Dans un billet paru le 17 octobre 2013, je vous entretenais du cas de cet étudiant en arts visuels qui a été reconnu coupable d'avoir sciemment transmis ou fait recevoir des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles à des enfants des écoles primaires de la région, commettant ainsi l'infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité prévue aux articles 264.1 (1) a) et 264.1 (2) b) du Code criminel. Ce dernier a porté sa cause en appel, alléguant notamment qu’il n’y avait pas d’actus reus puisque, d’une part, il n’y avait pas de lien logique entre ses propos et les réactions à la suite de ses propos et, d’autre part, une personne raisonnable qui aurait reçu le texte n’aurait pas eu raison de craindre. De plus, il a prétendu qu’il n’y avait pas eu de preuve de la mens rea. Le juge Pronovost, de la Cour supérieure, a rejeté l’appel, confirmant par le fait même la déclaration de culpabilité prononcée contre l'appelant.
En ce qui concerne l’actus reus, d’entrée de jeu, le juge Pronovost cite la Cour suprême dans R. c. McRae et conclut que, pour que l'actus reus soit présent, il faut que les menaces aient un sens qu'une personne raisonnable donnerait à ces mots en tenant compte du contexte. Le juge retient que, pour le juge de première instance, les mots utilisés, soit «kidnapper», «enfermer», «accrocher» et «frapper», ont une signification réelle, ils sont explicites et significatifs, et ils expriment des actions propices à créer un climat de violence; que celui-ci a expressément mentionné que l'appelant avait utilisé des verbes conjugués au présent; et qu’il a, par la suite, pris en considération le contexte dans lequel ces mots avaient été utilisés et les réactions suscitées. Or, de rappeler le juge Pronovost, la crédibilité ou le poids donné à chaque témoignage n'appartient pas au juge d'appel. Ainsi, lorsque le juge Charest en arrive à la conclusion que l'étudiante responsable de l'exposition ainsi que le directeur avaient été dérangés par ce texte, il s'agissait de l'appréciation des témoignages, ce qui relevait de sa compétence exclusive de juge de première instance.
Par ailleurs, le juge Pronovost précise que, bien qu’il soit vrai qu'en défense des enseignants et des étudiants en arts visuels ont prétendu que, dans leur sphère, ces mots pouvaient vouloir dire autre chose, cela ne change rien à ce que le juge de première instance devait décider, à savoir ce qu’une personne raisonnable placée dans la même situation conclurait, et non pas de déterminer ce que des artistes pourraient conclure puisque le projet était soumis au public et non à un cercle fermé.
Quant à l’argument de la procureure de l’appelant, qui a soutenu qu’il fallait tenir compte du contexte dans lequel l’appelant avait toujours produit des travaux non conformistes et marqués par la violence et du fait que, dans les consignes, l’œuvre pouvait être réelle ou fictive, le juge Pronovost répond que c’est dans ce contexte et non pas dans cette propension que le juge Charest a conclu «qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait craint la menace» (paragr. 35).
Enfin, pour le juge Pronovost, l'appelant reproche au juge de première instance non pas des erreurs de droit, mais bien son appréciation des faits à partir des témoignages. Or, de dire le juge, celui-ci n'a démontré aucune erreur manifeste et dominante qui permettait à la Cour d'intervenir.
Cette histoire, qui suscite un vif intérêt depuis le début compte tenu des faits particuliers de l’affaire, n’est pas terminée. En effet, une requête pour permission d’interjeter appel du jugement de la Cour supérieure vient d’être déposée (2014-04-14 (C.A.), 200-10-003038-143). À suivre…
Références
- R. c. Dulac (C.Q., 2013-07-19), 2013 QCCQ 8200, SOQUIJ AZ-50993640, EXP 2013-2751, J.E. 2013-1487.
- Dulac c. R. (C.S., 2014-03-14), 2014 QCCS 972, SOQUIJ AZ-51054699, EXP 2014-1269, J.E. 2014-707. Requête pour permission d’appeler, 2014-04-14 (C.A.), 200-10-003038-143.
- R. c. McRae (C.S. Can., 2013-12-06), 2013 CSC 68, SOQUIJ AZ-51024895, EXP 2013-3868, J.E. 2013-2109, [2013] 3 R.C.S. 931.
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