Publié initialement sur LesAffaires.com.
BLOGUE. En règle générale, les tribunaux n’ont pas le droit d’intervenir pour modifier les termes d’un contrat, même si ses clauses désavantagent excessivement l’une des deux parties.
Cependant, des exceptions tempèrent ce principe. Le Code civil du Québec prévoit notamment deux types de contrats dont l’équité des termes pourrait être assujettie à l’appréciation des tribunaux. Ce sont le contrat de consommation et le contrat d’adhésion.
Le contrat d’adhésion est un contrat dont les clauses essentielles ont été imposées par l’une des parties ou rédigées par elle, et ne pouvaient être librement discutées. On pense habituellement au contrat d’assurance ou au contrat de crédit.
Or, il arrive régulièrement en jurisprudence qu’un contrat de travail soit qualifié de contrat d’adhésion.
Dans Decoste c. Banque de Montréal*, le demandeur, un conseiller en placement ayant travaillé pour la Banque de Montréal pendant plusieurs années, a tenté de faire invalider sur cette base une clause prévue dans le manuel d’administration des ventes de l’employeur. Selon cette clause, la rémunération liée aux frais de gestion n’était versée au salarié que s’il était encore au service de l’employeur au moment de la facturation des clients. Le demandeur ayant démissionné quelques semaines avant la facturation trimestrielle, la Banque a refusé de lui verser les 31 175 $ auxquels il aurait autrement eu droit.
La Cour du Québec a cependant donné tort au demandeur. Selon le tribunal, la Banque a démontré qu’elle avait offert, dans une note de service interne, la possibilité de discuter des conditions prévues dans le manuel en cause, mais que le demandeur, agissant librement, ne s’en était pas prévalu. Il ne s’agissait donc pas d’un contrat d’adhésion.
Cette affaire illustre bien l’importance pour un employeur de conserver toute preuve de négociation ou de discussion des conditions prévues dans un contrat de travail (ou ailleurs) même si, dans les faits, le salarié n’a pas réussi à en modeler le contenu.
En effet, le simple fait pour l’employeur d’avoir discuté des conditions de travail ou invité le salarié à le faire pourrait court-circuiter le pouvoir d’intervention du tribunal en matière de clauses abusives.
À noter que, dans l’affaire mentionnée plus haut, le tribunal a jugé que même s’il avait décidé que le contrat en cause était un contrat d’adhésion, la clause attaquée n’était pas abusive dans les circonstances, notamment en raison du fait que le demandeur aurait pu démissionner plus tard et encaisser les commissions réclamées.
Ce billet a été rédigé avec la collaboration de Me Sylvie Théoret.
* Decoste c. Banque de Montréal (C.Q., 2013-02-22), 2013 QCCQ 1707, SOQUIJ AZ-50944669
Les auteurs du Blogue ne peuvent donner d'opinion ni de conseil juridique relativement aux situations personnelles des lecteurs.
Consultez un avocat ou un notaire pour obtenir des réponses appropriées à votre situation : visitez la Boussole juridique pour trouver des ressources gratuites ou à faible coût.