Le 7 juin 2012, la Loi visant à interdire la revente de billets de spectacle à un prix supérieur au prix autorisé par le producteur, adoptée par le législateur québécois le 20 octobre précédent, est entrée en vigueur. Cette loi modifie la Loi sur la protection du consommateur en y ajoutant l’article 236.1, en matière de pratiques de commerce :
236.1. Aucun commerçant ne peut exiger d'un consommateur, pour la vente d'un billet de spectacle, un prix supérieur à celui annoncé par le vendeur autorisé par le producteur du spectacle.
L'interdiction prévue au premier alinéa ne s'applique pas à un commerçant qui satisfait aux conditions suivantes:
a) il a obtenu, au préalable, le consentement du producteur du spectacle pour revendre le billet de spectacle à un prix supérieur;
b) il effectue la revente dans le respect de l'entente qu'il a conclue avec le producteur du spectacle;
c) il informe clairement le consommateur avant la revente:
i. de l'identité du vendeur autorisé visé au premier alinéa, du fait que des billets pourraient être disponibles auprès de ce dernier et du prix annoncé pour ces billets;
ii. du fait que le billet fait l'objet d'une revente et, le cas échéant, du prix de revente maximal auquel a consenti le producteur du spectacle.
Pour l'application du présent article, on entend par «billet de spectacle» tout document ou instrument dont la présentation donne le droit à son détenteur d'être admis à un spectacle, à un événement sportif, à un événement culturel, à une exposition ou à tout autre divertissement de quelque nature que ce soit.
Les sites de revente de billets Quality Plus Tickets, Ticketium, Billets.ca et 514-Billets.com ont contesté la validité constitutionnelle de cette loi devant la Cour supérieure en faisant notamment valoir qu’elle était ultra vires des pouvoirs de la législature québécoise car, par son caractère véritable et ses effets juridiques, elle légifère dans le domaine du droit criminel, qui est de compétence fédérale. Or, le juge Daniel W. Payette a rejeté leurs prétentions. Selon lui, le caractère véritable de la loi n’est pas d’interdire la revente de billets de spectacle aux consommateurs, mais plutôt de régir les pratiques de commerce jugées dolosives pour les consommateurs, ce qui est l’essence même de la Loi sur la protection du consommateur.
De plus, la loi n’édicte pas que seul le producteur d’un spectacle peut revendre des billets à un prix supérieur au prix initial. Un commerçant peut également le faire, avec le consentement du producteur, en respectant les règles de publicité à l’endroit des consommateurs. Il ne s’agit donc pas d’une prohibition absolue, mais de la réglementation d’une pratique de commerce, qui relève de la compétence provinciale.
Sans trancher la question de la portée extraterritoriale de la loi, le juge a également rappelé qu’il n’y a pas d’obstacle à ce que la Loi sur la protection du consommateur s’applique à un contrat conclu au Québec visant un bien qui ne s’y trouve pas. Si les conditions relatives au contrat à distance et au contrat de consommation sont remplies, le lien de rattachement au Québec est clair: le consommateur y réside, le contrat y est conclu et le commerçant y rend un service (que le spectacle y soit tenu ou non). Le simple fait qu’une loi provinciale valide ait, accessoirement, une répercussion supraprovinciale n’en compromet pas la validité.
Enfin, le juge a rejeté l’argument des revendeurs de billets selon lequel la loi opérait une expropriation sans compensation de leur clientèle en faveur des producteurs de spectacle. Il a aussi conclu que l’État ne s’est pas approprié la clientèle perdue ni n’a créé de monopole à son profit visant à faire la mise en marché des billets de spectacle.
Il reste maintenant à savoir si les revendeurs de billets se conformeront à ces nouvelles règles, ou de quelles façons ils parviendront à les contourner…
Référence
Quality Plus Tickets inc. c. Québec (Procureur général), (C.S., 2013-08-06), 2013 QCCS 3780, SOQUIJ AZ-50993599.
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