[1]  Outre le lot habituel de décisions portant sur la garantie légale ou les pratiques de commerce interdites, plusieurs jugements, dont certains très importants, ont récemment traité d’autres aspects de la Loi sur la protection du consommateur[1]. Dans cet article, nous vous présenterons des décisions rendues en 2011 et 2012 dans lesquelles les tribunaux ont clarifié la notion de «consommateur moyen», la définition de «frais de crédit» ainsi que l’application de la loi en matière de cartes de crédit. D’autres jugements ont porté sur l’annulation de contrat pour cause d’obligation excessive, les contrats conclus à distance ainsi que la langue des documents se rattachant au contrat. Enfin, nous examinerons également certains recours collectifs qui ont été autorisés en matière de droit de la consommation.

Qu’est-ce qu’un consommateur moyen?

[2]  Dans Richard c. Time Inc.[2], la Cour suprême du Canada s’est prononcée sur la méthode d’analyse prévue à l’article 218 de la loi. Dans le contexte d’une loterie publicitaire de type «sweepstakes», Time inc. et Time Consumer Marketing Inc. ont posté à l’appelant des documents lui mentionnant qu’il avait gagné plus de 800 000 $ s’il renvoyait un coupon-réponse dans le délai requis et que le paiement de son prix avait été autorisé. Les documents comportaient plusieurs phrases écrites en majuscules et caractères gras, rédigées sous forme exclamative, qui visaient à capter l’attention du lecteur en lui suggérant qu’il était le gagnant d’un prix important, mais également des phases imprimées en plus petits caractères, rédigées sous forme conditionnelle. L’appelant s’est inscrit au concours, mais il n’a reçu aucun chèque, car il ne détenait pas le numéro gagnant. Le juge de première instance a conclu que les documents avaient été expressément conçus pour tromper leurs destinataires et qu’ils contenaient des représentations fausses ou trompeuses au sens de l’article 219 de la loi[3]. La Cour d’appel avait toutefois infirmé cette décision car, selon elle, un consommateur «moyennement intelligent, moyennement sceptique et moyennement curieux» devait se méfier des messages publicitaires aux apparences trop généreuses[4]. La Cour suprême a finalement tranché : l’impression générale donnée par une publicité doit s’apprécier selon la perspective d’un consommateur moyen, «crédule et inexpérimenté», et non d’une personne raisonnablement prudente et diligente. Selon elle, cette définition respecte mieux les objectifs de protection contre la publicité fausse ou trompeuse que poursuit le législateur québécois. Ainsi, selon l’article 218 de la loi, la démarche pour évaluer la véracité d’une représentation commerciale doit s’effectuer en deux étapes, en tenant compte du sens littéral des mots employés : 1) examiner l’impression générale qu’elle est susceptible de donner chez le consommateur crédule et inexpérimenté; et 2) déterminer si cette impression générale est conforme à la réalité.

Perception de frais de conversion : la trilogie de la Cour d’appel

[3]  La Cour d’appel a récemment rendu trois jugements portant sur la perception de frais lors de l’utilisation d’une carte de crédit pour effectuer des paiements en monnaies étrangères (frais de conversion) : Amex Bank of Canada c. Adams[5], Fédération des caisses Desjardins du Québec c. Marcotte[6] et Banque de Montréal c. Marcotte[7]. La Cour supérieure avait accueilli en partie des recours collectifs intentés contre des banques canadiennes et les caisses Desjardins du Québec au motif que les frais de conversion facturés aux détenteurs de carte de crédit pour des achats en devises étrangères constituent des frais de crédit qui auraient dû être divulgués conformément aux dispositions impératives de la loi. Or, dans Fédération des caisses Desjardins du Québec, la Cour d’appel a conclu que les frais exigés à l’occasion de l’utilisation d’une carte de crédit pour effectuer un paiement en devises étrangères ne constituent pas des frais de crédit au sens des articles 76 et ss. de la loi, mais plutôt des frais associés à l’utilisation d’un service de conversion accessoire, qui ne sont pas exigés pour avoir accès au crédit ou garantir son remboursement. Cependant, comme tous les frais facturés, ils doivent être raisonnables et dénoncés de façon précise aux consommateurs, comme l’a rappelé la Cour dans Amex Bank of Canada. Par ailleurs, dans Banque de Montréal, la Cour a déterminé que, pour éviter un conflit d’objectifs et rendre efficace l’encadrement fédéral de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, les dispositions de la loi en matière de plaintes doivent être déclarées inopérantes relativement aux institutions financières de compétence fédérale, et ce, en vertu du principe de la prépondérance du fédéral.

Obligation excessive

[4]  Conformément à l’article 8 de la loi, lorsque l’obligation d’un consommateur est excessive, abusive ou exorbitante, celui-ci peut demander la nullité du contrat ou la réduction des obligations qui en découlent. Voici quelques exemples récents d’application de cette disposition.

[5]  Dans Adam c. 6775667 Canada inc. (JDM Nagoya Auto Parts)[8], un étudiant de 20 ans avait acheté, sans garantie, une voiture sport importée au prix de 9 500 $. Or, celle-ci n’a roulé que deux jours en raison de vices cachés importants. Même si aucune pression indue n’avait été exercée sur le consommateur, la Cour a conclu qu’il était en droit d’obtenir l’annulation de la vente, car son obligation était excessive, et que le commerçant, qui n’avait pas démontré que le prix exigé était justifié, n’avait pas réussi à repousser la présomption d’exploitation.

[6]  Un homme âgé de plus de 80 ans a également obtenu l’annulation du contrat de vente par lequel il s’était porté acquéreur d’une automobile de marque Ford Mustang 2005, par acte de vente à tempérament[9]. Afin d’acquérir cette voiture, il avait annulé son contrat de bail à long terme conclu avec le concessionnaire, à des conditions très onéreuses, dont l’ajout d’une pénalité de 12 188 $ au contrat d’achat. Le tribunal a conclu qu’il s’agissait d’une obligation excessive et exorbitante, car le contrat était subjectivement trop lourd pour le consommateur. Cette décision a toutefois été portée en appel.

[7]  Les contrats de services que des femmes avaient conclus avec le Centre de formation automobile du Québec pour une formation professionnelle d’une durée de 10 jours au coût de 2 816 $ ont également été annulés dans Beaulieu Arpin c. Centre de formation automobile du Québec (9180-3577 Québec inc.)[10]. Le centre de formation leur avait fait miroiter, verbalement et par écrit, dans sa publicité, un taux de placement minimal de 95 % ainsi qu’une forte demande pour des conseillers en services, ou «aviseurs techniques», dans l’industrie automobile. Or, il n’y avait qu’une très faible demande quant à ce type de formation et les conditions de travail étaient à mille lieues de celles décrites dans la publicité. En plus du fait qu’elles avaient été victimes de fausses déclarations, l’obligation de ces femmes, qui étaient sans emploi, pour la plupart monoparentales et âgées de plus de 40 ans, était excessive, abusive ou exorbitante au sens de l’article 8 de la loi. Il est à noter qu’une requête en révision judiciaire a par contre été déposée dans ce dossier.

[8]  Enfin, dans Lavoie c. Sélection du Reader’s Digest[11], une dame âgée de 75 ans qui croyait qu’elle devait acheter les produits offerts par Sélection du Reader’s Digest pour améliorer ses chances de gagner aux concours publicitaires organisés par celle-ci a eu droit à une réduction substantielle de ses obligations (3 500 $). Pendant quatre ans, elle avait régulièrement acheté divers biens qu’elle n’utilisait jamais et dont elle n’avait aucunement besoin, principalement des livres et des disques compacts, au coût total de 7 553 $. Compte tenu de ses faibles revenus, ces achats ont créé une pression financière additionnelle démesurée et avaient un caractère subjectivement lésionnaire.

Contrat conclu à distance

[9]  Il y a encore peu de décisions qui mettent en cause l’application des articles 54.1 et ss. de la loi, relatifs au contrat conclu à distance. Dans Aubry c. Bigfoot Paintball[12], le demandeur avait gagné un concours lui permettant d’acquérir, pour la moitié du prix, des entrées pour jouer au paintball dans un centre récréatif. Il a fait une réservation téléphonique pour un groupe d’une dizaine de personnes, mais il a dû l’annuler par la suite. Il a alors été informé qu’une somme de 398 $ avait été prélevée sur sa carte de crédit et que cette somme n’était pas remboursable. Or, n’ayant pas été informé de manière expresse des conditions d’annulation, de résiliation, de retour, d’échange ou de remboursement des forfaits acquis, le demandeur a pu obtenir la résolution du contrat. C’est au moment de conclure le contrat à distance que les informations prévues à l’article 54.4 doivent être communiquées au consommateur. Une description détaillée des biens achetée à distance doit également être divulguée par le commerçant, tel que l’a appris un vendeur de dictionnaires électroniques dans Mailhot c. BuroPLUS, division commerciale[13].

Langue des documents se rattachant au contrat

[10]   Selon l’article 26 de la loi, le contrat et les documents qui s’y rattachent doivent être rédigés en français, sauf si les parties ont expressément convenu qu’ils soient rédigés dans une autre langue. Ainsi, dans Samson c. CCE Télécom inc.[14], l’acheteur d’un système de surveillance résidentielle par caméras qui n’avait pas été en mesure d’obtenir un manuel d’instructions rédigé en français, et ce, 23 mois après la vente, a obtenu la résolution du contrat.

Recours collectifs autorisés en protection du consommateur

[11]   En terminant, voici quelques recours collectifs qui ont été autorisés en 2011 et 2012 en matière de protection du consommateur.

[12]   Dans Option Consommateurs c. Meubles Léon ltée[15], la Cour supérieure a autorisé un recours collectif contre un commerçant qui proposait aux consommateurs un programme de financement «achetez maintenant, payez plus tard». La requérante et la personne désignée lui reprochent de ne pas avoir divulgué les frais d’adhésion annuels qui ont été facturés par la suite, ce qui constituerait des représentations fausses ou trompeuses quant aux conditions de crédit. Un recours semblable a également été autorisé dans Option Consommateurs c. Brick Warehouse, l.p.[16].

[13]   Un recours collectif a aussi été autorisé contre Bell Canada et Bell Mobilité inc., à qui l’on reproche d’avoir facturé des intérêts au taux annuel de 42,58 % pour des services Internet et de téléphonie cellulaire, ce qui constituerait une lésion subjective au sens de l’article 8 de la loi[17].

[14]   Enfin, les recours collectif des personnes qui ont financé l’achat ou la location d’un véhicule avec la Banque Royale du Canada ou la Banque de Nouvelle-Écosse et auxquelles ont été facturés des frais d’inscription au registre des droits personnels et réels mobiliers excédant le Tarif des droits relatifs au registre des droits personnels et réels mobiliers[18] ont été autorisés[19].

Conclusion

[15]   Cette revue jurisprudentielle avait pour but de présenter les décisions de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel du Québec ayant retenu notre attention ces dernières années ainsi que d’autres jugements des instances inférieures portant sur des questions moins courantes, comme le contrat conclu à distance. Au cours des prochaines années, il sera notamment intéressant de surveiller si les tribunaux auront à appliquer les nouvelles dispositions de la loi relatives à la vente de cartes prépayées (art. 187.1 et ss.) et à la revente de billets de spectacle (art. 236.1).

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