Le 1er novembre dernier, Gabriel Nadeau-Dubois, ancien porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (la CLASSE), a été reconnu coupable d’outrage au tribunal. En effet, le juge Denis Jacques a conclu qu’il avait profité de la large tribune que lui avait offerte le réseau télévisé RDI le 13 mai 2012 pour sciemment inciter les auditeurs à contrevenir aux ordonnances d’injonction rendues dans le contexte du conflit étudiant.

Les représentations sur sentence ont eu lieu le 9 novembre dernier. Le demandeur, Jean-François Morasse, a fait valoir que l’imposition d’une amende devait être écartée, car elle aurait vraisemblablement été payée par des associations syndicales ou par des sympathisants de Nadeau-Dubois, ce qui n’aurait eu aucun effet dissuasif. Il a donc suggéré une peine d’emprisonnement de 30 jours ou 150 heures de travaux communautaires à effectuer dans un délai de 6 mois. Pour sa part, l’avocat de Nadeau-Dubois a d’abord soutenu que celui-ci, en tant que symbole du mouvement étudiant appuyé par des intellectuels et des artistes, ne devrait se voir imposer aucune peine que ce soit. Selon lui, une certaine forme de rébellion ou de désobéissance civile serait socialement acceptable. Subsidiairement, il a suggéré l’imposition d’une légère amende ou de 20 heures de travaux communautaires.

Dans sa décision sur la peine à imposer, le juge a d’abord rappelé la gravité de l’infraction d’outrage au tribunal, l’importance de respecter les ordonnances des tribunaux et le fait que nul n’est au-dessus des lois. Il a également souligné que Nadeau-Dubois et les associations qu’il représente n’ont jamais porté en appel les ordonnances rendues. En effet, une seule des nombreuses ordonnances rendues a fait l’objet d’une requête pour permission d’interjeter appel, par un cégep, et celle-ci a été rejetée (Cégep de l’Outaouais c. Beauséjour). À cet égard, le juge a aussi réitéré que la «judiciarisation» du conflit étudiant contre laquelle s’insurgeait Nadeau-Dubois n’était en fait que l’exercice légitime des droits du demandeur dans une société libre et démocratique.

Quant à l’argument selon lequel Nadeau-Dubois serait un symbole du mouvement étudiant auquel une partie de la population s’identifierait, le juge a conclu qu’il s’agissait davantage d’un facteur aggravant, car ses paroles auraient ainsi davantage d’effet.

De plus, il a rejeté l’argument selon lequel Nadeau-Dubois aurait dû bénéficier du fait que la Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu’ils fréquentent (la Loi 12) avait aboli les injonctions. En effet, l’entrée en vigueur de cette loi n’a eu aucune incidence, comme le prévoit d’ailleurs expressément l’article 32.

À titre de facteur aggravant, le tribunal a également retenu le fait que les propos de Nadeau-Dubois, qui ont été largement diffusés, n’étaient pas accidentels. D’ailleurs, afin de démontrer l’état d’esprit qui l’animait à l’époque, Morasse a déposé en preuve un enregistrement vidéo d’un discours prononcé le 7 avril, à la suite du prononcé des premières injonctions, et au cours duquel Nadeau-Dubois a notamment tenu les propos suivants :

«Surtout, nous avons tout simplement raison… On a raison de se lever, on a raison de crier, on a raison de manifester, on a raison de faire la grève, on a raison de bloquer l’entrée à nos cégeps, de bloquer l’entrée à nos universités. On a raison de ne pas se laisser impressionner par les injonctions d’un petit con qui a perdu son débat en assemblée générale et qui a des parents assez riches pour se payer un avocat. On a raison de se battre contre ça.»

Au chapitre des facteurs atténuants, le juge a retenu que Nadeau-Dubois était un jeune homme talentueux qui avait fait l’objet d’une première condamnation pour outrage au tribunal.

Références

  • Morasse c. Nadeau-Dubois (C.S., 2012-11-01), 2012 QCCS 5438, SOQUIJ AZ-50907942, 2012EXP-3966, J.E. 2012-2124 
  • Cégep de l’Outaouais c. Beauséjour (C.A., 2012-05-08), 2012 QCCA 834, SOQUIJ AZ-50854614, 2012EXP-1959, J.E. 2012-1039
  • Morasse c. Nadeau-Dubois (C.S., 2012-12-05), 2012 QCCS 6101 (peine)
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