L’article 327 du Code de la sécurité routière prévoit que :

Toute vitesse ou toute action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété est prohibée.

Tout récemment, le juge Cournoyer, de la Cour supérieure, a eu à répondre à la question de savoir si un cycliste était visé par cette disposition. 

Dans cette affaire, le défendeur Rodrigue a été accusé d’avoir contrevenu à l’article 327 du Code de la sécurité routière. Au dire du policier, ce dernier, qui circulait dans la rue en bicyclette, a traversé en diagonale l’intersection au feu rouge et des automobilistes ont klaxonné à son intention. La manœuvre aurait été très dangereuse, trois véhicules ayant failli le heurter. Un constat d’infraction lui a été immédiatement remis pour avoir traversé l’intersection à un feu rouge (art. 359 et 504 du code).

Toutefois, cinq mois plus tard, il a reçu un constat d’infraction à l’article 327 du code.

Le juge de la Cour municipale de Longueuil n’a pas retenu le témoignage du défendeur ni celui de son témoin. Toutefois, il a conclu que l’infraction reprochée au défendeur n’existait pas à l’encontre d’un cycliste, l’article 327 ne ciblant que les automobilistes. Malheureusement pour Rodrigue, l’affaire n’en est pas restée là. Le juge Cournoyer, de la Cour supérieure, siégeant en appel, a donné raison à la poursuite et a conclu à la culpabilité du défendeur.

D’entrée de jeu, le juge établit que l’interprétation du Code de la sécurité routière et de l’article 327 doit se faire en utilisant la méthode moderne d’interprétation législative, qui prévoit de «lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur». L’ensemble du Code de la sécurité routière et les définitions de différents types de véhicules que l’on trouve à son article 4 amènent le juge à conclure qu’une bicyclette est un véhicule au sens du code. Il en découle que l’utilisation de celle-ci est régie par le code qui prévoit aussi des obligations qui doivent être respectées par le conducteur d’une bicyclette. Puis, le juge examine les dispositions pénales en matière de règles de circulation routière, soit les articles 504 à 519. Parmi ces infractions, il note que l’article 504 vise expressément le conducteur d’une bicyclette, que certaines infractions, celles prévues aux articles 506, 507, 509 et 510, visent « toute personne autre que le conducteur d’une bicyclette» et, enfin, que la plupart des autres infractions s’appliquent, comme l’article 327, à «quiconque», c’est-à-dire à toute personne sans restriction. Il en retient que le code établit des infractions qui visent clairement le conducteur d’une bicyclette, d’autres qui l’excluent expressément et d’autres encore qui s’appliquent à tous.

Cela dit, pour le juge, si le législateur avait voulu exclure le conducteur d’une bicyclette de l’application de l’article 327, il aurait pu le faire en utilisant l’expression «toute personne autre que le conducteur d’une bicyclette». Fort de ce raisonnement, il en conclut que l’article 327 s’applique à quiconque, soit à toute personne, y compris au conducteur d’une bicyclette.

Cette conclusion a été fort désavantageuse pour le défendeur Rodrigue, qui, dès lors, non seulement a été reconnu coupable de l’infraction reprochée mais, en outre, a été condamné à payer une amende de 1 000 $, ce qui, pour certains, représente le coût d’acquisition d’une bicyclette…

Référence

Longueuil (Ville de) c. Rodrigue (C.S., 2013-12-05), 2013 QCCS 6172, SOQUIJ AZ-51025711

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