Dans une récente décision (K.C. et Bar A), la Commission des lésions professionnelles (CLP) a examiné la réclamation d’une danseuse nue pour une lésion psychologique survenue à la suite d’une agression sexuelle dont elle avait été victime au bar où elle travaillait. Après avoir estimé que la demande d’indemnisation était recevable malgré le délai écoulé, la CLP s’est attelée à la tâche de déterminer si la danseuse, compte tenu des conditions dans lesquelles elle exerçait son travail, était une travailleuse au sens des dispositions pertinentes de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

D’entrée de jeu, le juge administratif Watkins a tenu à préciser que la détermination du statut de la requérante n’avait pas pour but de définir par la même occasion celui de toutes les danseuses travaillant dans des établissements au Québec, ce même statut pouvant varier énormément selon les situations.

Un critère fondamental : la rémunération

Après une analyse de la situation, le juge Watkins en est venu à la conclusion que, peu importe l’angle sous lequel on examinait la question, la requérante ne pouvait être considérée comme une travailleuse puisqu’un élément crucial était absent du portrait, soit une quelconque forme de rémunération. Dans les faits, la requérante ne recevait aucune rémunération ni aucun avantage monnayable des propriétaires du bar pour sa prestation de travail. Bien au contraire, c’est elle qui devait payer le bar pour un service de protection. La seule rémunération de la requérante provenait exclusivement des clients à qui elle offrait ses services, dont des «extras», et elle conservait l’intégralité des sommes ainsi perçues. Le juge a également précisé que le seul fait de se faire offrir un accès à des clients ne pouvait constituer une rémunération au sens de la loi. Même s’il était prêt à accepter qu’en théorie la requérante puisse être considérée comme une travailleuse autonome au sens de la loi, sa réclamation ne pouvait être indemnisable puisque, à ce titre, elle n’avait présenté aucune demande d’inscription à la CSST afin d’obtenir une protection en cas de lésion professionnelle.

Néanmoins, compte tenu des circonstances particulières du dossier, le juge administratif Watkins a décidé que la requérante était en droit de savoir qu’au mérite la CLP aurait tout de même rejeté sa réclamation car, en décidant d’accorder un extra alors qu’elle n’avait aucune obligation de le faire ni aucune demande de la part des dirigeants du bar en ce sens, la requérante quittait la sphère de son activité professionnelle pour s’engager dans une activité personnelle. Même si le bar pouvait profiter du fait que de tels extras étaient offerts, cela n’établissait pas pour autant qu’une telle activité faisait partie du travail de danseuse. L’agression dont la requérante a été victime n’étant ainsi pas survenue à l’occasion de son travail, la lésion psychologique en découlant ne pouvait faire l’objet d’une indemnisation.

Référence

K.C. et Bar A (C.L.P., 2013-05-30), 2013 QCCLP 3288, SOQUIJ AZ-50972945, 2013EXPT-1320

Print Friendly, PDF & Email