L’article 2097 du Code civil du Québec (C.C.Q.) énonce que l’aliénation de l’entreprise ou la modification de sa structure juridique par fusion ou autrement ne met pas fin au contrat de travail, lequel lie l’ayant cause à l’employeur. Cette disposition déroge au principe de l’effet relatif des contrats.

On trouve peu de décisions des tribunaux supérieurs ayant interprété cet article, d’où l’intérêt du jugement rendu récemment dans Messier c. Investissement TQS inc.

Les trois demandeurs travaillaient pour le réseau de télévision TQS. Ils n’étaient pas syndiqués. Ils ont été licenciés en avril 2008, soit un mois après que l’employeur eut conclu un contrat de gestion avec la défenderesse, une société qui faisait alors affaire sous la dénomination de Remstar Corporation. Les demandeurs ont soutenu que cette dernière était liée par les contrats de travail et qu’elle devait leur verser des indemnités de cessation d’emploi. La Cour supérieure a rejeté la requête introductive d’instance.

Le juge Bolduc a conclu que le contrat de gestion ne constituait pas une aliénation d’entreprise, mais une concession d’entreprise. Par ce contrat, Remstar voulait s’assurer de contrôler temporairement l’entreprise jusqu’à la date d’acquisition des actions de la société mère de TQS, laquelle s’était placée trois mois plus tôt sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Le juge interprète l’article 2097 C.C.Q. comme ne visant pas la concession d’entreprise, un acte juridique qui se distingue de l’aliénation en ce qu’elle n’emporte aucun transfert du droit de propriété et qu’elle revêt un caractère réversible ou temporaire. Il conclut également à l’absence de fusion ou de modification de la structure juridique de l’entreprise.

Il souligne que, si l’intention du législateur avait été d’inclure la concession de l’entreprise, il l’aurait prévu expressément à l’article 2097 C.C.Q. comme il l’a fait à l’article 45 du Code du travail ainsi qu’aux articles 96 et 97 de la Loi sur les normes du travail.

Par ailleurs, le juge a distingué le présent dossier de celui dont était saisie la Cour fédérale, estimant que la conclusion de cette dernière selon laquelle le contrat de gestion avec Remstar pouvait raisonnablement être considéré comme une «vente d’entreprise», au sens de l’article 44 du Code canadien du travail, ne s’appliquait pas.

Dans les circonstances, le juge Bolduc a décidé que les conditions d’application de l’article 2097 C.C.Q n’étaient pas remplies et que, par conséquent, la défenderesse n’était pas liée par les contrats de travail des demandeurs.

Il ajoute par ailleurs que, même si l’article 2097 C.C.Q. devait s’appliquer, la défenderesse aurait bénéficié de la quittance prévue au plan d’arrangement et, de ce fait, elle aurait été libérée des sommes réclamés par les demandeurs.

Références

  • Messier c. Investissements TQS inc. (C.S., 2013-09-03), 2013 QCCS 4208, SOQUIJ AZ-50999793
  • Remstar Corporation c. Syndicat des employées et employés de TQS inc. (FNC-CSN)*, (C.A.F., 2011-05-30), 2011 CAF 183, SOQUIJ AZ-50762140, 2011EXP-2395, 2011EXPT-1411, D.T.E. 2011T-494
Print Friendly, PDF & Email