établit une durée maximale à celui-ci en fonction de son âge et oblige le tribunal à tenir compte de la durée d’une mesure qui serait contenue dans une entente sur les mesures volontaires ainsi que de celle d’une mesure antérieure ou de toute période pendant laquelle l’enfant aurait été confié ou hébergé en vertu de la loi. De plus, à l’expiration des périodes prévues, le tribunal doit rendre une ordonnance qui assure à l’enfant la continuité des soins de même que la stabilité de ses liens et de ses conditions de vie. Par ailleurs, le législateur a donné au tribunal le pouvoir de passer outre aux délais lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige ou s’il existe des motifs sérieux de le faire ainsi que le pouvoir de mettre en place, en tout temps, un projet de vie permanent qui serait dans l’intérêt de l’enfant8.

Hébergement en unité d’encadrement intensif

[10] L’article 11.1.1 de la loi illustre encore une fois la volonté du législateur de protéger les droits de l’enfant lorsque celui-ci est soumis à une mesure d’hébergement en unité d’encadrement intensif. Il a prévu des formalités qui doivent être respectées sous peine de voir la mesure déclarée illégale. D’une part, l’enfant doit être informé de la mesure, des motifs la justifiant et des objectifs qu’il doit atteindre pour que la mesure soit levée. Il doit pouvoir exprimer son désaccord et la mesure doit être révisée au moins une fois par mois. Cette dernière est prise en fonction de la gravité du risque réel et sérieux d’un danger pour lui ou pour autrui, de son comportement et de ses démarches de réadaptation. Le législateur a également prévu que, pendant que l’enfant est hébergé en unité d’encadrement intensif, il puisse bénéficier de services de réadaptation et d’accompagnement9.

Conclusion

[11] Il appartient maintenant aux tribunaux et aux intervenants sociaux d’interpréter et d’appliquer ces changements importants afin de mieux protéger la sécurité et le développement de l’enfant. D’autres éléments seront à surveiller,  notamment quant à l’application des durées maximales d’hébergement, à l’appréciation de la déclaration extrajudiciaire d’un enfant, aux nouveaux motifs de compromission et à l’hébergement en unité d’encadrement intensif, mais également à d’autres questions qui n’ont pas été traitées dans cet article, comme la notion d’abandon et de négligence définie à l’article 38 a) et b) de la loi, la révision par les tribunaux des projets d’entente, les répercussions des conférences de règlement à l’amiable et la question de la confidentialité.

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