En mars 2013, la Loi permettant de relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions a été adoptée. Celle-ci, qui amende la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, prévoit que la Cour supérieure peut, si l’intérêt public le justifie, déclarer provisoirement incapable d’exercer toute fonction liée à sa charge le membre du conseil d’une municipalité qui fait l’objet d’une poursuite criminelle punissable de deux ans d’emprisonnement ou plus, dans la mesure où la poursuite a un lien avec l’exercice de la fonction de l’élu et qu’elle est de nature à déconsidérer l’administration de la municipalité.

Le 29 août dernier, un premier jugement a été rendu en application de cette loi, dans le contexte d’un recours entrepris par une citoyenne contre Michel Lavoie, le maire de la ville de Saint-Rémi. Lavoie fait l’objet de sept chefs accusations en vertu du Code criminel pour abus de confiance, fraude et complot. Ces chefs d’accusation sont tous punissable de plus de deux ans d’emprisonnement. Le juge Jean-François Michaud, de la Cour supérieure, a été saisi du dossier et il a été appelé à traiter de la constitutionnalité de la nouvelle loi et à appliquer celle-ci au cas de Lavoie.

En ce qui concerne la constitutionnalité de la loi, le juge Michaud a conclu que, contrairement aux prétentions de Lavoie, celle-ci ne souffrait pas d’imprécision. Pour lui, l’objectif de la loi, soit la préservation de la confiance des citoyens envers la démocratie municipale, de même que les valeurs sociales en jeu et les mots utilisés dans la disposition attaquée permettaient aux citoyens d’être raisonnablement prévenus des conséquences d’une conduite interdite.

Le juge Michaud a aussi noté que le législateur avait prévu deux critères à examiner pour vérifier si l’intérêt public justifie une déclaration d’incapacité. Premièrement, il doit y avoir un lien entre l’infraction alléguée et l’exercice des fonctions du membre du conseil municipal. Deuxièmement, cette infraction doit être de nature à déconsidérer l’administration de la municipalité. Ensuite, après avoir conclu que la description des chefs d’accusation était amplement suffisante pour conclure que le premier critère était rempli, il s’est penché sur celui de la déconsidération de l’administration de la municipalité, soit un critère de droit nouveau qui nécessite de déterminer si une personne raisonnable, objective et bien informée accepterait que Lavoie demeure en poste. Pour le juge Michaud, il fallait conclure par la négative.

Lavoie a invoqué d’autres motifs, mais ceux-ci ne lui ont été d’aucun secours. Ainsi, l’appui de la population de Saint-Rémi, apparent si l’on tient compte d’une pétition comptant plus de 100 signatures, s’il pouvait démontrer que le maire était apprécié de ses concitoyens, n’était pas pertinent pour déterminer ce que penserait la société en général. Finalement, bien que la sérénité dans laquelle se déroule l’administration d’une ville puisse être prise en considération, la nature et la gravité des accusations en jeu ne permettaient pas d’accorder un grand poids à ce facteur.

Lavoie a donc été déclaré provisoirement incapable d’exercer toute fonction liée à sa charge de maire. Il continuera de recevoir son salaire pendant cette période d’incapacité provisoire mais sera tenu de le rembourser s’il est déclaré coupable sous les accusations criminelles qui ont été déposées contre lui.

Référence

Boyer c. Lavoie (C.S., 2013-08-29), 2013 QCCS 4114, SOQUIJ AZ-50998108