En juin 2011, dans le contexte du conflit de travail qui sévissait à Postes Canada, le Parlement a imposé, par l’adoption d’une loi spéciale, la nomination d’un arbitre qui aurait à choisir entre l’offre finale de l’employeur et celle du syndicat. À la suite de la réception d’une liste de candidatures potentielles, la ministre du Travail, l’honorable Lisa Raitt, a nommé à ce titre Me Guy Dufort.
Or, ce dernier avait non seulement agi par le passé à titre de procureur de l’employeur dans un important dossier d’équité salariale, mais il avait en outre été actif au sein du Parti conservateur, informations que le syndicat ignorait vraisemblablement jusqu’à ce qu’il prenne connaissance du curriculum vitae de celui-ci. Cependant, considérant qu’un laps de temps suffisant s’était écoulé depuis la fin de ces activités, l’arbitre a rejeté, en mars 2012, une première requête du syndicat qui lui demandait de se récuser pour cause d’apparence de partialité.
Deux semaines plus tard, le syndicat revenait à la charge avec de nouvelles informations tirées de la page Facebook de Me Dufort, où l’on trouvait des liens vers l’association conservatrice de Westmount -- Ville-Marie et vers la page d’une députée conservatrice de Calgary, de même qu’une liste d’amis sur laquelle figuraient le nom de la ministre à qui était attribuable sa nomination et celui du ministre responsable de Postes Canada.
L’arbitre a une seconde fois refusé de se récuser, faisant valoir que la preuve apportée n’était pas suffisamment sérieuse pour soulever une crainte raisonnable de partialité.
Dans Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes c. Société canadienne des postes (C.F., 2012-08-08), 2012 CF 975, SOQUIJ AZ-50886335), la Cour fédérale ne s’est pas montrée du même avis.
En effet, soulignant au passage les liens étroits existant entre le gouvernement et l’administration de Postes Canada, la Cour a jugé qu’une personne sensée, raisonnable et bien renseignée estimerait que Me Dufort, de façon consciente ou non, pourrait favoriser la position de l’employeur en raison, notamment, des liens qu’il maintenait toujours avec des gens importants du Parti conservateur.
Cette affaire, comme le souligne d’ailleurs la Cour, illustre de belle manière les difficultés auxquelles font face les décideurs lorsque, saisis d’une demande de récusation, ils deviennent juge et partie.
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